Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 20/03/2025
Question posée en séance publique le 19/03/2025
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, par lettre en date du 16 janvier dernier, vous me confirmiez « votre engagement sans ambiguïté pour que la concertation sur les retraites (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) se déroule sans totem ni tabou, pas même l'âge légal d'ouverture des droits », et ce à une seule condition : la recherche de l'équilibre financier.
Si vous vous attaquiez aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes, au sous-emploi des seniors et à l'injustice fiscale, je vous assure, monsieur Bayrou, que cet équilibre financier serait à portée de main, y compris dans l'hypothèse où la mesure d'âge serait revue.
Or il ne se passe pas une semaine sans que vous vous immisciez dans les discussions des partenaires sociaux, qui devaient pourtant être libres. Un jour, vous parlez de « déficit caché » ; un autre, vous imposez le retour à l'équilibre financier en 2030 ; le lendemain, vous écartez en conscience toute discussion sur l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, alors que la question est éminemment politique.
Vous opérez non pas une simple révision des termes de la discussion, mais un sabotage du dispositif que vous avez vous-même imaginé. Avec cette méthode, vous renouez avec la pratique des gouvernements précédents : vous dégradez le dialogue social ; vous contournez le Parlement ; vous méprisez les citoyens qui se sont massivement mobilisés contre cette réforme et créez un climat de défiance.
Monsieur le Premier ministre, je serai très direct : allez-vous respecter vos engagements et laisser les partenaires sociaux construire une solution, sans miner le terrain des négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 20/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 19/03/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, il y a deux questions dans votre interrogation.
La première, qui est discutée très largement, est de savoir si les partenaires sociaux, organisations syndicales et représentants des entreprises, sont légitimes pour participer aux discussions autour de la problématique du financement, de l'équilibre et de l'organisation du système des retraites. Beaucoup d'observateurs et d'acteurs politiques pensent que non. Moi, je pense que oui. C'est pourquoi j'ai donné la main aux partenaires sociaux sur ce sujet.
La seconde question est de savoir si je me suis immiscé dans les débats.
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est le cas !
M. François Bayrou, Premier ministre. Jamais. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Je ne suis même pas venu présenter le rapport de la Cour des comptes devant les différents acteurs de la concertation.
Au début de votre intervention, vous avez fait allusion à cette polémique récente, en rappelant l'essentiel, à savoir que j'ai écrit une lettre de mission, qui a été acceptée par tous les partenaires sociaux présents autour de la table. Celle-ci disposait qu'il n'était pas possible de dégrader l'équilibre financier de notre régime de retraite.
Dans une seconde lettre, j'ai ensuite précisé qu'il fallait rétablir cet équilibre. Comme vous le savez, la Cour des comptes a démontré que celui-ci, hélas ! n'existait pas, le déficit du système s'élevant déjà à 7 milliards d'euros par an et allant croissant.
J'ai donc simplement rappelé qu'il fallait se fixer comme objectif un retour à l'équilibre en 2030, ce que tout le monde a accepté.
À la lumière de ce que je viens d'indiquer, et au vu du contexte financier et démographique, on m'a demandé si je pensais qu'un retour de l'âge de départ à la retraite à 62 ans était possible, faisable. J'ai répondu qu'à mes yeux cela ne l'était pas et que l'on ne pouvait pas à la fois supprimer la réforme des retraites et retrouver l'équilibre financier.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous êtes Premier ministre tout de même !
M. François Bayrou, Premier ministre. Telle est mon analyse et je suis sûr qu'elle est partagée sur beaucoup de travées et même dans l'inconscient de la plupart de ceux qui m'interrogent sur le sujet. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. - Exclamations sur les travées du groupe SER.) Je pense que cette analyse est fondée ; j'ai d'ailleurs rencontré un certain nombre des protagonistes de cette concertation qui ont l'intention de continuer de s'impliquer.
Je le souhaite, tout comme je souhaite que l'on trouve les aménagements nécessaires à cette réforme, ainsi que l'équilibre financier indispensable à l'avenir du système de retraite et à l'équilibre de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Mon inconscient va très bien, monsieur le Premier ministre... Je me demande en revanche si vos propos ne trahissent pas votre envie de céder au chant des sirènes que l'on entend de la place Beauvau à la place Vendôme... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous qui vous réclamez du centre droit, je me demande si vous ne dérivez pas plutôt vers l'extrême droite du centre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. - Protestations sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Quand vous désavouez deux de vos ministres pour leur conception de la laïcité, quand vous laissez prospérer ici, au Sénat, un débat qui n'a d'autre but que de recycler des mesures d'extrême droite censurées par le Conseil constitutionnel,...
M. Aymeric Durox. C'est fini !
M. Patrick Kanner. ... en laissant vos ministres les cautionner, j'estime que nous assistons à une dérive.
M. le président. Il faut conclure !
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous ne vous suivrons pas sur la voie que vous tracez, celle qui conduit à dérouler le tapis rouge au RN ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
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