Question de M. MOUILLER Philippe (Deux-Sèvres - Les Républicains) publiée le 22/05/2025
Question posée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
M. Philippe Mouiller. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des comptes publics et porte notamment sur la non-certification des comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) par la Cour des comptes.
Cette question ayant déjà été posée par Guislain Cambier, je vais en poser une autre, pour aller plus loin et mettre en avant les dysfonctionnements profonds de la branche famille de la sécurité sociale. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Je rappelle tout de même que les comptes de la Cnaf n'ont pas été validés pour la troisième année consécutive. La réponse qui nous avait été apportée l'année dernière était d'ailleurs de la même nature que celle que vous nous donnez aujourd'hui, c'est-à-dire, en substance : « Ne vous inquiétez pas, nous avons la solution. » Je vous réponds donc : « Accélérez ! ».
Par ailleurs, le système d'information de la Cnaf est défaillant et soumis à de nombreuses attaques. Au-delà des défaillances formelles, l'administration fiscale, que vous connaissez bien, se trouve dans l'incapacité de transmettre plus de 2 millions d'euros de revenus fiscaux aux allocataires pour des problèmes de vérification des données. Cela pose problème pour effectuer les contrôles. Il s'agit d'un véritable dysfonctionnement.
Ensuite, malgré les chiffres importants que vous avez donnés à propos de la fraude, le nombre de contrôles effectués sur la branche famille a diminué de 7 % en 2024. Il s'agit d'un point essentiel : nous n'avons ni les outils informatiques ni les outils de suivi adaptés. Dans ce contexte, il est évidemment très difficile de mettre en place une politique de lutte contre la fraude, malgré la mobilisation de l'ensemble des fonctionnaires. Sur ce sujet, il y a urgence à agir.
La communication qui est faite depuis quelques jours est terrible. Nous ne pouvons pas expliquer aux Français que nous devons collectivement réaliser des efforts pour redresser les comptes sociaux, alors que nous n'avons pas les outils suffisants pour maîtriser les fraudes aux allocations logement et au revenu de solidarité active (RSA).
Il y a donc urgence à agir, et nous devons nous mobiliser de façon totalement transparente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Très bien !
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 22/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous nous invitez à aller plus loin et vous avez raison.
La lutte contre la fraude a connu un épisode pour le moins malheureux : avant que ce gouvernement ne soit formé, vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, mené avec les députés un travail conjoint dans le cadre du PLFSS pour 2025 sur plusieurs mesures. Je pense notamment à l'échange de données entre complémentaires et sécurité sociale, à la réforme du service médical ou encore à l'harmonisation des pratiques entre départements.
Or, chacun le sait, ces dispositions ont été considérées comme des cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Elles sont donc inapplicables et inappliquées.
Au fond, pour résumer la situation, nous constatons, d'un côté, que nos outils fiscaux fonctionnent de mieux en mieux. Je ne dis pas que nous avons fini de traquer la fraude fiscale, mais nous avons beaucoup progressé, notamment en termes de gels et de saisies. L'Office national antifraude (Onaf) a ainsi saisi 600 millions d'euros au cours de la seule année dernière.
De l'autre, il semble qu'il soit devenu plus facile de frauder la sécurité sociale que le fisc. C'est absolument intolérable. Catherine Vautrin et moi-même avons d'ailleurs communiqué sur ce sujet. Car, à la fin, il s'agit toujours de l'argent des Français : nous n'avons qu'un seul portefeuille, et des politiques publiques en partage.
Catherine Vautrin et moi-même travaillons donc pour appliquer les mécanismes qui fonctionnent dans le domaine fiscal - les procédures, le soutien judiciaire, la réactivité... - dans la sphère sociale. L'an dernier, nous avons détecté pour 1,6 milliard d'euros de travail dissimulé. Au total, nous avons mis au jour 2,9 milliards d'euros de fraude dans la sphère sociale.
Les contrôles fonctionnent, mais ils doivent s'améliorer dans plusieurs branches. Nous devons surtout parvenir à bloquer l'argent et à le saisir. Nous devons le bloquer, car Tracfin nous montre qu'une partie des sommes est captée par la criminalité organisée et part à l'étranger.
Notre détermination à travailler avec vous en ce sens est totale. Par ailleurs, nous voyons que nous avons besoin d'outils législatifs renforcés. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je saisis la perche que vous avez tendue : nous pourrions défendre conjointement une proposition de loi sur les outils de lutte contre la fraude, pour éviter de nous retrouver dans la même situation qu'à l'issue de l'examen du PLFSS pour 2025.
Il y a urgence, car ce travail doit être mené d'ici à l'examen du PLFSS pour 2026 ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Tout à fait !
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