Question de M. RUELLE Jean-Luc (Français établis hors de France - Les Républicains-R) publiée le 17/04/2025

M. Jean-Luc Ruelle appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur une situation contradictoire dans le cadre de l'application du code du travail. En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout employeur a l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation de sécurité est d'ordre public. Or, il s'avère que dans certaines circonstances, l'employeur se trouve dans l'incapacité de satisfaire cet impératif. En effet, dans une affaire récente, une entreprise a engagé une procédure de licenciement disciplinaire à l'encontre d'une salariée bénéficiant du statut de salariée protégée pour des faits de harcèlement envers des collègues. L'inspection du travail, saisie par l'employeur, conformément aux articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail, a refusé d'autoriser ce licenciement, ce qui a généré une situation de blocage aux conséquences multiples pour l'entreprise avec notamment l'exercice du droit de retrait de plusieurs salariés estimant que la présence de leur collègue mettait en danger leur sécurité ou leur santé. L'employeur, se trouvant dans l'impossibilité d'assurer sereinement l'organisation du travail et de garantir un environnement de travail sain, a été contraint de maintenir la salariée protégée à son domicile. Cette solution, bien que temporairement apaisante sur le plan collectif, comporte elle-même des risques juridiques et humains susceptibles d'engager la responsabilité de l'employeur. Ce cas met en lumière un paradoxe juridique particulièrement problématique. D'un côté, l'entreprise est légalement tenue d'assurer la sécurité de tous ses salariés, de l'autre, elle se voit interdire de licencier une salariée protégée dont le comportement est jugé incompatible avec cette exigence.
Par conséquent il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour remédier à cette contradiction, et notamment si une évolution du cadre juridique encadrant la protection des salariés protégés pourrait être envisagée afin de garantir un traitement plus pragmatique entre les droits individuels et l'impératif collectif de sécurité au travail.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 29/05/2025

Le statut protecteur permet de garantir aux représentants du personnel l'indépendance nécessaire à l'exercice de leur mandat dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent. Il permet d'assurer l'effectivité de la démocratie sociale et du droit syndical, et le Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises qu'il ne portait pas une atteinte excessive au principe de la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. Dans le cadre de l'enquête contradictoire à laquelle il est tenu de procéder lorsqu'il est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire, l'inspecteur du travail auditionne l'employeur et le salarié protégé et procède à une analyse approfondie permettant de vérifier que la procédure interne a été régulièrement mise en oeuvre, que les faits reprochés au salarié protégé ne sont pas prescrits, que leur matérialité est établie et qu'ils sont de nature à justifier un licenciement au regard de leur gravité, notamment en ce qu'ils affectent la collectivité de travail, y compris les conditions de travail des autres salariés. Il contrôle en outre l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats détenus par ce salarié. Une décision de refus de l'inspecteur du travail n'a pas pour effet de générer une situation de blocage ou une impossibilité pour l'employeur de répondre à ses obligations en matière de sécurité dès lors qu'il existe des voies de recours pour l'employeur. En effet, si le refus est fondé sur une irrégularité de procédure, l'employeur peut procéder à une régularisation et saisir à nouveau l'autorité administrative des mêmes faits. Si le refus de l'inspecteur du travail repose sur l'appréciation portée sur les faits reprochés, plusieurs voies de recours administratives et contentieuses sont ouvertes à l'employeur. Ainsi, la ministre chargée du travail et de l'emploi peut être saisie d'un recours hiérarchique aux fins de porter une appréciation sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail dans le délai de quatre mois suivant sa saisine et, le cas échéant, se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement. Un recours en référé-suspension peut être formé devant le tribunal administratif aux fins de suspendre l'exécution de la décision de l'inspecteur du travail, dès lors qu'est démontrée l'urgence ainsi qu'un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Peut également être formé un recours en référé-liberté comme l'a spécifiquement indiqué le Conseil d'Etat dans le cas où le refus d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé demandé à raison de faits de harcèlement moral peut par ses conséquences porter atteinte à une liberté fondamentale en lien avec le droit du travail (Conseil d'Etat, 4 octobre 2004, n° 264310 Sté Mona Lisa Investissement). Le tribunal administratif statue alors en quelques jours. Enfin, un recours contentieux en vue d'obtenir l'annulation de la décision contestée peut être formé devant les juridictions administratives. En tout état de cause, si le juge était amené à annuler la décision litigieuse, l'employeur pourrait engager la responsabilité de l'administration et obtenir réparation de son préjudice. Au regard de ces éléments, s'il n'est pas envisagé d'évolution du cadre juridique relatif à la protection des représentants du personnel, l'employeur concerné peut saisir les voies de recours qui lui sont offertes pour contester la décision de l'inspecteur du travail de refuser le licenciement du salarié protégé en question.

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