Question de Mme GUIDEZ Jocelyne (Essonne - UC) publiée le 22/05/2025
Question posée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Ma question s'adresse à M. le ministre des armées.
« Le principe n'était pas de nous former, mais de nous bizuter, de nous humilier pour amuser les cadres. Ils ont décidé de me briser. » Monsieur le ministre, ces mots sont ceux de Clovis Tritto, un ancien militaire du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Castres. Ils reflètent une souffrance que l'on ne peut ignorer.
Il y a quelques jours, quatre ex-militaires ont porté plainte pour des faits de harcèlement moral, de violences psychologiques et d'humiliations. Ils décrivent un climat de soumission où l'autorité se confondrait avec la brutalité et des bizutages qui n'épargneraient ni l'intégrité physique ni la dignité. Parmi les quarante-six recrues de cette section, seules seize ont poursuivi leur engagement.
Soyons clairs, il ne s'agit pas de généraliser, et encore moins de salir l'image de notre armée. Nos cadres, sous-officiers et officiers, servent avec honneur et exigence. Nos armées forment la jeunesse à l'endurance, à l'engagement et à la maîtrise de soi. Cette autorité-là est précieuse. Elle fait la force, la fierté, l'identité et l'attractivité de nos armées.
Toutefois, l'autorité n'autorise pas les sévices, et la tradition ne saurait excuser la maltraitance. Or les abus existent, de même que les drames. Nos miliaires ont eux aussi une santé mentale. Ils peuvent connaître des troubles psychiques, un mal-être, une dépression, a fortiori lorsqu'ils sont confrontés au harcèlement.
Je pense à Louis Tinard, dont j'ai eu le père au bout du fil. Ce jeune militaire s'est suicidé dans sa caserne en 2022. Sa mort a été reconnue comme un accident de service.
Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour éviter ce genre de drames ? Comment garantir à nos jeunes volontaires un encadrement sûr, digne et conforme aux valeurs de notre République, mais aussi de nos armées ? Comment mieux détecter et accompagner les soldats qui souffrent en silence ? Quand l'engagement devient souffrance, nous ne pouvons rester dans l'indifférence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et SER.)
Réponse du Ministère des armées publiée le 22/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d'abord de partager votre émotion et la tonalité de votre question. Au nom de l'institution militaire et du Gouvernement, je redis la colère que nous avons ressentie lorsque les faits que vous évoquez sont parus dans la presse.
Ma réponse peut paraître simple, mais la première des réponses est de faire preuve de rigueur et d'empathie et de respecter la parole des victimes, ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas par le passé. Il nous faut non seulement tenir compte de leur parole, mais aussi, comme vous appelez à le faire, accompagner les victimes avec l'ensemble des outils dont nous disposons, y compris dans le domaine psychologique ou médicosocial.
Nous l'avons certes fait dans le cadre de ce qui a été nommé, d'ailleurs à tort, le « #MeToo des armées », mais nous n'avons pas été à la hauteur dans d'autres cas. Depuis lors, des mesures correctives ont été prises.
La deuxième des réponses réside dans les enquêtes de commandement qui doivent avoir lieu. Le chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat) en a été saisi. Je rappelle que dans le champ militaire - je le dis sous le regard des officiers de la gendarmerie qui sont présents dans les tribunes -, l'autorité d'un officier en position de commandement lui impose également un devoir de protection de ses subordonnés. Nous devrons donc faire la lumière sur l'affaire que vous avez mentionnée.
La troisième des réponses est de collaborer avec l'autorité judiciaire dans les suites des enquêtes de commandement. Dans le cas des faits que vous avez rappelés, ce sont les plaignants qui ont saisi la justice. Par le passé, il est arrivé que l'institution militaire se contente d'une enquête de commandement. Or l'article 40 du code de procédure pénale, que chacun connaît ici, s'applique évidemment à l'autorité militaire.
La quatrième réponse est de savoir punir lorsque c'est nécessaire. Je le dis, car l'institution a trop souvent été tentée, par le passé, d'éloigner - pour le dire pudiquement - les victimes plutôt que les auteurs. Or elle doit être capable de se débarrasser de ses canards boiteux.
Enfin, vous l'avez dit, madame la sénatrice, mais je veux l'affirmer de nouveau devant le Sénat : quelques dérives individuelles ne sauraient en aucun cas porter atteinte à la réputation de l'institution militaire dans son ensemble. Il y va du succès des armes de la France. (M. François Patriat applaudit.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très claire.
Un soldat en souffrance ne sera jamais un bon soldat, et l'autorité naturelle d'un bon cadre ne résidera jamais dans l'humiliation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Page mise à jour le