Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 22/05/2025
Question posée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.
Sur le ring du commerce mondial, le match est truqué : d'un côté, Jennyfer, une enseigne française, est fragilisée et sera bientôt balayée ; de l'autre, Shein et Temu, des géants de l'e-commerce chinois, sont dopés par des produits à bas coût et polluants. Madame la ministre, en tant que prétendue arbitre, que faites-vous ?
À cause de la faillite de Jennyfer, 1 000 salariés sont menacés d'être licenciés, comme l'ont été les 2 100 de Camaïeu en 2022. Et demain, qui ? Et combien ?
Pendant ce temps, Shein réalise près d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en France, sans impôt et sans contrainte. En réalité, le scandale est triple : il est social, écologique et fiscal. Résultat : nos entreprises paient, eux contournent ; nos salariés sont licenciés, eux livrent ; nos normes contraignent, eux prospèrent.
Il est temps d'en finir avec la naïveté et d'exiger une réponse européenne, ferme, rapide et juste, d'adapter notre système douanier à l'e-commerce et d'imposer aux géants du numérique les mêmes règles qu'à nos commerçants de proximité.
Madame la ministre, qu'attendez-vous pour défendre l'emploi, la transition écologique et la justice fiscale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. - Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Vincent Louault applaudissent également.)
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire publiée le 22/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous avez raison. Vous connaissez ce chiffre, puisqu'il a été annoncé par le PDG de cette entreprise au cours d'une audition au Sénat : 22 % des colis qui sont distribués par La Poste émanent de deux plateformes asiatiques.
L'une d'entre elles met en ligne 7 000 nouvelles références de produits textiles par jour et fait transiter 5 000 tonnes de produits textiles par jour à l'échelle mondiale par fret aérien. Au total, 1,5 milliard de colis sont livrés en France chaque année.
Ces livraisons ont des conséquences environnementales - le fret aérien a un impact négatif cent fois supérieur à celui du fret maritime -, mais aussi sociales et économiques. En effet, nous constatons une forme de concurrence déloyale : les produits qui arrivent sur le marché ne font pas l'objet des mêmes normes et de la même réglementation. Cela fragilise notre commerce physique. Nous devions donc sonner la mobilisation générale, et nous l'avons fait.
J'ai ainsi demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de tripler le nombre des contrôles des produits issus des plateformes en question. J'ai souhaité que ces contrôles soient effectués à 360 degrés, c'est-à-dire qu'ils portent tant sur la loyauté des pratiques commerciales que sur la régularité des produits. J'ai demandé que, lorsqu'une faille est constatée au sujet d'un petit acteur, des contrôles soient effectués sur les gros acteurs occupant le même segment de marché.
En outre, avec Amélie de Montchalin, j'ai renforcé la coordination entre les douanes et la DGCCRF. Et avec Agnès Pannier-Runacher, j'ai poussé pour que la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile puisse être examinée au début du mois de juin prochain, mais aussi pour que nous soyons en mesure d'intégrer dans ce texte des dispositions plus robustes.
À l'échelle européenne, nous appelons à mettre fin à l'exemption de taxes douanières des colis d'une valeur de moins de 150 euros. Nous avons obtenu hier que la Commission européenne propose une surtaxe de 2 euros sur ces colis.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. C'est déjà une avancée, mais nous continuons de travailler à l'échelle européenne, pour faire en sorte que ces pratiques cessent.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre.
La surtaxe proposée par la Commission européenne est tout à fait insuffisante : 2 euros de frais de gestion sur des colis d'une valeur moyenne allant de 20 euros à 70 euros ne feront peur à personne ! Par ailleurs, alors qu'elle enregistre un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros, l'entreprise Shein ne paie que 0,02 % d'impôts - ce n'est pas moi qui le dis, c'est le patron de Coopérative U !
Madame la ministre, vous parlez d'actions, mais les faits évoquent plutôt un abandon. En réalité, ce gouvernement fait de la fast fashion sa ligne politique : tout pour l'image, rien pour la durabilité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
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