Question de Mme LE HOUEROU Annie (Côtes-d'Armor - SER) publiée le 22/05/2025

Question posée en séance publique le 21/05/2025

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre chargée des comptes publics, selon le décompte du collectif Les Morts de la rue, publié avant-hier, 855 personnes auraient péri de la sorte en 2024.

Ce sont 855 personnes, dont une majorité d'hommes et 112 femmes, qui sont mortes sur la voie publique dans des abris de fortune ; 855 personnes, dont 19 de moins de 4 ans. Cette situation est intolérable dans notre pays. Or elle s'aggrave et concerne tous les départements.

Depuis 2017, le nombre de morts de la rue a augmenté de 135 %. Pourtant, la fortune des milliardaires français a crû de plus de 24 milliards d'euros depuis 2019, selon Oxfam. La Fondation pour le logement des défavorisés, quant à elle, fait état de 350 000 sans domicile fixe en 2024. Au-delà de celles qui sont à la rue, 1 118 000 personnes sont sans logement à soi.

À rebours des promesses du président Macron formulées en 2017, les politiques sociales des gouvernements successifs aggravent les risques de se retrouver à la rue. Ainsi, les places d'hébergement d'urgence et le budget afférent stagnent depuis des années. Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) sont plus que débordés, au désespoir des travailleurs sociaux.

La promesse de 10 000 places supplémentaires ne répondra qu'à 7 % des besoins. En outre, la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, dite loi Kasbarian-Berger, a provoqué une chute des constructions de logements sociaux : en 2024, moins d'une demande de logement social sur dix est satisfaite et neuf sur dix ne le sont pas.

Dans nos territoires, la tension qui règne sur les budgets des collectivités et des associations de solidarité empêche celles-ci de répondre aux besoins exprimés. Les difficultés d'accès aux soins en santé mentale accentuent aussi la marginalisation de certaines personnes.

Madame la ministre, confirmez-vous ces chiffres insupportables du nombre de morts dans la rue en France ? Quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre la précarité et assurer un abri décent pour tous, enfants, femmes, hommes mis en danger de mort dans les rues de notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 22/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2025

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur un sujet qui se situe à la croisée de la politique du logement, de la politique budgétaire, de l'aménagement du territoire et, plus largement, de la politique de soutien aux personnes les plus vulnérables. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

Valérie Létard aurait pu vous donner les détails des chiffres et des politiques qu'elle mène dans son action résolue en tant que ministre du logement.

Je voulais vous répondre sur un élément qui a été moteur depuis 2017, à savoir le dispositif Logement d'abord. Il s'agit d'un plan massif d'investissement, en lien avec les collectivités, pour sortir de la logique de l'urgence et redonner aux personnes leur dignité. Nous parlons de centaines de milliers de Français et de familles qui, depuis 2017, ont été sortis de la précarité et de cette boucle infernale de l'hébergement d'urgence où l'on ne se réinsère pas, où l'on ne se scolarise pas et où l'on ne peut, malheureusement, trouver ni travail ni emploi.

Le Logement d'abord, qui a permis à ces centaines de milliers de familles de sortir de la précarité,... (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Non !

Mme Audrey Linkenheld. Fake news !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. ... est une politique que nous continuons de mener grâce aux collectivités.

Hier, Valérie Létard et moi-même avons confirmé notre soutien aux bailleurs sociaux. Nous avons ainsi signé le décret relatif à la réduction de loyer de solidarité (RLS), afin de diminuer le poids de l'hébergement en 2025. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Avec Valérie Létard, je soutiens toutes les mesures, notamment dans le cadre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), en faveur des personnes les plus fragiles.

Madame la sénatrice, nous ne voulons pas opposer les Français entre eux, alors que tous contribuent à la solidarité nationale. Je vous sais attachée à la justice fiscale : nous le sommes aussi. (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. On aura tout entendu !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous sais attachée à la bonne tenue des comptes publics. Or nous luttons contre la fraude, toute la fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Quel est le rapport ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas le sujet !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne souhaite pas que nous opposions les efforts que nous réalisons sur des politiques d'ampleur en ce qui concerne l'aide aux plus vulnérables.

Je pourrais vous donner, avec Valérie Létard, les chiffres du budget consacré au logement : nous n'avons ni gelé ni annulé les crédits liés au logement d'urgence. Nous n'avons ni gelé ni annulé les crédits liés à la politique du logement social.

M. Hussein Bourgi. Demandez à Kasbarian !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Notre politique est lisible. Nous voulons que cela fonctionne mieux, et nous n'y arriverons que si, dans chaque bassin de vie, dans chaque commune, nous travaillons de manière collective, sans polémiques et sans effets d'annonce, lesquels, malheureusement, ne sont que trop rarement suivis d'actions concrètes. (M. François Patriat applaudit.)

MM. Bernard Jomier et Hervé Gillé. Mais des gens meurent dans la rue !

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, les chiffres sont têtus ! Le nombre de morts dans la rue augmente et le Logement d'abord ne résoudra pas ce problème.

C'est une question de dignité des personnes. Nous devons un toit à tous les Français - tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

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