Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 22/05/2025

Question posée en séance publique le 21/05/2025

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le Sénat a exprimé par deux fois son inquiétude face aux ingérences étrangères, en particulier face à l'influence chinoise, qui n'épargne ni l'Hexagone ni nos territoires ultramarins.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

En matière culturelle, trouvez-vous normal que le musée Guimet, qui est dépositaire d'un patrimoine culturel tibétain, ait définitivement supprimé le mot « Tibet » de son répertoire à l'automne dernier ?

Trouvez-vous normal de laisser agir les instituts Confucius au sein de nos universités, alors qu'ils sont, comme l'a confirmé le rapport d'information publié par notre ancien collègue André Gattolin en septembre 2021, le bras armé de la Chine ?

Trouvez-vous normal que la pêche illégale fasse des ravages et détruise nos fonds marins au large de la Guyane, uniquement pour faire plaisir aux Chinois, qui sont des mangeurs de courbine ? De même, trouvez-vous normal que 80 % de l'or extrait de manière illégale dans la région parte en Chine ?

Ne redoutez-vous pas, à l'instar du ministre Manuel Valls, que des formes de colonialisme s'instaurent dans le Pacifique par le biais de la présence chinoise ?

En cédant à des pressions politiques dans le domaine de la culture et des arts, nous ouvrons la porte à de graves dérives autoritaires et partisanes, dont il faut impérativement se méfier.

Il serait irresponsable de ne pas s'inquiéter de la stratégie d'implantation chinoise dans le Pacifique, qui menace l'avenir de nos territoires ultramarins, après ce qui s'est passé dans les îles Salomon. Ne pas protéger nos universités de cette influence compromet la liberté d'expression et l'autonomie des établissements.

J'imagine que vous avez pris connaissance du rapport publié le 23 juillet 2024 par Rachid Temal et Dominique de Legge, au nom de la commission d'enquête sénatoriale, sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères, qui expliquait clairement les inquiétudes que nous nourrissons. J'ose espérer qu'une tolérance passive ne sévit pas au Quai d'Orsay.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de nous rassurer : une cellule a-t-elle été mise en place au sein de votre ministère, afin de lutter contre cette entreprise d'influence chinoise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Olivier Cadic applaudit également.)


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger publiée le 22/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, vous avez raison de pointer ce sujet important, sensible et parfois grave de l'ingérence et de l'influence de puissances étrangères. Vous avez essentiellement cité la Chine, mais cette question concerne également d'autres pays.

Vous avez eu raison de préciser que ces ingérences ciblent non seulement notre territoire métropolitain, mais aussi nos outre-mer. Vous avez ainsi cité à juste titre le cas du Pacifique et de la Polynésie française.

Mme Lana Tetuanui. Ah !

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué. Je tiens à vous rassurer : le Gouvernement et l'ensemble des administrations concernées sont non seulement au fait de cette question, sans aucune naïveté, mais tout à fait concentrés sur les actions qu'il convient de mener.

L'enjeu est culturel, mais aussi économique. Compte tenu de mon portefeuille, je suis concerné au premier chef et je pense en particulier à la sécurité de secteurs d'activité sensibles, qui sont directement liés à notre souveraineté et à notre autonomie stratégique.

Aussi, je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : sous l'impulsion du Président de la République, nos moyens en matière de sécurité économique ont été renforcés de manière significative.

Très concrètement, nous avons amélioré les capacités d'analyse et de surveillance de nos services de renseignement et mis en place des mécanismes de contrôle accru sur les financements étrangers des associations, notamment par le biais de la loi confortant le respect des principes de la République, qui, à cette fin, est utilisée à bon escient.

Par ailleurs, nous avons renforcé le dialogue avec les établissements d'enseignement supérieur et les collectivités locales, celles-ci étant également ciblées par des manoeuvres d'influence.

Enfin, la coordination interministérielle pilotée par le secrétariat général de défense et de sécurité nationale joue pleinement son rôle.

En tant que ministre chargé du commerce extérieur, je tiens à déclarer que la France reste ouverte aux échanges internationaux et que ce n'est pas se replier sur soi-même que se défendre des ingérences étrangères.

Cela dit, nous ne sommes ni naïfs ni inattentifs. Nous continuerons d'agir avec une totale détermination, comme il se doit, pour défendre notre indépendance et protéger notre débat démocratique. (M. François Patriat applaudit.)

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