Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 22/05/2025
Question posée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, ce matin, un conseil de défense s'est réuni pour la présentation d'un rapport intitulé Frères musulmans et islamisme politique en France, réalisé par le préfet Pascal Courtade et le diplomate François Gouyette. L'élaboration de ce rapport commandé par votre prédécesseur a fait l'objet d'un important travail d'analyse de plusieurs mois.
Selon nos informations, il semblerait qu'il brosse le tableau effrayant d'un pays - le nôtre, la France, monsieur le ministre ! - miné de l'intérieur par une confrérie qui y a structuré un important réseau d'implantation. Que ce soit par des lieux de culte, des associations, des écoles confessionnelles, voire des écosystèmes complets, ce réseau investit progressivement nos quartiers et nos villes.
Tout cela se déroule à bas bruit, mais avec beaucoup d'efficacité, et serait même alimenté par des circuits financiers, notamment étrangers. L'objectif n'est rien de moins que d'établir la prééminence de la loi coranique sur les lois et les valeurs de notre République.
Monsieur le ministre d'État, vous auriez vous-même affirmé que ce rapport est accablant et alarmant. Compte tenu de ces propos très forts, pourriez-vous nous en dire plus et, bien entendu, nous indiquer la suite que le Gouvernement compte donner à ce constat effrayant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thierry Cozic. Oh !
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le sénateur André Reichardt, bien sûr que ce rapport est alarmant.
Il concerne l'islamisme. Au reste, il est essentiel de séparer ces menées islamistes d'une pratique de l'islam compatible avec la République. J'observe d'ailleurs que les pays les plus durs avec les Frères musulmans sont non pas les démocraties occidentales, mais les pays musulmans.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Il y a une grande différence entre ce que l'on a appelé le séparatisme et l'entrisme. Le séparatisme consiste à construire de petites contre-sociétés séparées de la communauté nationale, tandis que l'entrisme tend à nous faire modifier profondément nos propres règles, ce qui concerne l'ensemble de la communauté des citoyens.
Vous vous êtes intéressé à ce sujet, monsieur Reichardt, comme le montrent vos travaux, que je connais, notamment votre rapport de 2016 intitulé De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés, ainsi que votre proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain, adoptée par le Sénat en 2018.
Or qu'il s'agisse d'entrisme ou d'islamisme à bas bruit, c'est toujours la même matrice politique. Ce sont les Frères musulmans qui l'ont inventée, à partir de 1928, et elle n'a pas changé depuis lors. Elle repose sur la prééminence de la loi coranique sur la loi de la République, sur l'infériorisation du statut de la femme et sur l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme.
Bien entendu, il faut prendre ce problème à bras-le-corps. Le rapport sur lequel vous m'interrogez, monsieur Reichardt, fait état de deux menaces.
La première porte sur nos intérêts fondamentaux, notamment le caractère républicain de nos institutions, mais aussi sur la cohésion nationale. Pour y remédier, dans les mois à venir, il faudra tout d'abord proposer une meilleure organisation de l'État, avec un véritable chef de filat en matière de renseignement et, au ministère de l'intérieur, un parquet administratif pour diligenter des dissolutions et des entraves administratives.
La seconde est relative aux circuits financiers. Il est capital de comprendre comment les biens et les actifs de BarakaCity, après la dissolution de cette association, ont été transférés au Royaume-Uni. De même, comment se fait-il que, à la suite de la dissolution du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), ses biens et ses actifs soient allés se réfugier en Belgique ? Il y a là des lacunes qui doivent être comblées.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Enfin, il faudra mener une stratégie de sensibilisation informationnelle de la population et former les fonctionnaires et les élus, car c'est capital.
Dans quelques heures, le rapport sera rendu public.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Nous avons la ferme intention de combattre le frérisme et l'entrisme. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. - M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Si, comme le disait Albert Camus, « mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », ce ne sera pas le cas avec ce rapport, au sein duquel, cette fois, les ennemis des valeurs de notre République semblent être bien nommés.
Je salue vivement cette prise de conscience. Mais il faut également des actes pour démonter la mécanique à l'oeuvre. Comme vous le savez, monsieur le ministre d'État, le Sénat a formulé plusieurs propositions en ce sens, dont celles qui sont contenues dans le rapport que vous avez bien voulu citer, que j'avais commis sous la présidence de Corinne Féret et corédigé avec Nathalie Goulet.
La liste des recommandations que nous avions formulées était longue : la lutte pour la transparence des financements, le contrôle des subventions de l'Union européenne et la qualification des ministres du culte, entre autres.
M. le président. Il faut conclure !
M. André Reichardt. Il reste beaucoup à faire. Je sais qu'il faut du courage politique et de l'énergie. Monsieur le ministre d'État, vous ne manquez ni de l'un ni de l'autre. Allez-y ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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