Question de M. DHERSIN Franck (Nord - UC-A) publiée le 01/05/2025

M. Franck Dhersin appelle l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports au sujet des quotas d'émission de gaz à effet de serre européens (European Emissions Trading System ou EU ETS) et de la décarbonation du transport maritime français.
90 % du commerce mondial s'effectue par la voie maritime, un transport des plus efficaces en termes énergétiques rapporté à la tonne transportée. En même temps, le transport maritime représente près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre au monde (soit environ 755 millions de tonnes de C02).
Alors que le transport maritime avait été absent des Accords de Paris, l'Organisation maritime internationale (OMI) et l'Union européenne se sont saisis de cette problématique : l'OMI a fixé l'objectif exigeant de « zéro émission nette d'ici à 2050 ». Réunis à Londres le 11 avril 2025, cette entité a même, pour la première fois, approuvé le principe d'un système mondial de décarbonation du transport maritime (celui-ci devrait être officiellement adopté en octobre 2025 pour une entrée en vigueur en 2027).
Au niveau européen, le pacte vert et le paquet Fit for 55 ont intégré les navires maritimes d'une jauge supérieure à 5000 UMS (Universal Measurement System) au système d'échange de quotas d'émission carbone européen ou ETS (Emissions Trading Scheme). Ainsi, dès 2024, 40 % des émissions de GES de ces navires y ont été assujetties, 70 % cette année, 100 % en 2026. La facture totale de la décarbonation du transport maritime sous pavillon français sera nécessairement très élevée.
Le « fléchage » des ETS, autrement dit, le financement d'une partie de la décarbonation du secteur maritime grâce aux taxes que celui-ci verse dès lors que ses émissions de CO2 dépassent le plafond fixé par l'Europe, est une mesure de bon sens : la pollution finance la décarbonation. Une logique vertueuse à laquelle le Gouvernement souscrit, si l'on en juge ses prises de position dès avril 2023, soit à la veille de l'intégration du transport maritime au marché carbone européen.
Il se félicite que la question du « fléchage » des ETS soit toujours envisagée comme l'une des priorités du Gouvernement en matière de transport maritime. En cette année de la mer, l'excellence du pavillon français - l'un des pavillons les plus respectueux au monde, de l'environnement - et de ses 1 400 navires mérite, en effet, d'être valorisée et soutenue. Aussi, il lui demande quelles modalités et garanties concrètes il compte apporter au principe du « fléchage » des ETS.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports publiée le 17/07/2025

Dans le cadre du paquet « Fit for 55 », une révision de la directive ETS a été adoptée en mai 2023 pour intégrer le secteur maritime dans le système d'échange de quotas d'émissions de l'Union Européenne (SEQE-UE ou Emissions Trading System (ETS) ) à partir du 1er janvier 2024. L'objectif est d'inciter à une meilleure efficacité de la gestion des navires et à la décarbonation des navires, notamment par l'utilisation de carburants maritimes bas carbone. Sur la totalité des quotas du marché carbone ETS, certains quotas sont distribués gratuitement (pour l'industrie lourde notamment) tandis que le reste est mis aux enchères. Les revenus des enchères sont principalement redistribués aux Etats membres selon une clé de répartition prédéfinie (environ 6% pour la France). Les recettes d'enchères pour la France s'élevaient à 1,5 Mdseuros en 2024. Elles devraient être plus faibles en 2025, mais pourraient augmenter les années suivantes avec l'augmentation du volume d'enchères et la hausse du prix du quota, potentiellement autour de 2 à 3 Mdseuros. L'article 10 de la directive ETS dispose que les Etats membres doivent utiliser les recettes du marché carbone ETS, ou l'équivalent en valeur financière pour des dépenses en faveur de la transition écologique. Aujourd'hui, une partie des recettes ETS sont affectées à l'Agence Nationale de l'Habitat (ANAH) pour financer la décarbonation des bâtiments. Cette modalité de réversion existe depuis 2013, le montant ayant évolué pour atteindre 700 Meuros/an depuis 2023. Depuis 2025, 50 Meuros sont fléchés vers les autorités organisatrices de mobilité. Le reste des recettes sont redirigées vers le budget général. Historiquement, les secteurs assujettis au marché carbone ETS (aviation, production d'électricité, industrie lourde) n'ont pas été bénéficiaires directs de ces recettes. Toutefois, le Comité interministériel de la Mer (CIMER) du 26 mai 2025, présidé par le Premier ministre, a décidé qu'une partie des revenus générés par le produit de l'ETS maritime (et des éventuelles pénalités FuelEU Maritime) sera mobilisée pour la décarbonation du secteur maritime, à hauteur des montants collectés au titre de l'année passée, soit 90 millions d'euros pouvant être valorisés pour 2026. Par ailleurs, plusieurs dispositifs nationaux de soutien à la décarbonation du secteur maritime sont déjà disponibles ou en cours de finalisation. Ainsi, dans le cadre du programme France 2030, le Conseil d'Orientation pour la Recherche et l'Innovation des Industriels de la Mer (CORIMER) publie chaque année des appels à manifestation ou appels à projets auxquels les porteurs de projets peuvent candidater. En 2024, treize projets innovants ont été lauréats de l'appel à manifestation et un nouvel appel à projet a été lancé en 2025 visant à accélérer le développement des navires bas carbone en France. Sur la période 2021-2025, 109Meuros ont été consacrés à des projets de décarbonation du transport maritime. Conformément aux conclusions du CIMER 2025, une gouvernance est actuellement à l'étude, associant administrations compétentes, opérateurs de l'Etat et représentants de la filière. Cette gouvernance a vocation à faire des propositions de vecteurs financiers afin de soutenir les besoins prioritaires de la filière, tout en se fondant sur la Feuille de route de décarbonation de la filière maritime, et notamment sur son plan d'action 2024. A l'échelle européenne, le secteur du transport maritime est devenu explicitement bénéficiaire potentiel des appels à projet Fonds Innovation. La Commission s'est engagée à ce que les revenus résultant de la vente de 20 millions de quotas d'ici 2030 (soit environ 1,8 milliard d'euros) y soient dédiés, et a prévu une méthodologie spécifique et une bonification dans l'évaluation des projets maritimes afin de les rendre compétitifs vis-à-vis des autres projets.

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