Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 08/05/2025

Question posée en séance publique le 07/05/2025

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, entre l'Élysée et Matignon, c'est à qui dégainera le premier ! Après avoir évoqué un budget d'austérité prévoyant 40 milliards d'euros de coupes, une contribution des retraités et un nouveau mode de scrutin législatif, vous brandissez à présent l'arme référendaire comme un joker politique à chaque blocage, comme un aveu d'impuissance de l'exécutif.

Alors que le Président de la République veut consulter sur l'organisation du temps scolaire - compétence gouvernementale - et que vous annoncez, monsieur le Premier ministre, des référendums sans avoir le pouvoir constitutionnel d'en convoquer, une question se pose : qui gouverne ? Et surtout, gouvernez-vous encore ensemble ?

O tempora, o mores ! Hier, on parlait de couac, aujourd'hui, on parle de polyphonie, mais il faut bien appeler les choses par leur nom : c'est de la cacophonie ! Pis, il s'agit d'une cacophonie politique érigée en méthode de gouvernement - un gouvernement d'autoentrepreneurs. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Ce ballet institutionnel donne le sentiment d'un pouvoir à court d'idées, à court de majorités, à bout de souffle, déjà.

Pendant ce temps, les Français, eux, ne demandent pas de référendum sur le budget ou sur l'organisation territoriale du pays. Ils veulent savoir s'ils pourront finir le mois, se loger, se soigner, accéder à l'éducation pour leurs enfants, vivre en sécurité - se projeter, tout simplement.

Par deux fois, en responsabilité, nous n'avons pas censuré. Mais soyons clairs, monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas là pour durer ; vous êtes là pour agir, et cela contre l'anxiété sociale qui ronge notre pays.

Aussi, monsieur le Premier ministre, votre objectif est-il de tenir le plus longtemps possible à Matignon ou bien de répondre enfin aux véritables attentes des Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 08/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2025

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, je trouve votre question extrêmement éclairante sur un certain nombre de faiblesses françaises. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Nous aimerions que la réponse aussi soit éclairante !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vais y répondre très simplement : le constat que vous dressez la photographie que vous présentez est gravement fautif.

Quand vous dites que le Gouvernement a pour responsabilité de fournir des moyens à tous les acteurs de la société, vous oubliez de dire que, tous courants politiques confondus, nous avons créé la situation dans laquelle se trouve notre pays. Nous sommes tous responsables de l'état des finances du pays et de l'état du patrimoine du pays. (Protestations sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) Et cela ne sert à rien d'agiter les bras dans tous les sens !

Notre pays a accumulé 3 300 milliards soit 3 300 fois 1 000 millions ! d'euros de dettes et s'achemine, si nous ne faisons rien,...

M. Rachid Temal. Mais vous ne faites rien !

M. François Bayrou, Premier ministre. ... vers une charge annuelle de la dette de 100 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de l'éducation nationale additionné à celui de la défense nationale. Ceux qui laissent faire cela sont des irresponsables. (Protestations sur les mêmes travées.) Ceux qui, chaque fois qu'ils montent à la tribune, demandent des crédits nouveaux et de nouvelles dépenses de l'État, ceux-là trahissent l'intérêt du pays.

M. Rachid Temal. Et la réponse ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Le Premier ministre et le Président de la République travaillent ensemble, monsieur Kanner, et je vais d'ailleurs vous en donner la preuve très simplement, même si je ne doute pas que vous connaissiez la Constitution par coeur.

L'article 11 de la Constitution prévoit que les référendums sont décidés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement. Chacun est donc dans son rôle lorsqu'il évoque des consultations sur un sujet aussi crucial que le budget.

Mme Silvana Silvani. Ce n'est pas clair...

M. François Bayrou, Premier ministre. Que nous manque-t-il ? Je vais vous le dire en toute sincérité et, si vous me le permettez, en toute amitié : c'est que les Français, que l'opinion publique française, que l'opinion civique française prenne conscience de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

M. Olivier Paccaud. Elle n'est tout de même pas de leur faute !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n'est pas la faute des Français !

M. François Bayrou, Premier ministre. Si nous n'y parvenons pas, nous échouerons à coup sûr non seulement ce gouvernement, mais aussi tous les gouvernements suivants.

C'est la raison pour laquelle nous avons l'intention et de tenir les engagements budgétaires et de préparer pour les années à venir le scénario d'un atterrissage, afin de permettre à la France de se débarrasser enfin de la charge excessive de la dette et de ne plus être le dernier pays de l'Union européenne en la matière. C'est une responsabilité du Gouvernement, et le Gouvernement l'assumera ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous êtes à Matignon depuis cinq mois, mais vous soutenez Emmanuel Macron depuis quatre-vingt-seize mois.

M. François Patriat. Moi aussi !

M. Patrick Kanner. Connaissant comme vous la Constitution, j'ai le regret de vous dire que l'on ne peut pas la tordre comme vous souhaitez le faire en prenant à témoin les Français.

L'article 47 de la Constitution prévoit que l'élaboration budgétaire relève exclusivement du Parlement en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ce n'est pas par un référendum que vous pourrez évacuer votre propre responsabilité dans l'incurie budgétaire que nous connaissons depuis maintenant sept ans.

Je voulais simplement le dire : il ne faut pas brutaliser le Parlement dans ses compétences constitutionnelles. Ce référendum sur la situation des finances publiques est une ineptie ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

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