Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 30/01/2025

Question posée en séance publique le 29/01/2025

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux rester silencieux après les propos tenus par le Premier ministre lundi soir (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et réaffirmés hier devant l'Assemblée nationale, en réponse à Boris Vallaud. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), propos copieusement applaudis par les députés du Rassemblement national, le regard gourmand et le sourire aux lèvres !

Je ne peux me résoudre à ce qu'un Premier ministre qui doit tout au front républicain se laisse submerger par le vocabulaire de l'extrême droite. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les étrangers représentent un habitant sur dix dans notre pays. Ne vous laissez pas submerger par les fantasmes et les contrevérités ! Non, la France n'est pas submergée par l'immigration. Le rôle d'un Premier ministre n'est pas d'attiser les peurs, c'est de dire la vérité aux Français. (Nouveaux applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Cette question doit être abordée dans un climat apaisé, sans tomber ni dans l'angélisme ni dans l'amalgame. Ce n'est pas un tabou ! Socialistes, nous regardons la réalité en face. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, l'immigration doit être inclusive et raisonnée. Oui, il manque aujourd'hui de véritables politiques d'intégration.

Il faut traiter cette question sérieusement, et non en stigmatisant celles et ceux qui ont fait le choix, souvent contraint, de s'installer sur notre sol, d'y fonder leur famille et d'y construire une nouvelle vie. Sans eux, qu'en serait-il des hôpitaux où nous nous faisons soigner, des aides à domicile qui prennent soin de nos parents, des supermarchés où nous faisons nos courses ? Rien de tout cela ne pourrait fonctionner !

Un Français sur cinq est d'origine étrangère, et le fils d'immigrés juifs polonais que je suis a été meurtri par ces propos, comme la majorité des Français l'ont été. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. - Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Pour ma part, c'est la République qui m'a submergé, et ce sont ses valeurs qui ont permis à ma famille de s'épanouir en France, et à moi de la servir !

M. Barnier a été censuré pour s'être fourvoyé dans des négociations avec l'extrême droite. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. - Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Il a été censuré par l'extrême droite !

M. Laurent Burgoa. C'est vous qui avez voté avec l'extrême droite !

M. Patrick Kanner. Alors, mesdames, messieurs les ministres - et je m'adresse au Premier ministre -, voulez-vous dépendre aussi du Rassemblement national ? (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Parce que nous ne voulons pas que notre pays vive sous la tutelle de l'extrême droite et parce que nous sommes responsables, nous avons accepté de discuter avec vous. Nous attendons du Premier ministre qu'il soit clair sur l'aide médicale de l'État (AME) et qu'il abandonne toute référence à la submersion migratoire ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. - Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 30/01/2025

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, le Premier ministre, qui assiste aux obsèques de son ami Jean-François Kahn, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Évidemment, il a observé les réactions des diverses formations politiques, et notamment celles de la vôtre, que vous venez d'exprimer. C'est la raison pour laquelle il m'a demandé d'apporter en son nom la réponse suivante.

La question migratoire est source de tensions qui mettent à l'épreuve toutes les sociétés occidentales, et notre société n'y échappe pas. La traiter par le côté passionnel, c'est le meilleur moyen de ne jamais y répondre ; j'ai entendu que telle était aussi votre conviction.

Les mots sont des pièges. Y a-t-il un « sentiment de submersion » ? Interrogés par sondage, les deux tiers des Français expriment ce sentiment, mais l'on ne retient que le mot de « submersion », et non celui de « sentiment ». Nous ne pouvons écarter ce que nos concitoyens éprouvent et expriment ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

Cela étant, si nous regardons les choses en face, nous serons en mesure de maîtriser et d'accueillir correctement ceux qui viennent dans notre pays, comme c'est notre devoir. La question à résoudre, c'est la panne de l'intégration.

L'intégration a été la dynamique singulière de la société française. Oui, elle est vécue par des millions de personnes, et en particulier par tous ces Français dont les ancêtres viennent de pays voisins ou lointains. Elle est la vie de celles et de ceux qui accompagnent nos enfants et nos aînés, qui travaillent dans nos restaurants, des médecins dans nos services d'urgence, des informaticiens, des entrepreneurs - tous participent à la vie de notre pays et contribuent à sa richesse. Elle est aussi la vie de leurs enfants, qui vont à l'école.

Les instruments d'une intégration réussie, nous les connaissons : le travail, la langue, les principes de la République, le principe de laïcité, c'est-à-dire notre héritage commun, humaniste - ce que nous devons transmettre.

Mais tous ces instruments qui font notre fierté sont aussi pris dans la tourmente. Si nous améliorons notre éducation, si nous sommes fiers de nos principes, si nous sommes plus rigoureux et efficaces pour faire respecter la loi, alors l'intégration pourra être réussie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, telles sont les réponses que nous devons reconstruire tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et Les Républicains. - Mmes Laurence Rossignol et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

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