Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains-R) publiée le 06/02/2025
Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la réponse judiciaire face à la recrudescence des agressions envers les élus et la poursuite des travaux du Sénat.
Ces dernières années le nombre d'agressions envers les élus n'a fait qu'augmenter. À l'initiative du Sénat, la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a été adoptée. Elle permet d'aggraver les sanctions des auteurs de violences et d'injures envers les élus, et de faciliter l'accès aux dispositifs de protection fonctionnelle et d'assurance pour les élus et les candidats.
Cependant, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, initiative sénatoriale, adoptée à l'unanimité en mars 2024 également n'a toujours pas été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Pourtant aujourd'hui encore, les phénomènes d'agression physique et morale demeurent. Dans le département de la Seine-Maritime, les élus comme à Blangy sur Bresles sont régulièrement victimes d'attaques diffamatoires sur les réseaux sociaux.
Face à ces cas d'agressions, il est impératif d'abord que la loi du 21 mars 2024 puisse être pleinement appliquée.
Par ailleurs, il est important que la justice soit du côté des élus locaux lors des affaires d'harcèlement ou de menaces afin d'envoyer un message républicain et concret aux auteurs de ces délits.
Elle lui demande donc s'il entend poursuivre les travaux du Sénat afin de revaloriser le statut de l'élu local et de protéger pleinement les élus victimes trop souvent d'incivilités.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013 et des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, il n'appartient pas au garde des Sceaux de formuler des appréciations sur les décisions rendues, de donner quelque instruction que ce soit dans le cadre de dossiers individuels, ni de commenter les affaires judiciaires en cours. Il revient aux juridictions, dans les limites fixées par la loi et en conciliant d'une part les impératifs de protection des intérêts de la société et de sécurité des citoyens et de sanction de l'auteur avec, d'autre part, l'impératif de réinsertion des personnes condamnées, de déterminer la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 et 132-1 du code pénal. Toutefois, la lutte contre les atteintes aux élus, particulièrement ces dernières années, mobilise fortement le Gouvernement et constitue pour le ministère de la Justice l'une des priorités de son action. A ce titre, la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 est venue renforcer la répression des atteintes à l'égard des élus. Ainsi, le nouvel article 222-14-5 du code pénal dispose que lorsqu'elles sont commises sur le titulaire d'un mandat électif public ou, dans la limite de six ans à compter de l'expiration du mandat, sur l'ancien titulaire d'un mandat électif public, les violences sont aggravées et punies d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Le même texte a prévu l'aggravation de l'infraction de harcèlement lorsqu'elle est commise au préjudice du titulaire d'un mandat électif. En outre, la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforce la répression des atteintes à la vie privée lorsqu'elles sont commises notamment au préjudice d'une personne titulaire d'un mandat électif public ou d'un membre de sa famille en portant les peines encourues à 2 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende (article 226-1 du code pénal). Le législateur a également étendu le champ d'application du délit de mise en danger d'un titulaire d'un mandat électif public par diffusion d'information défini à l'article 223-1-1 du code pénal, lorsque les faits sont commis dans les mêmes conditions et en raison des fonctions exercées par celui-ci, à l'encontre de son conjoint, ascendant ou descendant en ligne directe ou de toute autre personne vivant habituellement à son domicile. Si jusqu'à présent le droit pénal appréhendait le candidat à un mandat électif comme étant un citoyen ordinaire, la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 lui confère ainsi une protection spécifique. La procédure pénale s'est aussi adaptée pour assurer une meilleure protection des élus victimes. Ainsi, la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire exclut le recours à l'avertissement pénal probatoire lorsque la victime est investie d'un mandat électif public et depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023, les possibilités de constitution de partie civile des associations d'élus sont élargies. Au-delà de ces évolutions législatives, l'action du ministère de la Justice s'inscrit, depuis plusieurs années déjà, en pleine cohérence avec les objectifs et actions du plan national contre les violences aux élus présenté par le Gouvernement le 7 juillet 2023, à laquelle le ministère de la Justice a naturellement pris part. Dès le 3 juillet 2023, une instruction interministérielle de prévention et lutte contre les menaces et violences faites aux élus a été diffusée. Cette instruction a notamment acté la création d'un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus et enjoint aux préfets et procureurs d'inscrire à l'ordre du jour des états-majors de sécurité un point relatif aux menaces et violences faites aux élus. Par ailleurs, la politique pénale en matière de lutte contre les atteintes aux élus est définie notamment par la circulaire du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement des échanges d'informations entre les élus locaux et les procureurs de la République, et la circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant. Ces circulaires sollicitent la mise en place d'une politique pénale ferme, volontariste, rapide et diligente en répression des actes commis à l'encontre des parlementaires et des élus, se traduisant, aussi bien par une vigilance particulière sur la qualification juridique retenue, que par les modalités de poursuites adaptées, le défèrement étant privilégié pour les faits les plus graves. Le recours à la procédure de comparution immédiate a été encouragé, de même que le prononcé d'interdiction de paraître ou de séjour sur le territoire de la commune et l'affichage de la décision, à vocation dissuasive. Par ailleurs, les procureurs de la République, directement ou par l'intermédiaire des référents « élus », sont invités à assurer une information systématique et individualisée des maires, sur le suivi précis des procédures dans lesquelles ils sont plaignants et les suites judicaires qui leur sont réservées. Le ministère de la Justice a également amélioré le traitement des procédures de cyberharcèlement, en particulier à l'encontre de parlementaires. Ainsi, à la suite de la création par la circulaire du 24 novembre 2020 d'un pôle national de lutte contre la haine en ligne auprès du tribunal judiciaire de Paris, le garde des Sceaux, par dépêche en date du 7 janvier 2022, a invité les parquets à regrouper auprès du PNLH les procédures relatives à des menaces de mort proférées à l'encontre de parlementaires par voie électronique. Le ministère de la Justice a parfaitement pris la mesure de l'importance des atteintes aux élus ces dernières années et à la faveur de la définition d'une politique pénale rigoureuse, dynamique et ambitieuse, les parquets déclinent des réponses diligentes et fermes face aux atteintes aux élus dont ils sont saisis. Enfin, s'agissant des travaux du Sénat et de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, adoptée le 8 mars 2024 et déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2024, le ministre de la Justice assure un suivi attentif de la procédure législative. Les sujets liés à la diffamation, à la haine et au harcèlement en ligne, entre autres, retiendront particulièrement l'attention du ministère.
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