Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - UC) publiée le 24/04/2025

M. Édouard Courtial attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le phénomène inquiétant que constitue le vol d'arbres dans les forêts françaises.

Le vol de bois sur pied est devenu une préoccupation croissante sur notre territoire, et en particulier pour les 3,5 millions de propriétaires privés de forêts dans l'hexagone. En effet, au cours des dernières années, de nombreux sacs ont diminué les forêts de leur flore, laissant des propriétaires orphelins de leurs arbres du jour au lendemain. Alors que 20 chênes ont été sciés et volés à un particulier en Haute Marne en 2024, 15 hectares de parcelles forestières ont été pillées en 2017 à Charly-Oradour en Moselle. En 2022, une quinzaine d'hectares de chêne est également volée près de Thionville, ainsi que 300 à 400 arbres à Perles-et-Castelet en Ariège en 2021. Les revenus générés par le vol et la revente illégale de bois est telle que cette activité attire aujourd'hui de véritables réseaux de la criminalité organisée autant qu'une criminalité en col blanc, avare de profiter de l'augmentation drastique du prix du bois français ces dernières années. C'est le cas du chêne, dont le prix est passé 200 euros/m3 en 2021 à 271 euros/m3 l'année suivante selon l'association France Bois Forêt. La réputation du bois français est telle que les arbres volés ont souvent pour destination finale l'étranger. Ce fut le cas notamment des 400 chênes pillés à Septeuil en 2022 avant d'être envoyés vers la Chine.

Ce phénomène, qui constitue un danger évident pour l'environnement, est d'autant plus alarmant qu'il n'est pas encore véritablement quantifié, et par conséquent, pas totalement compris. Si le lancement en avril 2025 d'une ligne téléphonique d'urgence par l'association forestière Fransylva permettant aux propriétaires forestiers de signaler des vols d'arbres dont ils ont été victimes va dans le bon sens, une compréhension globale du phénomène ne peut pas avoir lieu sans l'aide de l'Etat. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement entend lutter contre le trafic d'arbres dans les forêts françaises, notamment en mettant des moyens pour développer sa connaissance sur ce fléau.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/07/2025

