Question de Mme CHAIN-LARCHÉ Anne (Seine-et-Marne - Les Républicains) publiée le 07/11/2024
Mme Anne Chain-Larché attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les détournements d'usage des baux emphytéotiques dans le but d'échapper au droit de préemption.
Les baux emphytéotiques, dont la durée peut atteindre 99 ans, ne faisant l'objet d'aucune déclaration d'intention d'aliéner (DIA), ne permettent pas aux communes, aux intercommunalités ou aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'user de leur droit de préemption ni même d'obtenir des informations précises sur les projets qui y sont prévus.
Or, de nombreux élus locaux constatent que le bail emphytéotique est désormais utilisé pour effectuer des « ventes déguisées » car ils confèrent, au titulaire du bail et pour la durée de celui-ci, les mêmes droits que les propriétaires en matière de demande d'urbanisme et la jouissance totale du bien pour une durée largement supérieure à l'espérance de vie moyenne.
Cela permet ainsi à certaines personnes d'acquérir « de fait » des terrains, y compris en zone naturelle, et d'y établir des constructions parfois anarchiques sans que les communes ou les SAFER ne puissent s'y opposer.
Concrètement, de nombreux élus ont ainsi assisté, impuissants, à la signature de baux emphytéotiques de longue durée (99 ans) au bénéfice de personnes qui ne sont pas des agriculteurs et qui utilisent des terrains en zone naturelle à des fins éloignées de leur but agricole initial, comme pour la réalisation des sites de campements pour les gens du voyage, de cabanisation ou encore de caravaning.
La sénatrice Anne Chain-Larché demande donc au Ministre ce qu'il compte faire pour mettre fin à cette situation, dans le respect du droit de propriété.
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Transmise au Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 08/05/2025
Le droit de préemption, qu'il relève de la prérogative d'une collectivité territoriale ou de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), n'est susceptible de s'exercer qu'à réception de la déclaration d'intention d'aliéner s'appliquant à des mutations à titre onéreux des biens, et non en cas de passation d'un bail, quelle que soit sa nature, et notamment un bail emphytéotique. En principe (sauf clause contraire dans le bail), le preneur à bail emphytéotique se voit conférer un droit de superficie temporaire, véritable droit de propriété immobilière, sur les améliorations, constructions et autres plantations dont il est l'auteur, qui s'ajoute, à titre d'accessoire, au droit réel de jouissance portant sur l'immeuble. Si le bail emphytéotique, prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime, échappe, par nature, aux différents droits de préemption institués en matière civile (droit de préemption des co-indivisaires), urbaine (droit de préemption urbain et des espaces naturels sensibles) ou rurale (droit de préemption de la SAFER), il ne constitue pas, à raison des circonstances entourant sa conclusion, une vente déguisée, destinée à faire fraude au droit de préemption. Il est de longue date très prisé, en tant que support juridique, par exemple de la part d'associations afin de mettre en valeur des immeubles reçus en legs et, plus récemment, pour des activités telles que le développement des énergies renouvelables. Il est difficile d'exciper a priori du caractère frauduleux d'un bail emphytéotique. Le juge rappelle cependant que si ce bail prévoit un transfert du droit réel de propriété à la fin du contrat, ce dernier sera, lui, soumis au droit de préemption. Il appartient donc au notaire, chargé d'établir le bail, de déterminer si ce dernier est soumis au droit de préemption, selon l'effectivité du transfert de la propriété à la date d'expiration du bail. À cet égard, il est recommandé à l'ensemble de la profession, représentée par le Conseil supérieur du notariat, la plus grande vigilance. Les collectivités territoriales ne sont par ailleurs pas démunies face aux installations et constructions illicites en zone naturelle ou agricole, aussi désignées sous le vocable de « cabanisation », qui constituent un phénomène complexe qui revêt des contours extrêmement variés, de l'habitat léger de loisirs à l'extension illégale de constructions existantes en passant par des problématiques d'habitat précaire. Ainsi la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, a ouvert des moyens nouveaux à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, bien souvent le maire, afin de permettre une action rapide pour traiter les infractions en matière d'urbanisme. C'est ainsi que les articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l'urbanisme prévoient un mécanisme de mise en demeure de régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction au code de l'urbanisme. Concrètement, une fois le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé, l'autorité compétente a la faculté de mettre en demeure l'auteur de cette infraction de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de sa construction ou de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser a posteriori. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros maximum par jour de retard dont le produit revient à la collectivité compétente en matière d'urbanisme. Il s'agit donc là d'un moyen supplémentaire mis à disposition des collectivités pour traiter les installations et constructions illégales.
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