Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 28/11/2024

Question posée en séance publique le 27/11/2024

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Rémi Cardon. Michelin, Watts, Valeo, la liste est longue, monsieur le Premier ministre. Derrière ces noms d'entreprise, il y a des familles dont le destin est brisé, une angoisse certaine face à l'avenir et un sentiment d'impuissance dangereux. Il s'agit notamment de soudeurs, de chaudronniers, de dessinateurs industriels, d'électriciens, bref, de métiers essentiels dont la noblesse est balayée, alors qu'ils méritent toute notre attention et notre protection.

Face à la mondialisation du libre-échange à tout-va, vous n'avez pas joué votre rôle. Vous avez laissé faire et vous vous êtes laissé faire. Rien ne va : nous sommes en pleine guerre économique avec les États-Unis et la Chine, et le solde des ouvertures et fermetures d'usines en France est redevenu négatif cet été. Vous avez péché par orgueil, ou par imprudence, face à ces deux géants qui, eux, ont bien compris que le libre-échange n'apportait aucune liberté s'il n'était pas régulé.

Trêve de constats résignés, il faut passer à l'action ! Pourtant, alors que les solutions existent, rien ne bouge. Avons-nous une stratégie industrielle européenne ? Aucune ambition claire n'émerge ! Une stratégie nationale ? Votre ministre de l'industrie a commandé, ai-je entendu dire, un rapport sur la question, alors qu'un travail complet comme celui d'Olivier Lluansi est déjà sur la table... Quid des prix de l'électricité ? Vous avez fait plusieurs tentatives, mais rien n'a été concrétisé jusqu'à présent. Qu'en est-il des règles d'achat public dans l'Union européenne ? Il n'existe aucune convergence européenne. Un fonds est-il prévu pour Territoires d'industrie ? Là encore, les coups de rabot de plusieurs millions d'euros se succèdent.

Monsieur le Premier ministre, le diagnostic est clair. Ce qu'il manque, c'est la volonté d'agir. Ma question est simple : quand et comment comptez-vous agir pour enrayer ce déclin industriel que vous avez laissé faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 28/11/2024

Réponse apportée en séance publique le 27/11/2024

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur Cardon, je n'ai pas besoin de vous rappeler la date à laquelle Michel Barnier a été nommé Premier ministre de la République. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. Le précédent Premier ministre n'était pas de chez vous ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous étiez au pouvoir juste avant !

M. Antoine Armand, ministre. Le Gouvernement n'a aucune difficulté à assumer ses responsabilités, mais vous avez l'heur de lui en attribuer d'autres qui ne lui incombent pas.

Notre pays est à un moment clé pour l'avenir de son économie. Face aux difficultés industrielles, notamment au niveau international, nous devons sortir d'une forme de naïveté européenne, que vous avez décrite avec vos mots - nous ne pouvons qu'être d'accord avec vous. Nous sommes sous la pression américaine et asiatique, et nous devons faire face à des États et à des continents qui agissent avec une vitesse, une ampleur et un degré d'agressivité que l'Europe ne peut égaler à court terme.

Dans ce contexte, nous agissons en suivant une stratégie claire.

Cela passe par la mise en place de tarifs douaniers de 35 % pour stopper la concurrence déloyale exercée par certains pays asiatiques dans le secteur automobile, par le plan que nous lançons à l'échelon européen, sous l'autorité du Premier ministre, dans les secteurs de l'acier, de la sidérurgie et de l'automobile, afin de renforcer nos politiques sectorielles, et par les mesures de sauvegarde que nous sommes prêts à prendre pour préserver les industries - vous en avez cité certaines qui sont aujourd'hui menacées par la concurrence internationale.

Cela passe aussi par la stratégie nationale que nous élaborons, là encore sous l'autorité du Premier ministre, pour mieux financer l'industrie de demain : nous consacrons 1,5 milliard d'euros aux mesures de décarbonation pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de développer de nouvelles capacités de production en France.

Cela passe enfin par le projet de livret d'épargne dédié à l'industrie, annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, pour financer localement des emplois durables.

Je suis certain que nous pourrons compter sur votre assemblée dans le cadre du débat budgétaire qui vient de débuter. Mais, disons-le clairement, si des dizaines de milliards d'euros d'impôts supplémentaires sur les entreprises sont votés, il y aura malheureusement des conséquences ! (M. François Patriat applaudit.)

Mme Audrey Linkenheld. C'est scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, ce que je retiens de votre semblant de réponse, c'est l'absence de vision, d'ambition et de plan d'action ! Bref, la réindustrialisation n'est pas pour demain !

Vous avez évoqué le fait que le Premier ministre venait d'être nommé. Regardons les chiffres de la balance commerciale : en 2017, elle était déficitaire de 62 milliards d'euros ; aujourd'hui, ce déficit est de 98 milliards d'euros. Ce n'était pas vous, peut-être, qui étiez au pouvoir entre-temps ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

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