Le cours du bois sur pied semble à l'origine de la commission de vols de plus en plus conséquents au sein des forêts françaises, dont 75 % ont pour propriétaires des particuliers. La gendarmerie nationale, compétente sur 95 % du territoire, est particulièrement concernée par ce phénomène et pleinement impliquée dans la lutte contre ces trafics. Ainsi, en 2024, 489 procédures judiciaires ont été ouvertes concernant des vols de bois ou des escroqueries et autres litiges portant sur du bois, contre 469 en 2023. L'ensemble du territoire national, outre-mer compris, est impacté et peu de secteurs sont épargnés. La très grande majorité des faits de vols concerne des bois sur pied à hauteur de 95,19 % en 2023 et 97,32 % en 2024. Si l'analyse fine du phénomène de vols de bois sur pied est rendue difficile en raison d'un certain nombre de facteurs (constatation tardive des faits par les propriétaires forestiers, isolement des parcelles ciblées compliquant la détection des vols par d'autres individus, quantité de bois dérobée et préjudice financier difficiles à estimer, physionomie des traces et indices, etc.), la gendarmerie nationale adapte son système intégré à cette délinquance. A travers le commandement pour l'environnement et la santé (CESAN), la gendarmerie a déjà engagé une réflexion sur la problématique de la lutte contre la coupe illégale de bois (contrôle des transporteurs de bois, identifications des bois) et s'attache à sensibiliser les enquêteurs environnements et les unités de gestion des flux (brigades motorisées notamment). Ces démarches s'accompagnent d'actions concrètes sur le terrain par la mise en oeuvre de mesures préventives et un traitement judiciaire adapté à ce contentieux spécifique. Pour répondre à ces atteintes, la gendarmerie nationale s'appuie ainsi sur une occupation toujours plus importante de l'espace public afin de déceler les potentiels délinquants et de dissuader le passage à l'acte. A ce titre, la croissance de la part d'activité réalisée sur la voie publique (PVP), déjà en hausse en 2023, s'est poursuivie en 2024 avec une augmentation de près de 11,7%. La création en cours de 239 nouvelles brigades, dont un tiers de brigades mobiles, concourt également à cet effort et à la densification du maillage territorial de la gendarmerie nationale. Plus d'une vingtaine de ces nouvelles brigades devrait être particulièrement employée dans la lutte contre les atteintes à l'environnement. Les exploitants et propriétaires forestiers ont également la possibilité de bénéficier des services, à titre gracieux, de la gendarmerie, des correspondants sûreté (présents dans chaque brigade) et des référents sûreté (présents dans chaque département). Ces experts sont à même de prodiguer des conseils de sûreté et de réaliser des études pour sécuriser au mieux les lieux exposés aux phénomènes de délinquance. Le service central de renseignement criminel (SCRC) de la gendarmerie produit des notes d'analyse facilitant la détection de phénomènes émergents et la compréhension des principaux mécanismes de ce type de délinquance, afin de mieux orienter les unités de terrain. Elles sont destinées aux unités territoriales de la gendarmerie comme aux services de police. Cette lecture centrale est complétée par l'analyse des vulnérabilités identifiées sur chaque zone géographique, par les chefs opérationnels qui en sont responsables. En matière judiciaire la gendarmerie dispose, au travers de l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), d'une structure spécifiquement dédiée au traitement des dossiers complexes, sensibles, en lien avec la criminalité organisée ou de portée internationale. Composé d'un échelon central à Arcueil et de dix détachements à Le Plessis-Robinson, Rennes, Bordeaux, Metz, Marseille, Lyon, Valenciennes, Cayenne, Papeete, Saint-Denis (La Réunion), l'OCLAESP est également chargé de coordonner l'action des forces de sécurité intérieure dans la lutte contre les atteintes à l'environnement. Maillon essentiel, cet office peut s'appuyer sur l'ensemble des services de la gendarmerie compétents en matière de renseignement et d'enquête ainsi que sur un réseau de gendarmes spécialisés, répartis sur le territoire national, dans les unités de recherches mais aussi dans les brigades territoriales et gendarmeries spécialisées. Les enquêtes relatives au vol de bois reçoivent un traitement adapté. Les faits signalés sont pris en compte rapidement, avec l'appui prioritaire d'un enquêteur environnement. Les plaintes concernant ce type de faits bénéficient d'une prise en charge spécifique, tenant compte de leurs particularités techniques. Une analyse approfondie des manières d'opérer est réalisée afin de faciliter les rapprochements entre les affaires au niveau départemental et national. Les enquêtes sont prises en charge au niveau le plus pertinent, en s'appuyant sur la chaîne judiciaire de la gendarmerie (brigades territoriales, brigades de recherches, sections de recherches et les offices centraux). De plus, des actes de police technique et scientifique sont systématiquement réalisés. En 2023 et 2024, au total 225 individus ont été mis en cause pour des faits de vols de bois. En outre, d'importantes investigations sont en cours et certaines affaires ont déjà abouti. A titre d'exemple, le 6 mars 2024, une famille pratiquant la coupe illicite d'arbres et des vols de bois a été placée en garde à vue par les gendarmes de Septeuil, dans les Yvelines. Le préjudice était évalué à 160 000 euros. Les faits avaient été signalés fin 2022 par des associations de protection de l'environnement, lesquelles avaient constaté des coupes illicites d'arbres (en l'espèce, des gros chênes valorisables sur le marché mondial), réalisées par une société d'exploitation forestière. Ces derniers étaient exportés en masse depuis janvier 2021, notamment vers la Chine. Le principal prévenu a fait l'objet d'une décision de condamnation par le tribunal judiciaire de Versailles en juin 2024. L'OCLAESP a également noué des liens privilégiés avec l'office national des forêts (ONF) au travers d'une convention signée en 2020. Celle-ci, en cours de réactualisation, prévoit des échanges de renseignements opérationnels dans le domaine des atteintes à la forêt, notamment en matière de coupe illicite de bois ou de suspicion de trafic. Les enquêteurs de l'OCLAESP, et plus généralement les enquêteurs spécialisés de la gendarmerie, ainsi que les agents de l'ONF peuvent s'appuyer mutuellement dans les enquêtes. Localement, ils mènent également des opérations de contrôles coordonnés. Aussi, dans le cadre du chantier prioritaire du gouvernement « Renforcer la lutte contre les atteintes à l'environnement », le CESAN qui en assure la direction, a mis en place en 2025 une formation aux fondamentaux de la police judiciaire au profit des agents des administrations disposant de pouvoirs judiciaires en la matière. Pour l'heure, un premier agent de l'ONF a déjà pu bénéficier, au mois de mai 2025, de cette formation, qui sera reconduite les prochaines années.

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