Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 16/01/2025
M. Arnaud Bazin attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la recherche dite « de gain de fonction ».
En « faisant gagner » de nouvelles fonctions à des pathogènes comme des virus, pour les rendre plus transmissibles, plus virulents ou plus immunogènes, les chercheurs tentent d'anticiper la compréhension des mécanismes associés à l'augmentation de leur dangerosité. L'objectif invoqué est de mieux combattre ces pathogènes pandémiques potentiels s'ils s'avèrent un jour le devenir. Plusieurs experts appellent à un arrêt de ces expériences, non dénuées de risques, d'autant qu'elles peuvent faire l'objet d'un usage dual et qu'elles ne sont d'ailleurs pas toujours conduites dans les laboratoires les plus sécurisés que sont les laboratoires P4 (pathogène de classe 4). Une étude réalisée dans un laboratoire P3 français impliquant l'infection par la covid-19 chez des souris humanisées (génétiquement modifiées pour mieux mimer l'être humain) est parue en 2023. Les manipulations réalisées par les chercheurs soulèvent la possibilité que ces recherches constituent un « gain de fonction ». La réponse à une question parlementaire de la chambre des représentants de Belgique posée en 2021 portant sur la sécurité des laboratoires P3 et P4 en Belgique et en Europe (question 55-574) confirme que les mesures de sécurité biologique (ou biosécurité) ont un cadre réglementaire européen (législation « utilisation confinée » et législation européenne concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail) mais qu'il « n'existe pas de cadre réglementaire européen en biosûreté fixant des règles en matière de protection, contrôle et responsabilité pour les laboratoires manipulant des agents pathogènes, génétiquement manipulés ou non. » Et de conclure : « Il n'y a donc pas de base légale pour contrôler de manière préventive la biosûreté dans les laboratoires manipulant des organismes à haut potentiel infectieux». Dans un rapport de mars 2023, Global BioLabs dénombre 69 laboratoires P4 répartis dans 27 pays au total, contre 59 en 2021 dans 23 pays, et appelle à un renforcement de la supervision internationale de leurs activités. Plus récemment, en juin 2024, des chercheurs du MIT ont démontré que des séquences génétiques potentiellement dangereuses pouvant servir à recréer des agents pathogènes, y compris des virus pandémiques. peuvent être aisément commandées auprès de fournisseurs internationaux, sans être détectées et bloquées par les systèmes de protection contre le bioterrorisme. Face à cette découverte, des experts s'inquiètent des risques croissants liés à l'utilisation malveillante de ces technologies et appellent à une harmonisation des réglementations mondiales pour prévenir ces risques.
Aussi il aimerait savoir, d'une part, si la France autorise les recherches de gain de fonction et, dans l'affirmative, si elles sont conduites dans des laboratoires P3 ou P4, d'autre part si des mesures de sécurité biologique spécifiques sont prescrites pour les laboratoires qui seraient situés à proximité des centres urbains. Par ailleurs, devant la dangerosité potentielle en lien avec un usage dual de certaines recherches, la France étant par ailleurs largement concernée avec trois laboratoires P4 sur son sol, il souhaiterait connaître le niveau de supervision internationale ou à défaut européenne, la gouvernance de la recherche duale relevant d'une responsabilité partagée.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 29/05/2025
La crise sanitaire liée à la covid-19 a mis en exergue la question de recherches qui présenteraient un caractère dual indépendamment d'une intentionnalité, et notamment pour celles associées à un gain de fonction. Cette question a été analysée par le comité national consultatif de biosécurité (CNCB), qui préconisait notamment la mise en place d'un dispositif d'accompagnement de ce type de recherches (rapport de février 2017 relatif aux risques associés à un usage dual des techniques de synthèse). La direction générale de la recherche et de l'innovation a donc, avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, réuni un groupe de travail réunissant experts, directions concernées, agences sanitaires et organismes de recherche afin de définir les principes directeurs de cette démarche d'accompagnement des projets de recherche duale notamment liés aux gains de fonction. La proposition issue de ce groupe de travail a été soumise au CNCB pour avis. Les principes directeurs de cette démarche sont de : - proposer une démarche d'accompagnement des chercheurs sans nouvelle réglementation mais dans la continuité de la procédure pour les organismes génétiquement modifiés ; - faire piloter cette démarche par les organismes en la basant sur la sensibilisation, la formation et la création pour chaque organisme d'un comité d'accompagnement des recherches gains de fonction à potentiel dual capable d'analyser les risques d'un projet et de proposer des mesures pour limiter les risques ; - enfin, prévoir pour les financeurs (agence nationale pour la recherche, ANRS-MIE) une demande lors d'un dépôt de projet concerné d'une attestation de suivi par tel comité d'accompagnement. Le comité national consultatif de biosécurité a émis le 29 janvier 2025 un avis favorable à cette proposition et appuie le lancement de la phase expérimentale de la démarche.
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