Question de Mme OLLIVIER Mathilde (Français établis hors de France - GEST) publiée le 07/11/2024

Mme Mathilde Ollivier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur des dysfonctionnements du téléservice de l'administration numérique des étrangers en France (ANEF).

Le décret du 24 mars 2021 n° 2021-313 a mis en place le téléservice « ANEF » permettant le dépôt dématérialisé de certains titres de séjour. Saisi par des associations d'un recours en excès de pouvoir, le Conseil d'État a considéré que le déploiement obligatoire de l'ANEF pour l'accomplissement de certaines démarches administratives est bien légal, à condition de garantir l'accès effectif des droits par les usagers du service public par la mise en place d'un accueil et d'un accompagnement non dématérialisés des usagers (3 juin 2022, n° 452798). En ce sens, l'arrêté du 1er août 2023 pris pour l'application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a fixé les modalités d'accueil et d'accompagnement, créant des centres de contact citoyens et des points d'accès numériques et prévoyant la possibilité d'obtenir un rendez-vous en préfecture lorsque les solutions numériques ne fonctionnent pas.

Cependant, les associations membres de la fédération des acteurs de la solidarité (FAS) recensent de nombreux dysfonctionnements dans leur enquête publiée en octobre 2024 « Personnes étrangères : accès aux droits entravé, insertion empêchée ».

Madame la sénatrice Mathilde Ollivier souhaite spécifiquement porter l'attention de Monsieur le ministre de l'intérieur sur les difficultés tenant au renouvellement de l'attestation de prolongation d'instruction (API). En effet, l'automaticité du renouvellement de l'API semble aléatoire. Les demandeurs peuvent, sans préavis, se trouver en situation irrégulière à cause du retard dans le renouvellement de cette attestation, perdant par là même leurs droits à la caisse d'allocations familiales (CAF) ou à France travail.

De plus, l'enquête réalisée par la fédération des acteurs de la solidarité (FAS) relève que les deux dispositifs mis en place pour accompagner les usagers en difficulté face à l'ANEF sont peu efficients. De fait, 82 % des répondants à l'enquête qui ont eu recours au centre de contact citoyen estiment que celui-ci ne les a pas aidé. Par ailleurs, 47 % d'entre eux ne savent pas qu'il existe un point d'accès numérique dans leur préfecture et, en tout état de cause, dans certaines préfectures les rendez-vous dans ces points d'accès sont systématiquement indisponibles. L'accessibilité de ce service public d'accueil et d'accompagnement non dématérialisés semble plus qu'imparfaite.

Face à cette situation, Madame la sénatrice Mathilde Ollivier demande au ministre de l'intérieur quelles mesures vont être mises en place pour résoudre ces dysfonctionnements.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 29/05/2025

Face aux défis que pose la transformation numérique, le ministère a déployé un plan d'action pour lutter contre les ruptures de droits. Ce plan s'articule autour de trois leviers complémentaires : un volet réglementaire, un volet informatique et un volet de pilotage du réseau, chacun visant à réduire les difficultés identifiées dans le cadre de l'ANEF. Le volet réglementaire prévoit la publication prochaine d'un décret dit « procédure » dont l'objectif est d'harmoniser les dispositions juridiques avec les spécificités du téléservice de l'ANEF, permettant ainsi une meilleure adéquation entre le droit et les réalités du numérique, en créant un cadre plus souple et plus juste qui accompagne les usagers dans la continuité de leurs droits sans que ceux-ci soient tributaires des aléas techniques. Dans le cadre du volet informatique, des ajustements techniques ont été réalisés pour renforcer les capacités de l'ANEF et ainsi réduire les risques d'interruption de droits, notamment par la mise en place de dispositifs permettant aux agents de préfectures d'identifier les dossiers pour lesquels les titres arrivent prochainement à expiration. Cette capacité de priorisation vise à faciliter le traitement des demandes urgentes et renforce la continuité des droits pour les usagers. La seconde attestation de prolongation d'instruction bénéficie depuis fin juin 2024 d'une validité étendue à six mois (contre trois mois précédemment) qui offre aux usagers une couverture plus durable, limitant ainsi le risque de rupture de droits. Enfin un système de notifications « push » est en service depuis fin avril 2024 pour rappeler aux usagers, en amont de l'échéance, les démarches à entreprendre pour le renouvellement de leurs titres, permettant ainsi un accompagnement plus proactif de l'administration. Dans le volet de pilotage du réseau, le ministère renforce la coopération entre les différentes parties prenantes par une communication plus fluide entre la direction générale des étrangers en France (DGEF) et les préfectures. Ce dispositif facilite la détection et la résolution des anomalies techniques de manière coordonnée, permettant donc une réponse plus rapide et plus adaptée aux difficultés rencontrées ainsi que la mise en oeuvre de solutions de contournement si nécessaire. Conscients des défis posés par la dématérialisation pour certaines populations, la mise en place de l'administration numérique des étrangers en France (ANEF) a été assortie de solutions permettant de compléter l'approche entièrement numérique. Soutenu par le programme 354 « Administration générale et territoriale de l'État », le réseau de Points d'Accueil Numériques (PAN) a été mis en place dans les préfectures pour renforcer l'accessibilité des services auprès des publics rencontrant des difficultés avec le numérique. Ces points d'accès sont disponibles dans toutes les préfectures et dans certaines sous-préfectures, notamment celles assurant la mission « étrangers ». Les PAN offrent un espace équipé de matériel informatique ainsi qu'un accompagnement personnalisé, grâce à la présence de médiateurs numériques formés pour guider les usagers dans leurs démarches. Pour les territoires où les volumes de demandes sont particulièrement élevés, 44 préfectures et 8 sous-préfectures ont mis en place des PAN dédiés spécifiquement aux démarches de l'ANEF. Dans les autres départements, cet accompagnement est proposé au sein des PAN existants, déjà dédiés aux démarches telles que les permis de conduire et les cartes grises. En complément de cet accompagnement de proximité, le centre de contact citoyen (CCC) de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) propose un soutien téléphonique et par messagerie électronique pour les usagers ayant des questions ou rencontrant des difficultés dans leurs démarches en ligne. Ce centre mobilise environ 150 agents formés pour répondre aux besoins des usagers, offrant une assistance téléphonique ainsi que la possibilité de poser des questions par l'intermédiaire d'un formulaire en ligne. Ce service, centralisé mais accessible, garantit aux usagers un accompagnement adapté et réactif, réduisant ainsi les risques de blocage. Enfin, afin de se conformer à la décision du Conseil d'État de juin 2022, un arrêté a été signé le 1er août 2023, accompagné d'une instruction adressée aux préfets. Cet arrêté précise les modalités de traitement des situations bloquantes rencontrées par les usagers de l'ANEF. Lorsqu'une difficulté technique ne peut être résolue dans un délai raisonnable, une convocation en préfecture est organisée, permettant ainsi à l'usager de déposer son dossier sous forme papier. Ce dispositif assure la continuité de l'accès aux services pour tous les usagers, même en cas d'obstacles techniques, tout en veillant à ce que le passage au numérique ne devienne pas une entrave au droit de chacun d'accéder aux services publics. Par ces plans d'actions, le ministère réaffirme son engagement à garantir un accès équitable aux droits pour tous les usagers de l'ANEF.

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