Question de M. VALLET Mickaël (Charente-Maritime - SER) publiée le 13/02/2025
M. Mickaël Vallet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur au sujet des citoyens qui manifestent à visage dissimulé lors de différentes manifestations.
À l'occasion de manifestations, violentes ou non, les images retransmises par la presse montrent un nombre important de citoyens masquant leurs visages. À Sainte-Soline en mars 2023, à Ajaccio en mars 2022, dans certaines universités au printemps 2024 ou plus récemment le 9 mai 2024 lors des manifestations d'extrême-droite à Paris, cette iconographie croît en visibilité.
Les images peuvent être trompeuses, et il se peut que soient mises en avant celles sensationnelles plus que représentatives, mais l'on ne peut s'empêcher de penser que les cas de visages masqués sont plus nombreux qu'auparavant.
Manifester dans l'espace public est un droit fondamental encadré de certaines obligations dont celle de le pratiquer à visage découvert.
Il lui demande s'il peut confirmer cette augmentation. Il lui demande également si les forces de l'ordre ont procédé à des interpellations sur ce motif et si oui, avec quels résultats.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/07/2025
Les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) confirment effectivement une tendance à l'augmentation des infractions pour dissimulation volontaire du visage lors de manifestations. Le nombre d'infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie nationales s'établit comme suit : 75 faits en 2016, 41 faits en 2017, 181 faits en 2018, 524 faits en 2019, 157 faits en 2020, 36 faits en 2021, 44 faits en 2022, 364 faits en 2023, 119 faits en 2024 et 45 faits sur les cinq premiers mois de 2025. L'augmentation notable observée à partir de 2019 (loi du 10 avril 2019) s'explique en partie par la création de la nouvelle incrimination délictuelle qui a complété le dispositif contraventionnel préexistant. La loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations a créé le délit (art. 431-9-1 du code pénal) réprimant le fait de dissimuler, volontairement et sans motif légitime, tout ou partie de son visage, dans une manifestation ou à ses abords immédiats au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis. Issue d'une proposition de loi sénatoriale, cette loi a permis de doter l'État de nouveaux moyens pour mieux prévenir et réprimer l'action des casseurs et autres groupuscules violents. Ce nouveau délit a complété l'ordonnancement juridique, à savoir la contravention prévue à l'article R. 645-14 du code pénal créée par un décret du 19 juin 2009. Depuis la loi du 10 avril 2019, les auteurs de l'infraction peuvent être interpellés et placés en garde à vue, renforçant ainsi l'arsenal répressif à disposition des forces de l'ordre. Aussi, ces chiffres sont manifestement corrélés aux principaux mouvements sociaux de ces dernières années (loi dite « El Khomri », « Gilets Jaunes », mobilisation contre la réforme des retraites). Les événements évoqués dans la question, notamment à Sainte-Soline en mars 2023 ou lors des manifestations du 9 mai 2024 à Paris, s'inscrivent dans cette dynamique d'augmentation observée depuis le milieu des années 2010. S'agissant des interpellations sur ce motif, il convient de préciser leur caractère spécifique dans la pratique opérationnelle. Les interpellations fondées exclusivement sur la dissimulation du visage demeurent relativement rares. En effet, les individus qui manifestent le visage masqué sont généralement interpellés en priorité pour d'autres infractions qu'ils commettent concomitamment : violences volontaires contre les forces de l'ordre ou les biens, dégradations volontaires, port d'armes prohibés, ou encore participation à des groupements en vue de commettre des violences. La dissimulation du visage constitue alors une infraction connexe qui vient s'ajouter aux chefs de poursuite principaux. Cette approche opérationnelle s'explique par le fait que les forces de l'ordre privilégient logiquement l'interpellation des fauteurs de troubles les plus actifs, lesquels recourent précisément au masquage de leur visage pour échapper aux poursuites après avoir commis leurs méfaits. Ainsi, les données ne prétendent pas à l'exhaustivité, d'une part parce que certains individus parviennent à fuir lors des interventions des forces de l'ordre, d'autre part parce que des raisons opérationnelles peuvent conduire les forces de l'ordre, lors de débordements violents, à privilégier d'autres motifs d'interpellation ou à prioriser le rétablissement de l'ordre public. Malgré un nombre de faits somme toute limité, il est effectivement possible de considérer que la tendance est à la hausse depuis quelques années. Le phénomène, qui concerne un public souvent jeune, relève en particulier des techniques régulièrement employées par les militants radicaux lors des manifestations, notamment les « Black Blocs », mais se développe aussi dans d'autres franges de radicalité, par exemple écologiste. Le recours à la dissimulation du visage est également le fait des pilleurs d'opportunité qui sévissent en marge de certains cortèges. Il convient de rappeler que de nouvelles formes de mobilisation sont observées depuis le début des années 2000, ainsi qu'une radicalisation croissante des mouvements de contestation liée à l'ultragauche. Le retour de la radicalité se conjugue avec des mobilisations caractérisées par leur imprévisibilité, l'absence fréquente de déclaration ou de service d'ordre et un refus de l'exercice codifié des manifestations tel qu'il a pu exister dans le passé. Ces évolutions favorisent les agissements de groupuscules et d'individus ultraviolents qui infiltrent les cortèges pour commettre, fréquemment en se dissimulant le visage, des dégradations et des violences, notamment contre les policiers et les gendarmes. C'est précisément pour tenir compte de ces évolutions que le ministère de l'intérieur a rénové sa doctrine de maintien de l'ordre et adopté, en 2020, un nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), plus ferme vis-à-vis des casseurs et plus protecteur vis-à-vis des manifestants.
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