Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 10/10/2024
M. Bruno Rojouan attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés et l'inadaptation du forfait accordé aux avocats dans le cadre d'une aide juridictionnelle.
Les avocats intervenant dans le cadre de l'aide juridictionnelle font face à des défis financiers majeurs, en particulier dans le cadre des procédures civiles. Le système actuel accorde un forfait fixe, indépendamment du nombre d'actes juridiques effectués. Cette uniformité financière crée un découragement évident, incitant certains avocats à limiter leurs efforts au strict minimum. Par exemple, dans une affaire d'escroquerie, où des actions complexes sont nécessaires pour défendre les intérêts du client, l'avocat ne voit pas de compensation financière supplémentaire pour ses efforts soutenus. Cela crée un paradoxe où le système pousse à une prestation minimale, compromettant la qualité de la représentation juridique.
Un exemple concret met en lumière les difficultés pratiques. Une avocate, travaillant sur un dossier d'escroquerie à l'encaissement de chèques, investit des mois d'efforts significatifs. De la réception du client à la préparation de plaintes et à la participation à des audiences, elle accomplit un travail substantiel sans garantie immédiate de compensation financière. Lorsqu'elle cherche à être indemnisée pour son engagement, le service d'aide juridictionnelle informe qu'aucun document de règlement n'est délivré à ce stade de la procédure. Cette déconnexion entre l'effort déployé et la rémunération potentielle crée un dilemme démotivant pour les avocats qui, malgré leur engagement, se trouvent dans une situation financière précaire.
Cet exemple met en évidence une lacune systémique où la rémunération des avocats ne reflète pas l'ampleur et la complexité de leur travail, entraînant une démotivation significative dans le cadre des procédures faisant l'objet d'une aide juridictionnelle.
Aussi, il souhaite connaitre les mesures que le Gouvernement compte prendre pour garantir une représentation juridique de qualité, plus complète et engagée.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
Le législateur a prévu un mécanisme de rétribution conformément à l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : « L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles perçoit une rétribution ». La rétribution d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle est par principe forfaitaire. L'avocat est rétribué à la fin de sa mission, pour l'ensemble de ses diligences, selon un barème qui prévoit une rétribution par mission. Une mission comprend toutes les étapes de la procédure, de son introduction à l'acte y mettant fin, quel que soit le temps écoulé et le nombre de diligences effectuées par l'avocat. Ce principe forfaitaire n'est pas étranger aux avocats puisque ceux-ci ont eux-mêmes recours couramment à la rémunération au forfait dans le cadre de leur activité en dehors de l'aide juridictionnelle. Ainsi, il n'est pas rare que l'avocat fixe avec son client les honoraires qui lui seront dus pour une procédure sans que le temps écoulé jusqu'à son terme ou le nombre de diligences effectuées ne puissent entraîner leur augmentation. Il convient en outre de souligner que ce principe de rétribution forfaitaire de l'aide juridictionnelle prend en compte de nombreuses différences de situation ; c'est ainsi que ce barème (situé en annexe du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020) comprend déjà plus de 80 procédures rétribuées forfaitairement, ce qui permet une certaine finesse dans la rétribution. De plus, il existe des majorations permettant de rétribuer des actes accomplis par les avocats en sus du forfait, afin de tenir compte de certaines diligences supplémentaires, comme par exemple en matière de mise en état des procédures civiles. D'une manière générale, des efforts de revalorisation ont été effectués en concertation avec la profession d'avocat. Depuis 2015, le barème de rétribution des avocats a ainsi connu une augmentation de 12 % après correction de l'inflation. Enfin, les conventions locales relatives à l'aide juridique, reposent sur un mécanisme d'engagements réciproques entre les barreaux et les tribunaux judiciaires et visent précisément à assurer une défense de qualité des bénéficiaires de l'aide juridique. Avec ce dispositif, le barreau s'engage à mettre en place une ou plusieurs permanences pénales et civiles ; en fonction de la qualité de ces permanences évaluée par les services du ministère de la justice, un financement complémentaire est versé au barreau. Cette dotation supplémentaire peut ainsi être utilisée par le barreau pour majorer la rétribution des avocats dans des procédures choisies.
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