Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UC) publiée le 08/05/2025
Question posée en séance publique le 07/05/2025
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, la France reçoit aujourd'hui le président syrien, Ahmad al-Charaa, pour sa première visite en Europe depuis sa prise du pouvoir en décembre dernier.
Chacun en a bien conscience, il ne s'agit pas de la visite de n'importe quel chef d'État. Ahmad al-Charaa est un ancien d'Al-Qaïda et de Daech. Néanmoins, depuis la chute de Bachar el-Assad et l'accession au pouvoir de sa coalition islamiste, il ne cesse de donner des gages de respectabilité à la communauté internationale.
Je ne remets pas en cause la nécessité de discuter avec le nouveau pouvoir à Damas, que ce soit dans le cadre des organisations internationales ou en rouvrant notre représentation diplomatique dans la capitale syrienne. En revanche, en recevant Ahmad al-Charaa en visite officielle en tant que chef d'État, la France a décidé de franchir un pas. C'est un énorme cadeau offert au nouveau régime syrien, que l'on l'institutionnalise et notabilise.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Loïc Hervé. Ma question se déploie dans deux directions.
Premièrement, quels éléments concrets sur le terrain ont convaincu la France, en amont de cette visite, de la bonne foi de ses interlocuteurs syriens ? À la mi-mars, notre collègue Nathalie Goulet vous demandait s'il fallait faire confiance à Ahmad al-Charaa, alors que des populations alaouites et chrétiennes étaient victimes d'exactions. Les choses ont-elles fondamentalement changé depuis lors, sachant que des ONG ont fait état d'infractions graves aux droits de l'homme et que des combats contre les Druzes ont eu lieu ?
Deuxièmement, en aval de cette visite, qu'attend-on précisément de ce régime ? Qu'en attendons-nous éventuellement aussi en termes économiques, par exemple dans le cadre de la reconstruction de la Syrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. - M. Daniel Chasseing applaudit également.)
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe publiée le 08/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 07/05/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous remercie de votre question. Sur ce sujet, je puis vous assurer que nous défendons nos intérêts et la sécurité des Français avec la plus grande lucidité.
Engager un dialogue, parler, faire de la diplomatie, c'est non pas donner un chèque en blanc, mais juger sur les actes et pouvoir dresser la liste de nos demandes et de nos exigences.
Il y a quelques mois déjà, lors de la visite à Damas de Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, nous avons engagé un dialogue avec les autorités de transition en Syrie et formulé certaines demandes.
Nous leur avons ainsi demandé de lutter contre la dissémination des armes chimiques sur le terrain en Syrie. Cela a été partiellement fait. Nous leur avons demandé d'engager un dialogue avec nos alliés indéfectibles dans la lutte contre le terrorisme que sont les Kurdes. Cela a été fait. Enfin, nous avons demandé que leur gouvernement s'ouvre davantage aux forces politiques et sociales qui composent la Syrie, pour devenir plus représentatif. Là aussi, l'engagement pris a été tenu.
Aujourd'hui, si le Président de la République choisit d'inviter le président de l'Autorité de transition syrienne, Ahmed al-Charaa, c'est pour aller plus loin.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, il est essentiel que les responsables des massacres inacceptables qui ont été perpétrés sur la côte occidentale de la Syrie, notamment contre les communautés alaouites et druzes, soient identifiés et traduits devant la justice.
C'est aussi pour renforcer notre coopération contre Daech que ce dialogue est engagé. Depuis dix ans, la France est présente dans cette lutte, et c'est un enjeu vital pour notre sécurité. Car si la Syrie venait à s'effondrer, un tapis rouge serait déroulé, nous le savons, au retour de Daech.
Notre seule boussole, dans cette démarche, ce sont les intérêts de la France. C'est la responsabilité historique de la France que d'être présente en Syrie et d'avoir un dialogue avec les autorités syriennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues sénateurs, je reviens tout juste d'un déplacement en Jordanie et au Liban. Les attentes à l'égard de la France y sont très importantes, et elles sont formulées très clairement, notamment en ce qui concerne la protection des minorités, c'est-à-dire soyons clairs des chrétiens, des alaouites, des druzes, des yézidis, etc.
C'est un élément fondamental, qui doit être appelé aujourd'hui au président syrien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
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