Question de Mme CARRÈRE-GÉE Marie-Claire (Paris - Les Républicains) publiée le 20/03/2025
Mme Marie-Claire Carrère-Gée interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'enquête sur les pratiques commerciales de Shein et sur la position française sur les droits de douane.
La déferlante des sites d'ultra « fast fashion » menace l'industrie et le commerce, qui risquent d'aller très rapidement au tapis dans le contexte d'une concurrence que l'on peut qualifier d'ultra- déloyale : prix cassés qui ne semblent pas même couvrir le coût de la matière première, frais de transport qui tangentent la gratuité pour des parcours de près de 10 000 kilomètres, absence de droits de douane...Il y a ultra urgence !
Mme Carrère-Gee l'interroge sur ce qui pourrait apparaître comme une déconcertante immobilité politique, avec deux questions.
La première : voici plus de deux ans, l'un des prédécesseurs du ministre a annoncé avoir saisi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) afin d'enquêter sur les dérives de la « fast fashion » et en particulier, de l'entreprise Shein, en matière de sécurité des produits et de loyauté des pratiques commerciales. Ses conclusions, attendues pour l'automne 2023, n'ont toujours pas été rendues.
Cette situation est d'autant plus étonnante qu'elle contraste avec l'efficacité des actions qui ont été menées en 2021 concernant la plateforme en ligne Wish, sur la base de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, qui prévoit des sanctions allant jusqu'au déréférencement du site et de son application. Cette réponse rapide et ferme a démontré la capacité des pouvoirs publics à agir efficacement face aux pratiques abusives des plateformes de e-commerce.
Elle lui demande donc où en est l'enquête de la DGCCRF.
En deuxième lieu elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement concernant l'abrogation de l'exemption de droits de douane envisagée par la commission européenne pour les colis de moins de 150 euros. Une abrogation à laquelle elle est naturellement favorable, immédiatement et sans attendre 2026. Elle voudrait également savoir comment le Gouvernement s'y prépare, en définissant des méthodes de contrôle pour nos services des douanes et en les dotant des moyens nécessaires pour garantir l'effectivité de cette décision.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 26/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, auteure de la question n° 402, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, la déferlante des sites d'e-commerce à très bas prix, dans les secteurs de l'ultra fast fashion, de l'ameublement ou du jouet, menace l'industrie et le commerce qui risquent d'aller très rapidement au tapis, en raison d'une concurrence que l'on peut qualifier d'ultra-déloyale : prix cassés, qui ne couvrent pas même le coût de la matière première, frais de transport quasi gratuits pour faire 10 000 kilomètres, absence de droits de douane, etc.
Il y a urgence à agir : chaque mois de perdu, ce sont des emplois qui disparaissent et qui ne réapparaîtront pas de sitôt.
Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur ce qui pourrait apparaître comme une déconcertante immobilité politique. J'aurai deux questions.
Voilà plus de deux ans, l'un de vos prédécesseurs a annoncé qu'il avait saisi la DGCCRF afin d'enquêter sur les dérives de la fast fashion, en particulier sur Shein, en matière de sécurité des produits et de loyauté des pratiques commerciales. Ses conclusions, qui étaient attendues pour l'automne 2023, n'ont toujours pas été rendues.
Cette situation est d'autant plus étonnante qu'elle contraste avec l'efficacité des actions qui ont été menées par votre ministère à l'encontre de la plateforme en ligne Wish, qui a été déréférencée sur la base de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation. Quand on veut, on peut !
Ma première question sera donc la suivante, madame la ministre : où en est l'enquête de la DGCCRF ?
Ensuite, il n'y a aucune raison pour que les colis d'une valeur inférieure à 150 euros, qui déferlent dans nos aéroports, soient exonérés de droits de douane. Cela doit cesser, sans attendre 2028. On pourrait mettre en place un système simple, en imposant, par exemple, le paiement d'un droit forfaitaire et aisément identifiable pour tous ces colis de faible valeur et en transférant la responsabilité du paiement du droit de douane du consommateur à la plateforme. Ma seconde question est donc simple : qu'en pensez-vous ?
Je voudrais également savoir comment le Gouvernement se prépare à la fin de l'exonération de droits de douane des colis d'une valeur de moins de 150 euros ? Quelles sont les méthodes de contrôle de nos services des douanes ? Sont-ils dotés de moyens suffisants pour garantir l'effectivité de cette décision ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame Carrère-Gée, je suis très heureuse que vous m'interrogiez sur un sujet qui est au coeur de mon action en tant que ministre de tutelle des douanes et qui est aussi très important pour l'Europe, puisque les plateformes de fast fashion ne ciblent pas que la France.
L'enquête de la DGCCRF, sur Shein en particulier, est en cours. Je ne peux, à ce stade, vous détailler les mesures qui sont actuellement à l'étude. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que nous avons porté cette affaire au niveau européen, afin d'agir de manière coordonnée avec nos voisins. Cette force de frappe nous permettra d'éviter que les plateformes visées ne trouvent une échappatoire en cas de sanction. Les autorités nationales des pays européens chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs travaillent ainsi en réseau - le réseau CPC.
Le 3 février dernier, la Commission européenne a informé Shein du lancement d'une action coordonnée. Cette enquête vise à examiner la conformité des pratiques de Shein vis-à-vis de toutes les obligations européennes, notamment de celles qui découlent des directives sur les pratiques commerciales déloyales, sur le droit des consommateurs, sur les clauses abusives dans les contrats, sur l'indication des prix, sur le e-commerce, ou encore du règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA).
Sur la base de ces éléments, la Commission déterminera les prochaines étapes. La France, qui a déjà mené des enquêtes en la matière, participe très activement à cette démarche. Nous vous communiquerons les résultats, dès que l'état d'avancement des procédures nous le permettra - vous comprenez, je crois, très bien pourquoi.
Le déréférencement de la plateforme Wish, qui a eu lieu en 2021, était motivé par des raisons quelque peu différentes. Il résultait de manquements très graves aux obligations de sécurité des produits vendus. De plus, l'opérateur ne procédait pas aux retraits des produits visés de manière satisfaisante.
En ce qui concerne les douanes, je plaide fortement pour que l'Union européenne mette en place ce que l'on appelle l'union douanière, afin que nous puissions appliquer des droits de douane et prélever de la TVA sur l'ensemble des produits qui entrent sur notre territoire. On estime que 800 millions d'articles sont entrés en France l'année dernière par le biais de petits colis. Ce flux est l'occasion de fraudes à la TVA, tandis que ces colis, qui échappent aux droits de douane, peuvent aussi contenir des substances illicites, telles que de la drogue, des produits de contrefaçon, des médicaments falsifiés, etc.
J'ai présenté hier, à La Seyne-sur-Mer, le bilan des douanes de 2024. Le sujet sur lequel vous m'interrogez, madame la sénatrice, constitue pour moi une priorité. Cette situation induit de moindres recettes pour nos finances publiques et une mise en danger des consommateurs français. Cet immense dumping alimente, je le crains, une crise industrielle en Europe.
La mobilisation du Gouvernement est totale ; nous travaillons de manière interministérielle. Je vous ferai parvenir, madame la ministre, toutes les informations sur notre action, dans le respect des enquêtes administratives en cours.
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