Question de M. BASQUIN Alexandre (Nord - CRCE-K) publiée le 06/03/2025
M. Alexandre Basquin attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique sur les conditions de travail qui se cachent derrière l'intelligence artificielle (IA).
À l'issue du Sommet pour l'action sur l'IA à Paris, le gouvernement français s'est engagé pour une intelligence artificielle « ouverte », « inclusive » et « éthique ». Cela semble profondément illusoire.
Pour fonctionner, les IA doivent apprendre deux choses : imiter le comportement humain, sans pour autant reproduire les comportements problématiques. Elles ont donc besoin de contenus pour fournir des réponses efficaces. Ces milliards de données sont fournies par des Data Workers qui seront toujours indispensables au fonctionnement des IA puisque les données sont en constante évolution. Pour alimenter la machine, ils sont souvent confrontés à des situations difficiles et à des scènes particulièrement choquantes et traumatisantes (meurtres, viols, ...), comme l'a si bien révélé le documentaire « Les sacrifiés de l'IA ». Des Data Workers, souvent jeunes, souffrent de problématiques psychologiques, certains se sont même suicidés. Un drame permanent ! De plus, ils sont recrutés par des plateformes comme Meta ou Amazon dans le Sud global. Ces multinationales capitalistes et ultralibérales privilégiant le recrutement là où le droit du travail est inexistant, les institutions faibles et le chômage élevé. Une honte de plus ! Il y aurait entre 150 et 430 millions de ces travailleurs dans le monde, sous-payés pour développer des algorithmes. Outre leurs conditions de travail exécrables, ces employés sont souvent réduits au silence par les grandes plateformes qui souhaitent cacher la somme colossale de travail que l'on trouve derrière n'importe quel Chatbot. Car le mythe d'une IA autonome et performante doit perdurer.
Le Gouvernement qui ne cesse de clamer sa volonté d'une IA éthique, ne peut rester béat face à cette situation dramatique.
Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour que l'utilisation de l'intelligence artificielle ne se fasse plus au détriment de ces millions de travailleurs exploités dans la plus grande indifférence.
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Transmise au Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 11/12/2025
Les progrès de l'intelligence artificielle (IA) ouvrent des perspectives de croissance et de productivité sans précédent pour nos entreprises. Le Gouvernement agit pour que cette révolution technologique profite à toutes les entreprises, notamment grâce au plan "Osez l'IA", annoncé en juillet 2025. Il est essentiel que l'ensemble du tissu économique adopte massivement l'IA et bénéficie de cette opportunité. Cependant, comme toute révolution technologique, l'IA est porteuse de risques qu'il convient d'identifier et d'encadrer. Cette question met en lumière un aspect crucial du développement de l'IA : les conditions de travail des travailleurs des métiers autour des données pour entraîner les modèles ou alimenter leur fonctionnement. Ces travailleurs, souvent invisibles mais essentiels, permettent aux systèmes d'IA de fonctionner efficacement. Cette interpellation reflète une préoccupation légitime que le Gouvernement prend très au sérieux. La France, pionnière dans la promotion d'une IA responsable et sûre, n'ignore pas ces réalités, qui appellent une réponse forte et concertée, tant au niveau national qu'international. 1. La France a engagé des actions directes et indirectes en faveur des conditions de travail autour de la donnée La promotion des normes socio-environnementales en IA est notamment assurée par la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises adoptée en avril 2024, qui impose aux entreprises de surveiller et de rendre compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs chaînes d'approvisionnement. Cette directive, que la France a soutenue, s'applique notamment aux géants de l'économie numérique qui ont une activité dans l'Union européenne, qui sont tenus de s'assurer que leurs sous-traitants respectent des normes de travail décentes, offrent des salaires équitables et fournissent des conditions de travail sûres. La France joue un rôle actif dans la promotion et la mise en oeuvre de cette directive, en encourageant les entreprises à adopter des pratiques responsables et durables. Par ailleurs, la France soutient activement les travaux de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'UNESCO pour établir des cadres internationaux contraignants sur l'éthique de l'IA, incluant la protection des travailleurs des données afin que les systèmes d'IA soient développés de manière responsable et respectueuse des droits humains. 2. Le soutien aux entreprises françaises d'IA dans leur différentiation de leurs homologues extra-européennes en matière de qualité d'approvisionnement en données. Le Gouvernement soutient l'émergence de modèles d'IA générative français, avec une attention particulière à la disponibilité de données de bonne qualité et représentatives du patrimoine culturel français pour leur entraînement, conformément aux recommandations de l'office parlementaire pour l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, « ChatGPT et après ? », de novembre 2024. Les priorités fixées dans le cadre du soutien à l'innovation dirigée avec France 2030, notamment dans le cadre de l'appel à projets « Accélérer les usages de l'IA générative » favorisent le développement de solutions d'IA d'un excellent niveau de fiabilité et de performance pour des cas d'usage précis, ce qui encourage la collecte de données de haute valeur ajoutée et spécialisées, moins susceptibles de faire l'objet du type de sous-traitance que vous dénoncez. En outre, l'octroi de l'aide publique à ces développements est strictement conditionné au respect des recommandations de l'organisation mondiale du travail en matière de toxicité et de sûreté des données manipulées. A l'image du soutien à la collaboration entre Mistral AI, l'Ina et la BnF ou entre Photoroom et des studios de photographie, notre politique d'innovation fait le choix résolu de privilégier un approvisionnement vertueux en données, plutôt que le recours aux volumes importants de données d'origine incertaine. Le Gouvernement contribue ainsi à la différentiation des champions français vis-à-vis de certains concurrents étrangers en matière de responsabilité dans leur approvisionnement, tout en maintenant un haut standard de performances. 3. La transparence de l'approvisionnement en données pour l'IA est de responsabilité partagée avec l'écosystème d'IA. Le Gouvernement encourage les entreprises à prendre leur part de responsabilité vis-à-vis des problématiques soulevées, qui participent de l'acceptation de l'IA comme technologie d'avenir en France. Le Gouvernement appelle les entreprises françaises et européennes à adopter des codes de conduite volontaires en matière de conditions de travail de leurs sous-traitants et garantir des pratiques éthiques. L'IA souhaitée est responsable et sûre, pour ses utilisateurs comme pour ceux qui contribuent à son développement ; ainsi ne peut-elle pas reposer sur l'exploitation humaine. Le Gouvernement agit sur les tableaux réglementaire, diplomatique et dans sa politique industrielle pour favoriser le développement et l'adoption confiante de cette IA en France et en Europe, la responsabilité de laquelle est partagée avec l'ensemble de l'écosystème.
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