Question de Mme CARLOTTI Marie-Arlette (Bouches-du-Rhône - SER) publiée le 27/02/2025
Mme Marie-Arlette Carlotti appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation extrêmement préoccupante des prisonniers arméniens détenus illégalement à Bakou. Depuis plus de quatre ans, la population arménienne du Haut-Karabakh subit une persécution systématique menée par l'Azerbaïdjan. Blocus inhumain, attaques militaires brutales, déplacements forcés... Le 12 décembre 2022, le corridor de Latchine a été coupé par Bakou, isolant les 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh. Puis, le 19 septembre 2023, une offensive militaire éclair a précipité l'exode de toute la population en quelques jours. Aujourd'hui, ce sont 23 prisonnières et prisonniers arméniens qui croupissent dans les geôles azerbaïdjanaises. Parmi eux, d'anciens dirigeants de l'Artsakh, des journalistes, des militants des droits humains. Des hommes et des femmes enfermés sans procès équitable, torturés, humiliés. Leurs visages émaciés, leurs corps amaigris, les privations qu'ils subissent, autant d'éléments qui rappellent les pires heures de l'histoire. Les femmes sont victimes de violences fondées sur leur genre. L'eau leur est refusée, la lumière ne s'éteint jamais dans leurs cellules, les visites et soins médicaux leur sont interdits. Certains sont battus, d'autres disparaissent dans l'anonymat d'une prison azerbaïdjanaise. Leurs droits sont en ce sens bafoués et leur dignité, abandonnée. Le 17 janvier 2025, Bakou a ouvert un simulacre de procès contre seize d'entre eux, à huis clos, sans observateurs internationaux, sans médias étrangers, dans une opacité totale. Ce n'est pas une justice, c'est un théâtre de l'horreur où l'Azerbaïdjan joue seul, sans contrepoids. L'ONU a documenté des actes de torture. Le 17 janvier 2024, le Sénat a adopté une résolution demandant la libération des « otages ». Aujourd'hui, ces hommes et ces femmes attendent que nous agissions. Il serait plus opportun que l'histoire juge de nos actes, plutôt que notre silence. Cela fait plus de 120 jours que ces hommes et ces femmes subissent l'arbitraire et la barbarie. Que compte faire la France pour exiger leur libération immédiate et faire respecter le droit international ? Notre pays est signataire des conventions de Genève, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il a une voix qui porte. Alors, la fera-t-il entendre ?
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 26/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 351, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le sort des otages arméniens prisonniers à Bakou après que l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont récemment annoncé la signature imminente d'un accord de paix censé mettre fin à trois décennies d'un conflit armé ayant fait des milliers de morts.
En septembre 2023, l'Azerbaïdjan a pris le contrôle du Haut-Karabagh à l'issue d'une attaque fulgurante et extrêmement meurtrière, qui a poussé à l'exode la quasi-totalité de la population, soit plus de 100 000 Arméniens, qui n'avaient le choix qu'entre partir ou mourir.
Ces derniers jours, la communauté internationale, y compris la France, se félicite de l'annonce d'un futur traité de paix. Si nous pouvons nous réjouir des efforts réalisés pour installer une paix juste et durable dans la région, nous ne savons à ce stade que très peu de choses sur le contenu de cet accord. Faute d'alliés puissants, nous imaginons que l'Arménie a dû faire de nombreuses concessions.
Quoi qu'il en soit, les prisonniers de guerre arméniens retenus à Bakou ne sauraient être les oubliés de ces négociations, comme il semble que ce soit le cas. Ils sont vingt-trois prisonnières et prisonniers arméniens du Haut-Karabakh à croupir dans les geôles azerbaïdjanaises. Parmi eux figurent d'anciens dirigeants de l'Artsakh, des journalistes, des militants des droits humains, des hommes et des femmes enfermés sans procès équitable.
En effet, le 14 janvier dernier s'est ouvert à Bakou un simulacre de procès, qui n'avait rien à voir avec la justice. C'était un théâtre de l'horreur : nous avons vu leurs visages émaciés, leurs corps éprouvés par les privations. Tous sont torturés, humiliés. Les femmes sont victimes de violences fondées sur leur genre. L'eau leur est refusée, la lumière ne s'éteint jamais dans leurs cellules, les visites sont interdites, de même que les soins médicaux. Certains sont battus, tandis que d'autres s'apprêtent à disparaître dans l'anonymat des geôles azerbaïdjanaises.
Monsieur le ministre, les droits de ces prisonniers sont bafoués, et leur dignité abandonnée. La France va-t-elle à son tour les abandonner ? Que faisons-nous pour eux ? Que faisons-nous pour les sortir de là ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la France suit attentivement la situation en Azerbaïdjan.
Les procès des Arméniens du Haut-Karabagh ont débuté le 17 janvier dernier au tribunal militaire de Bakou et nous prêtons une attention toute particulière aux inquiétudes exprimées par les organisations de défense des droits de l'homme quant à l'équité du jugement et au traitement des accusés.
Nous avons rappelé à plusieurs reprises - et nous continuerons de le faire - au gouvernement azerbaïdjanais ses obligations internationales en matière de respect des droits fondamentaux. L'Azerbaïdjan doit tout particulièrement garantir que chaque individu ait droit à une procédure régulière et à un procès équitable, et qu'il soit détenu dans des conditions dignes et sûres. Nous avons également rappelé que les signalements de torture et de mauvais traitements doivent faire l'objet d'une enquête rapide et impartiale.
Les procès du tribunal militaire de Bakou touchent toutefois à la question bien plus vaste de l'instauration d'une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. À cet égard, la France a salué l'annonce de l'aboutissement de la négociation d'un traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Plus rien ne s'opposant désormais à sa signature, nous avons appelé les parties à fixer une date sans délai.
La normalisation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dans le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des deux États, doit permettre au Sud-Caucase de devenir un espace de paix, d'intégration et de coopération, avec des frontières ouvertes, au bénéfice des populations de la région.
Madame la sénatrice, je vous sais très engagée sur ce sujet. Nous continuerons de suivre la situation de très près et nous vous ferons parvenir un complément de réponse par écrit si vous le souhaitez.
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