Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 17/10/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'opportunité de généraliser une convention entre le parquet et la caisse d'allocations familiales (CAF) locale afin de retirer les prestations sociales aux personnes condamnées pour trafic de drogue, sur le modèle de la convention en vigueur entre le parquet de Grenoble et la CAF de l'Isère.
Alors que le Sénat a publié, le 14 mai 2024, un rapport sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier qui souligne l'ampleur du trafic de drogue dans l'hexagone et en Outre-mer, le parquet de Grenoble coopère depuis décembre 2020 avec la CAF locale afin de croiser les informations des différents services de l'État en matière de prestations sociales, de fiscalité et de condamnation pour trafic de drogue.
Afin d'empêcher que les condamnés puissent cumuler les gains occultes du narcotrafic et les prestations sociales, la CAF recalcule les prestations sociales attribuées et attribue des pénalités en fonction du montant estimé des gains liés au trafic. Cette coopération est reconnue comme étant une « bonne pratique » par la direction des affaires criminelles et des grâces (DCAG). Toutefois, chaque CAF départementale est autonome en la matière et la convention en vigueur en Isère n'a, à ce jour, aucun équivalent sur le reste du territoire.
Le Sénateur souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement sur la généralisation de cette coopération et demande les mesures qu'il compte prendre pour empêcher le cumul de prestations sociales et de gains liés au narcotrafic.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
Depuis plusieurs années le ministère de la Justice promeut, dans la conduite de la politique pénale, l'appréhension de la dimension patrimoniale pour le traitement judiciaire des affaires de trafics de stupéfiants. Cette approche a pour ambition à la fois de priver les auteurs des gains tirés de leurs activités criminelles, mais aussi de couvrir l'intégralité du spectre de cette délinquance, notamment les faits connexes, tels que la fraude aux finances publiques. Cette démarche, partagée par l'ensemble des pouvoirs publics, s'est traduite dans le temps par de nombreux dispositifs. C'est ainsi que l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de présomption permettant d'intégrer dans l'imposition sur le revenu les éléments de patrimoine constatés à l'occasion de procédures de trafics de stupéfiants. De même, l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale prévoit que l'autorité judiciaire est habilitée à communiquer aux organismes de protection sociale les informations qu'elle recueille dans le cadre de procédures judiciaires, permettant de présumer qu'une fraude a été commise en matière sociale. Outre ces mécanismes inscrits dans la loi, des dispositifs ont été mis en oeuvre permettant d'animer, à l'échelon interministériel, la lutte contre ce type de fraude. C'est ainsi qu'ont été créés les comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), rassemblant notamment, autour de la lutte contre la fraude aux finances publiques, l'autorité judiciaire, les forces de l'ordre et les représentants des organismes de protection sociale. Les CODAF s'inscrivent ainsi pleinement dans cette lutte, comme le souligne la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2021, rappelant à cet égard qu'ils ont également vocation à être mobilisés sur des enjeux connexes, tels que le blanchiment d'argent lié aux trafics de stupéfiants. C'est dans ce contexte normatif et institutionnel que les trois parquets de l'Isère, en collaboration avec la caisse d'allocations familiales (CAF) du département et les services d'enquête, ont signé le 14 décembre 2020 un protocole « favorisant la lutte contre la fraude, l'échange d'informations et l'amélioration du recouvrement des sommes dues à la CAF ». Ce dispositif, issu des échanges au sein des CODAF, cible notamment les trafiquants de stupéfiants. Cette initiative, bien connue du ministère de la Justice, s'inscrit ainsi pleinement dans la démarche du législateur et dans la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Le ministère de la Justice en fait d'ailleurs la promotion, à titre de bonne pratique, vis-à-vis des magistrats du parquet, depuis le mois de juillet 2022. Cette dynamique se poursuit par ailleurs puisque l'article L. 114-22-3 du code de la sécurité sociale, qui donne des pouvoirs de police judiciaire à des agents commissionnés des organismes de protection sociale, notamment de la CAF, offre un nouveau cadre d'échange spontané des informations obtenues dans un cadre judiciaire.
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