Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE-K) publiée le 06/02/2025
M. Pascal Savoldelli interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de l'augmentation de capital de la Banque africaine de développement (BAD) et l'enjeu de souveraineté des pays africains.
Le 29 mai 2024, une résolution du Conseil des gouverneurs de la BAD approuve une augmentation de capital appelable d'un montant de 109 milliards d'euros. L'article 56 du projet de loi de finances pour 2025 a ainsi autorisé le Gouvernement à souscrire à l'augmentation dans la limite d'un montant de 3,9 milliards d'euros, portant le montant total d'engagements de la France à 10,554 milliards d'euros.
Une augmentation de capital dont l'objectif assumé est de maintenir la notation AAA par les principales agences de notations et de satisfaire au programme de prêt. Cela aggrave encore l'alignement de cet établissement vis-à-vis des actionnaires non africains et des politiques austéritaires des institutions de Bretton Woods et du Fonds monétaire international.
Or, il signale que de plus en plus de voix s'élèvent en Afrique pour revoir la structure du capital et le fonctionnement de cette instance de décision. Cela, dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions avec la France en Afrique de l'ouest et en Afrique centrale.
Aussi, il l'interroge sur la manière dont il compte répondre à ces critiques et à la volonté légitime des populations de mettre fin à tout néocolonianisme et à toute tentative d'entrave à la souveraineté des pays d'Afrique, que ce soit au niveau de la BAD ou de la politique monétaire.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 08/05/2025
Le Conseil des Gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD) a décidé d'approuver, le 29 mai 2024, une augmentation de capital appelable d'un montant de 109 milliards d'euros. Dans un contexte de dégradation de l'économie mondiale et de raréfaction des ressources, cette augmentation a pour principal objectif de permettre à la Banque de continuer de jouer son rôle contracyclique et de stabilisateur sur le continent africain. L'augmentation de capital appelable permet à la Banque de maintenir sa trajectoire de prêts en faveur des pays africains et du secteur privé en Afrique. La BAD est le premier bailleur régional de la région et est détenue à 60 % par les pays africains. Les actionnaires africains ont ainsi été les principaux initiateurs de cette augmentation du capital appelable de la Banque. Ils ont soutenu le scénario d'augmentation le plus élevé ainsi qu'une augmentation permanente. La France soutenait une augmentation limitée aux stricts besoins de la Banque. Les actionnaires africains ont souhaité compléter cette augmentation par des mesures prudentielles prévoyant un stock de capital en cas de dégradation de la notation souveraine des actionnaires notés AAA. Cette augmentation permet ainsi de protéger et de découpler davantage les capacités de financement de la Banque en faveur des bénéficiaires africains en cas de déclassement des actionnaires les mieux notés. Les actionnaires africains ont privilégié une augmentation du capital appelable de la Banque en raison de son poids budgétaire limité pour l'ensemble des membres de la Banque. Pour mémoire, une augmentation du capital appelable n'entraîne de nouvelle libération de capital qu'en cas d'appel. Il convient par ailleurs de souligner qu'une procédure de recours au capital appelable constitue un scénario extrême très peu probable, compte tenu de la gestion prudente des Banques multilatérales de développement. Elle ne pèse pas sur le solde et la dette publique de l'ensemble des actionnaires de la Banque, dont la France. La France soutient le maintien des activités de la BAD qui contribuent activement et de manière décisive à la réalisation des objectifs de développement durable en Afrique, en particulier en faveur de la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité, des infrastructures durables, de la gouvernance économique et du développement du secteur privé sur le continent. La décision du Conseil des gouverneurs du 29 mai 2024, reflète la volonté souveraine des actionnaires de la Banque, en particulier africains, qui sont majoritaires et jouent dès lors un rôle déterminant dans l'orientation stratégique de l'institution. Ces orientations reflètent les priorités de développement des pays membres régionaux de la Banque. La Banque a fait du changement climatique et de la croissance verte un élément essentiel de ses opérations et a notamment permis de mobiliser 25 milliards de dollars en faveur du financement climatique. Elle a joué un rôle significatif dans la promotion de l'égalité des genres, en mettant en place des projets tels que l'initiative pour le financement en faveur des femmes en Afrique (AFAWA), ainsi qu'un engagement à verser 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie afin d'assurer l'accès des femmes africaines à des solutions de cuisson propre. La Banque déploie des efforts importants dans la création d'emplois et la lutte contre le chômage des jeunes en Afrique. La France soutient, à travers le Pacte de Paris pour les peuples et la planète, l'adoption et l'appropriation par les pays bénéficiaires de leur stratégie de développement et de transition. Elle soutient également, et notamment dans la perspective de la 4e conférence des Nations unies pour le financement du développement qui se tiendra le juin 2025 à Séville, une réforme ambitieuse en faveur d'une meilleure représentation des pays africains dans la gouvernance des institutions financières internationales. Elle a soutenu la création d'une nouvelle chaise au Conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) mais également une meilleure intégration des banques régionales locales de développement, en particulier africaines, dans l'architecture financière globale.
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