Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - Les Républicains) publiée le 08/05/2025
Question posée en séance publique le 07/05/2025
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, comme tous les Français, j'ai découvert ce week-end votre idée consistant à consulter nos compatriotes par la voie du référendum sur - je cite la presse - « un plan d'ensemble avec un objectif clair : être moins dépendant de la dette dès cette année et, à l'horizon de quatre ans, revenir sous le seuil des 3 % de déficit public ».
Cette notion de plan d'ensemble me semble mériter d'être précisée, car son explication dans l'article en question est famélique. C'est le moment de le faire !
Par ailleurs, l'article 47 de notre Constitution prévoit que « le Parlement vote les projets de loi de finances ». C'est même l'une de ses prérogatives essentielles, à laquelle il est particulièrement attaché. Il me semble donc que votre proposition mérite d'être précisée. Pouvez-vous nous éclairer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Marc Laménie applaudit également.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 08/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 07/05/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Jean-François Husson, je veux tout d'abord souligner que vous n'avez jamais cessé, ces dernières années, d'exprimer votre préoccupation quant à l'équilibre des finances publiques en France.
Or cette situation, nous en conviendrons aisément, est profondément dégradée, et cela depuis plusieurs décennies. Ce qui est frappant, c'est que depuis le début du XXIe siècle, toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont été peu ou prou associées au gouvernement. Et toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont éludé la question, en considérant qu'il était plus facile de faire un budget avec des déficits que de prendre des décisions drastiques.
Ceux qui se succédaient à la tribune demandaient en général des dépenses, ou en tout cas la préservation absolue du budget consacré à tel département ministériel ou à tel sujet qui leur était cher. C'est bien la cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. (Murmures sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Ma conviction est donc que c'est du côté des citoyens français que se trouve la clé du retour à l'équilibre que nous appelons de nos voeux.
M. Hussein Bourgi. N'importe quoi !
M. Yannick Jadot. Ce sont les vacances ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. François Bayrou, Premier ministre. Je le dis clairement : il ne s'agit pas de faire adopter le budget par référendum. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Hussein Bourgi. Merveilleux !
M. Bernard Jomier. Encore heureux !
M. François Bayrou, Premier ministre. Ce serait impossible dans nos institutions. Toutefois, il est tout à fait possible d'imaginer nous n'en sommes pas encore là un texte-cadre, qui permette aux Français de prendre la pleine mesure de la situation.
M. Hussein Bourgi. Ils la connaissent déjà ! Ils font leurs courses !
M. François Bayrou, Premier ministre. Non, ils ne la connaissent pas, car vous la leur dissimulez sans cesse ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Voilà des années, et même des décennies, que toutes vos prises de parole visent à expliquer que les gouvernements successifs sont méchants, parce qu'ils ne donnent pas assez d'argent aux causes qui vous intéressent. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Je suis prêt, monsieur Husson, à envisager, avec vous et avec ceux de vos collègues qui le souhaiteront, quel genre de consultation nous pouvons mettre en place. La décision reviendrait au Président de la République : comme le précise l'article 11 de la Constitution pour un texte portant norme, la proposition est formulée par le Gouvernement, mais la décision est prise par le Président de la République.
En tout cas, je suis persuadé que, si nous ne sortons pas des sentiers battus, nous n'arriverons jamais à apporter une réponse à cette question. S'il n'y a pas une prise de conscience profonde de nos concitoyens, de leurs familles, de leurs associations et de leurs entreprises, s'ils ne sentent pas à quel point ils sont engagés dans ce drame, nous n'y arriverons pas.
La mécanique habituelle, en effet nous l'avons encore vu lors de la discussion du budget que nous avons réussi in fine à faire adopter , c'est de constamment baisser les prélèvements et de dépenser toujours plus, ce qui suscite des déficits.
Mme Laurence Rossignol. Nous sommes pour la justice fiscale !
M. François Bayrou, Premier ministre. Les déficits, nous pouvons en faire si nous n'avons pas de dette ; on reporte dans le temps et, ma foi, la situation peut se redresser. De la dette, nous pouvons en faire si nous n'avons pas de déficit, parce que le temps nous sert.
Toutefois, si nous avons une masse jamais atteinte à la fois de dette et de déficit, nous sommes dans une impasse dont nous ne pouvons pas nous sortir. Et il n'y a que la prise de conscience des citoyens français qui nous permettra de trouver un chemin. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDPI et INDEP. M. Bruno Sido applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, vous dites qu'il faut sortir des sentiers battus. Mais, ici, nous sommes sortis de la tranchée il y a deux ans en proposant 7 milliards d'euros d'économies, ce que l'on n'avait encore jamais vu sous la Ve République de la part de l'opposition. Le gouvernement de l'époque, que vous souteniez, les a balayées d'un revers de la main.
M. Michel Savin. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. Par ailleurs, vous affirmez que cette situation budgétaire est le résultat de plusieurs décennies. Certes ! Mais, en sept ans, la dette a augmenté de 1 000 milliards d'euros, soit le tiers du stock actuel, et ce sont bien les gouvernements qui étaient en place alors qui en sont responsables ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Ce qui irrite les Français par-dessus tout, c'est que certains refusent de le reconnaître...
Un sénateur du groupe Les Républicains. Bruno Le Maire !
M. Jean-François Husson. ... et d'admettre leur part de responsabilité. (M. le Premier ministre désigne de la main la partie droite de l'hémicycle.)
Non, monsieur le Premier ministre ! Je ne puis accepter pas que vous pointiez du doigt ainsi notre majorité, qui a été audacieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Husson. Je continuerai à me montrer aussi loyal qu'exigeant. Mais, monsieur le Premier ministre, je vous demande de respecter le Parlement et, en particulier, de travailler en bonne intelligence avec la majorité sénatoriale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)
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