Question de Mme LUBIN Monique (Landes - SER) publiée le 21/11/2024
Mme Monique Lubin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la crise de surpopulation carcérale que connaissent les prisons françaises. Elle ne cesse de s'aggraver et a atteint des sommets sans précédents avec la tenue des jeux Olympiques à Paris durant l'été 2024. Les chiffres communiqués par les syndicats sont édifiants : au 1er mars 2024, 76 766 personnes détenues sont hébergées pour une capacité opérationnelle de 61 737 places ; la densité carcérale moyenne dans les établissements de métropole et des outre-mer atteint 124,3 %. Les personnels pénitentiaires sont confrontés à des situations de travail délétères. De tous corps et tous grades, ils subissent une situation d'épuisement professionnel qui est à son paroxysme. Les personnes détenues connaissent quant à elles des conditions de détention inadmissibles, comme la défenseure des droits le soulignait dans son avis 21-13 du 30 septembre 2021, relatif à l'identification des dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire. Elle y soulignait en effet déjà que « la surpopulation carcérale persiste, ce qui constitue d'une atteinte caractérisée au droit au respect de la dignité humaine comme l'a reconnu le juge de Strasbourg en 2020 ». Elle précisait également que « l'encellulement individuel prévu dans la loi pénitentiaire de 2009 fait l'objet d'un moratoire ». l'observatoire international des prisons soulignait fin 2022 que, suite à l'examen du projet de loi de finance pour 2023, ce moratoire qui courait jusqu'au 31 décembre 2022, a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2027. Des infrastructures et aménagements insuffisants contribuent à expliquer la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Elles engendrent une inévitable dégradation de la prise en charge des personnes détenues, que ce soit pour l'accès aux soins, à l'hygiène, aux activités culturelles et sportives, aux dispositifs de maintien des liens familiaux. La défenseure des droits affirmait ainsi que « cette situation a des effets importants sur les droits des détenus ». La surpopulation carcérale génère pour ces derniers des tensions, de la promiscuité, la recrudescence des trafics et rackets.
Elle lui demande donc quelles sont les mesures qu'il compte mettre en oeuvre à destination des personnels ainsi qu'en matière d'infrastructures et de modalités d'accueil des détenus pour permettre à notre système carcéral, non seulement de retrouver figure humaine, dans le respect des droits fondamentaux des personnes détenues comme des personnels pénitentiaires.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, ainsi que les conditions de détention des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). Le service public pénitentiaire prend en charge les PPSMJ prévenues ou condamnées, en milieux ouvert et fermé. Il contribue à leur insertion ou réinsertion et concourt à la sauvegarde de l'ordre public. Les décisions judiciaires dont il assure l'exécution relèvent de la seule compétence de l'autorité judiciaire en vertu des articles 64 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. Au 1er décembre 2024, le nombre de personnes écrouées détenues s'élevait à 80 792 pour 62 404 places opérationnelles. Le programme immobilier pénitentiaire annoncé par le président de la République en 2018 prévoyait initialement la livraison de 15 000 places supplémentaires pour 2027. 22 établissements sur les 50 que prévoit le plan ont déjà été livrés, pour un total d'environ 4 500 places nettes. Dans le cadre de la révision du calendrier de livraison du plan 15 000, les projets d'établissements demeurant en études devraient être livrés à l'horizon 2029 et non plus 2027. Le 3 décembre dernier, une mission stratégique d'accélération du programme immobilier pénitentiaire a également été initiée. En parallèle, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, continue d'appliquer une politique volontariste d'orientation des personnes détenues, y compris à faible reliquat de peine, vers les établissements pour peine. Les actions de pilotage mises en oeuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. En outre, des évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. A ce titre, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle, en favorisant le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de développer de nouvelles solutions alternatives. Par ailleurs, dans le cadre de la mission d'urgence « mieux exécuter les peines », annoncée le 20 novembre dernier, un groupe de travail composé de professionnels des milieux judiciaire et pénitentiaire a mené une réflexion sur le développement de nouveaux outils pour faire face à la surpopulation carcérale, tels que les mesures alternatives à l'incarcération, tout en veillant à prévenir la commission de nouvelles infractions et à favoriser la réinsertion. Ses conclusions viennent d'être rendues et feront l'objet d'un examen attentif dans les prochaines semaines. Enfin, au-delà des mesures visant à lutter contre la surpopulation carcérale, qui affecte directement les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire, des réformes d'une ampleur inédite sont venues marquer la reconnaissance des métiers pénitentiaires. Les 31 000 agents du corps de commandement et du corps d'encadrement et d'application bénéficient de mesures de reclassement et de promotion historiques. Le décret n° 2023-1343 du 29 décembre 2023 modifie les modalités de versement de l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) avec un effet rétroactif au 1er janvier 2024. Son application a donné lieu à la régularisation de l'ICP des personnels pénitentiaires sur leur rémunération du mois de mai. Cette indemnité atteindra progressivement 3 835 euros par an, soit 319,58 euros par mois dès le mois de janvier 2026.
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