Question de Mme DEMAS Patricia (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 06/02/2025
Mme Patricia Demas attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins sur les conditions de la facturation des indemnités kilométriques des infirmiers.
Aux termes de l'article 13 de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), pour qu'un infirmier puisse facturer des indemnités kilométriques, il faut et il suffit que soient remplies deux conditions.
La première tient à la distance séparant le cabinet du professionnel de santé et le domicile du patient (deux kilomètres dans les zones de plaine et un kilomètre dans les zones de montage).
La seconde a trait au lieu d'installation du cabinet, qui ne doit pas être situé dans la même agglomération que le domicile du patient.
Le problème porte sur la définition de l'agglomération.
Pour justifier ses contrôles, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) prétend en effet que la notion d'agglomération renverrait à celles énumérées par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dans son dernier recensement, c'est-à-dire à toute unité urbaine constituée d'une commune ou d'un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu qui compte au moins 2 000 habitants.
La facturation d'une indemnité kilométrique serait par conséquent impossible, et devrait faire l'objet d'un remboursement, dès lors que l'infirmier et le patient sont établis dans la même ville, quels que soient la distance et les panneaux les séparant.
Or un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 8 avril 2022 a censuré cette interprétation, considérant que les rédacteurs des textes relatifs au remboursement des frais de déplacements des auxiliaires médicaux que sont les infirmiers et les infirmières ont décidé de s'en tenir à la définition de l'agglomération donnée par le code de la route.
Pour la cour d'appel, l' agglomération doit donc se définir comme l'espace sur lequel sont regroupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalés par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde (article R. 110-2 du code de la route).
Ainsi des indemnités kilométriques peuvent être facturées par l'infirmier ou l'infirmière dès lors que le domicile de leur patient est situé à plus d'un ou deux kilomètres de leur cabinet, de l'autre côté des panneaux d'entrée et de sortie de la ville, quelles que soient leurs adresses respectives.
Il en résulte que les contrôles de la CPAM, et les indus pouvant en découler, ne seraient justifiés qu'à la condition que la CPAM soit en mesure de rapporter la preuve contraire, ce qui est rarement le cas.
Dans la mesure où de nouveaux litiges sont encore intervenus depuis cet arrêt, elle souhaite savoir si une clarification juridique ne pourrait pas intervenir pour les anticiper de façon simple et définitive. Il s'agit de simplifier le quotidien des infirmiers, et aussi de prendre en compte de manière juste la réalité des trajets à l'intérieur de communes rurales, parfois très étendues. Elle ajoute que le tarif de domicile, de 2,75 euros brut (augmenté de 25 centimes en 2024) et les indemnités kilométriques sont de 35 centimes en plaine et 50 en zone montagne, et n'ont pas été revalorisées depuis 2009, malgré les hausses plus que conséquentes du coût du carburant.
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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap publiée le 19/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 300, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Patricia Demas. Madame la ministre, ma question porte sur le sujet récurrent de la facturation des indemnités kilométriques des infirmiers. Celle-ci repose sur deux conditions figurant à l'article 13 de la nomenclature générale des actes professionnels : la distance séparant le cabinet de l'infirmier du domicile du patient - deux kilomètres en plaine, un kilomètre en montagne - et le fait que le cabinet du professionnel et le domicile du patient ne soient pas situés dans la même « agglomération ».
Le problème porte sur la définition de l'agglomération. Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) adoptent une interprétation fondée sur les critères de l'Insee, incluant toute unité urbaine de 2 000 habitants avec bâti continu. Une telle définition rend impossible la facturation d'indemnités kilométriques si l'infirmier et le patient se trouvent dans la même commune, indépendamment des panneaux routiers.
Or, par un arrêt du 8 avril 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé deux de ses décisions précédentes - l'une rendue en 2018 et l'autre en 2019 - qui contredisent cette interprétation, sur le fondement d'une définition tirée de l'article R. 110-2 du code de la route, selon lequel une agglomération est l'« espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalées par des panneaux » spécifiques.
Par conséquent, un infirmier doit pouvoir facturer les indemnités kilométriques si le domicile du patient se trouve au-delà des panneaux d'entrée et de sortie de la ville, même si les adresses se situent dans la même commune. Il en résulte que les indus pouvant découler d'un contrôle de la CPAM ne seraient justifiés qu'à la condition que cette dernière puisse prouver que les conditions de remboursement ne sont pas remplies, ce qui est rarement possible.
Dans la mesure où de nouveaux litiges sont encore intervenus depuis l'arrêt précité, je souhaite savoir si le Gouvernement ne pourrait pas procéder à une clarification, afin d'anticiper les contentieux de façon simple et définitive. Il s'agit de simplifier le quotidien des infirmiers, de soutenir cette profession située en première ligne dans le suivi des patients, surtout en milieu rural, et de prendre en compte de manière juste la réalité des trajets à l'intérieur de communes rurales, parfois très étendues.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison, les infirmiers jouent un rôle essentiel dans notre système de soins, en particulier auprès des patients les plus fragiles. Ces professionnels de santé sont au coeur de la prise en charge à domicile et nous souhaitons qu'ils le demeurent.
M. le ministre chargé de la santé, Yannick Neuder, m'a chargée de vous répondre, en indiquant d'abord que les infirmiers sont les piliers de l'« aller vers » et de l'accès aux soins dans nos territoires les plus reculés. En outre, il n'ignore pas que ces professionnels sont confrontés à des frais de déplacement qui ont augmenté au cours des dernières années.
C'est pourquoi des négociations flash avaient été lancées à l'été 2023, à la demande de ses services, afin d'accompagner les professionnels de santé paramédicaux face à l'inflation. L'avenant n° 10 à la convention avec les infirmiers signé dans ce contexte a d'ailleurs permis une augmentation, à compter du 28 janvier 2024, de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement, passée de 2,50 euros à 2,75 euros.
Pour ce qui concerne plus particulièrement la facturation des indemnités kilométriques, elle peut en effet donner matière à divergences et faire l'objet de litiges. Aussi, pour tenir compte des réalités locales, la démarche de l'assurance maladie depuis 2021 consiste à négocier des accords locaux, qui permettent aux différents acteurs de s'entendre sur la définition de l'agglomération dans leur territoire.
Cette méthode permet aux acteurs de s'accorder en amont sur la notion d'agglomération, afin de mieux répondre à leurs spécificités territoriales. Elle doit permettre d'éviter les contentieux ; l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que vous mentionniez incite d'ailleurs à cette déclinaison locale de la notion d'agglomération.
Enfin, de manière plus générale, comme le ministre Yannick Neuder l'a indiqué à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'adoption de la proposition de loi sur la profession d'infirmier et la semaine dernière en audition au Sénat, si cette proposition de loi était définitivement adoptée, elle donnerait lieu à l'ouverture de négociations conventionnelles ; c'est un engagement auquel le ministre est particulièrement attaché.
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