Question de Mme DEVÉSA Brigitte (Bouches-du-Rhône - UC) publiée le 24/10/2024

Mme Brigitte Devésa attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la distribution des produits contenant de la nicotine en France.

En effet, il n'existe actuellement pas de réglementation claire et harmonisée en France sur la distribution des produits contenant de la nicotine, molécule pourtant à l'origine de l'addiction. Les seuls produits à être clairement et lisiblement encadrés à l'heure actuelle sont les produits du tabac.

L'absence de réglementation claire concernant la distribution des produits contenant de la nicotine, autres que ceux du tabac, a des conséquences néfastes sur l'accessibilité de ces produits pourtant addictifs.

À titre d'exemple, les produits du vapotage, interdits aux mineurs, sont commercialisables n'importe où. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons pu constater un développement anarchique des puffs et des dérives inacceptables dans leur commercialisation : en dehors des "vape-shops" et des buralistes, elles peuvent être achetées sur internet (50 % des ventes), ou en magasin de détail (épiceries comme grande distribution). Ces lieux de commercialisation ne répondent d'ailleurs pas à la réglementation à laquelle sont soumis les débits de tabac (en matière d'implantation, d'affichage de la réglementation ou de formation).

Il est d'autant plus urgent de réglementer les produits à base de nicotine, qu'on assiste à une accélération des innovations dans ce domaine rendant les produits encore plus attractifs et ne rentrant plus dans les catégories existantes que sont les produits du tabac et du vapotage. Hors de toute catégorie juridique, la vente aux mineurs est de facto autorisée et le produit commercialisé n'importe où.

Ce flou juridique pourra entraîner des situations comparables à celle du CBD, où la venue tardive d'une réglementation concernant sa commercialisation a conduit à une certaine anarchie.

Harmoniser et clarifier la réglementation de la distribution des produits contenant de la nicotine serait un atout supplémentaire dont nous pourrions nous doter pour atteindre les objectifs de santé publique relatifs à la lutte contre la prévalence tabagique.

L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans sa note n° 41 de septembre 2023 sur les « nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine » recommande d'ailleurs de « mieux réguler leur commercialisation » et de « développer rapidement un cadre réglementaire pour les nouveaux produits oraux de la nicotine [...] et ceux susceptibles d'émerger ».

L'interdiction pure et simple de ces produits ne parait pas pertinente : elle peut tout d'abord aisément être contournée. De plus, l'absence de combustion fait de ces produits des alternatives au tabac à moindre nocivité, qui pourrait être intégrés à une politique de lutte contre la prévalence tabagique, qui stagne depuis plusieurs années en France. Plusieurs pays ont fait ce choix, comme la Suède ou le Royaume-Uni, avec des résultats probants.

Il est donc essentiel de mettre en place dès à présent une réglementation pour tous les produits de la nicotine (actuels et futurs), au risque pour les pouvoirs publics de rester dans une attitude de réaction, toujours trop tardive. Parmi les mesures à envisager, l'interdiction formelle de la vente de tout produit contenant de la nicotine aux mineurs mais également l'exclusivité de la vente des produits contenant de la nicotine au réseau agréé des buralistes, réseau de confiance, réglementé et lié à l'État par un contrat de gérance.
Elle lui demande quelles sont ses intentions en la matière.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 11/09/2025

Depuis 2022, on assiste à l'émergence d'un marché de produits sans tabac contenant de la nicotine, en particulier des sachets (« pouches ») à placer sur la gencive, ainsi que sous forme de perles, gommes, billes. La facilité de consommation des produits nicotiniques à usage oral, couplée à leur marketing attractif, créent un environnement propice à la surconsommation, en particulier pour les plus jeunes, pouvant entraîner des effets sanitaires graves. Le développement de ce nouveau marché représente un nouveau défi dans la politique de prévention des addictions, en particulier celle à la nicotine. Rappelons, qu'outre son caractère addictogène, la nicotine a, elle même, des effets délétères pour la santé, en particulier chez les jeunes jusqu'à 25 ans. La consommation de nicotine affecte le cerveau et entraîne des problèmes de concentration et d'apprentissage de nouvelles compétences, deux aspects essentiels au développement des adolescents et des jeunes adultes. De plus, la nicotine peut affecter le bien-être mental, provoquant une dépression et des troubles cognitifs. Les enfants et les adolescents sont plus sensibles aux effets secondaires négatifs de la consommation de nicotine et sont également plus sujets à la dépendance que les adultes. Des effets sur le système cardiovasculaire et digestif ont également été répertoriés. Qui plus est, ces nouveaux produits contiennent parfois des doses très élevées de nicotine, ainsi que d'autres ingrédients et arômes dont les effets et risques combinés sur la santé sont inconnus. La nicotine est classée comme ayant une toxicité aiguë au niveau européen, et les préparations contenant plus de 0,1 % m/m (soit approximativement 1 mg/ml) doivent mentionner sur l'étiquette : « mortel par contact cutané », « toxique en cas d'ingestion » et « mortel en cas d'ingestion ». Elle est aussi classée d'un point de vue environnemental comme « dangereuse pour le milieu aquatique », « toxique pour les organismes aquatiques, entraine des effets néfastes à long terme ». La diffusion progressive de ce type de produits sur le territoire français a d'ailleurs conduit à une augmentation très significative des cas d'intoxication signalés aux centres antipoison. Ainsi, dans un rapport publié le 30 novembre 2023, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recense 131 cas d'intoxication liés à des produits à usage oral contenant de la nicotine en 2022 contre 19 en 2020, chiffres vraisemblablement sous-estimés. La majorité des personnes intoxiquées à la suite de leur consommation était des adolescents entre 12 et 17 ans qui s'étaient intoxiqués dans le cadre d'une consommation intentionnelle. Ces adolescents présentaient des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères : vomissements prolongés avec risque de déshydratation, convulsions, troubles de la conscience, hypotension ayant nécessité un remplissage vasculaire. Ces éléments ont permis de conclure aux dangers sanitaires graves et avérés de ces produits et ont amené le Gouvernement à la décision de les interdire. Un projet de décret a été élaboré dans ce sens et notifié à la Commission européenne fin février 2025. Ce dernier prévoit d'interdire diverses opérations concernant les produits à usage oral contenant de la nicotine, dont la production, l'importation, la détention, la cession et l'offre, en vertu de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique. Une période de statu quo a dû être respectée, permettant aux Etats membres et à la Commission européenne d'adresser à la France leur avis sur ce projet de réglementation. Suite à ce statu quo, le décret relatif à l'interdiction des produits à usage oral contenant de la nicotine a été publié le 5 septembre 2025.

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