Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Indépendants) publiée le 03/07/2025

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conséquences qu'aurait la mise en oeuvre des recommandations formulées récemment par la Cour des comptes concernant le dispositif fiscal dit « Pacte Dutreil ».
Dans un rapport publié en juin 2025, la Cour des comptes préconise en effet une réforme substantielle de ce mécanisme, en estimant qu'il coûterait à l'État environ 4 milliards d'euros par an. Ce chiffre, très supérieur aux précédentes évaluations officielles, place le dispositif sous une lumière critique nouvelle.
Pourtant, depuis plus de vingt ans, le Pacte Dutreil permet de faciliter la transmission d'entreprises familiales, en exonérant partiellement les droits de mutation sous conditions de conservation et de gestion. Il constitue un outil majeur de pérennisation des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) familiales, notamment industrielles.
À ce jour, seules 14 à 20 % des entreprises françaises sont transmises dans un cadre familial, contre plus de 60 % en Italie et 50 % en Allemagne. Réduire l'attractivité de ce dispositif pourrait entraîner la cession à des acteurs étrangers, avec pour conséquences la perte d'ancrage territorial, la fragilisation de nos filières locales et un recul de la souveraineté économique.
Il demande si le Gouvernement entend suivre les recommandations de la Cour des comptes, et s'il envisage de réformer le Pacte Dutreil en ce sens, malgré les effets négatifs qu'une telle orientation pourrait avoir sur la réindustrialisation et la transmission du patrimoine entrepreneurial dans les territoires.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie publiée le 05/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Cyril Pellevat. Dans un rapport publié en juin 2025, la Cour des comptes propose une réforme profonde du dispositif Dutreil, qui permet, depuis 2003, de bénéficier d'une exonération des droits de mutation à hauteur de 75 % lors de la transmission d'entreprises familiales, sous réserve d'un engagement de gestion et de conservation des parts ou actions concernées.

La Cour considère aujourd'hui que ce mécanisme coûterait près de 4 milliards d'euros par an, un chiffre très supérieur aux évaluations avancées jusqu'à présent par Bercy, qui l'estimait à 800 millions d'euros. À la lumière de cette appréciation, elle propose de restreindre, voire de plafonner, les avantages fiscaux accordés.

Or ce dispositif est un levier crucial pour pérenniser les entreprises familiales, particulièrement dans l'industrie. En France, seulement 14 % à 20 % des entreprises sont transmises dans un cadre familial, contre plus de 60 % en Italie et 50 % en Allemagne. Supprimer ou fragiliser le pacte Dutreil, ce serait entraver la transmission entre des générations d'entrepreneurs, briser la chaîne qui fait vivre nos territoires et favoriser la vente à de grands groupes ou à des groupes étrangers au détriment de l'ancrage local.

Alors que la réindustrialisation est reconnue comme une priorité nationale, suivre les recommandations de la Cour des comptes reviendrait à faire l'exact inverse de ce que commande l'intérêt économique et territorial du pays.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il suivre l'avis de la Cour des comptes ? Peut-il s'engager à préserver le coeur du pacte Dutreil, pour ne pas compromettre la transmission d'entreprises, l'emploi local et notre souveraineté économique, alors même qu'il a été question lors de récentes discussions budgétaires de le raboter et, en tant que niche fiscale, de le surveiller tout particulièrement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, nous partageons votre attachement au dispositif du pacte Dutreil, en vigueur depuis plus de vingt ans, qui contribue à préserver le tissu des entreprises familiales. Sa longévité témoigne du consensus qui existe sur la nécessité de conserver un tel outil.

La Cour des comptes a mené ces derniers mois une étude méticuleuse, soulignant le coût croissant de cette dépense fiscale. Celui-ci résulte principalement d'une anticipation de son possible resserrement, qui accroît le rythme des transmissions.

Sans le pacte Dutreil, beaucoup de transmissions n'auraient pas eu lieu, ce qui aurait été dommageable tant sur le plan économique que pour nos finances publiques.

Plusieurs propositions visent à limiter la portée de ce pacte, notamment par un plafonnement ou une restriction aux seules très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Mais le Gouvernement estime que ce n'est pas pertinent, la pérennité d'une société ne dépendant ni de sa taille ni de sa valeur. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises sont, en outre, plus exposées aux risques de démantèlement ou de prise de contrôle par des entités étrangères.

Des amendements avaient déjà été adoptés l'an dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances, pour en réduire le périmètre, et ce afin d'éviter que le dispositif ne s'étende à la transmission de biens étrangers à l'activité principale de la société. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées sur ce point et veille à prévenir tout usage abusif de cet avantage fiscal. À cet égard, l'Assemblée nationale a adopté, hier, plusieurs amendements sur ce sujet, qui tendent notamment à exclure des biens personnels de l'assiette ou à introduire une condition d'âge.

Ce sont là des débats légitimes, mais le Gouvernement a à coeur de conforter le dispositif, tout en veillant à corriger les éventuels errements. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances pour 2026.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Dans les territoires, et notamment les départements, comptant de nombreuses entreprises qui ont été transmises et sont le fruit d'un travail, les dernières déclarations ainsi que certains amendements déposés font peur. Nous sommes d'ailleurs régulièrement sollicités à ce sujet sur le terrain.

Je vous remercie par conséquent, monsieur le ministre, pour les éléments de réponse que vous venez d'apporter, lesquels sont de nature à rassurer les entrepreneurs qui seraient justement en train de transmettre leur entreprise ou l'envisageraient. Ceux-ci ont en effet besoin que le système fiscal soit clair et lisible, car l'incertitude crée des tensions, notamment dans nos territoires. Nous serons très attentifs à cette question lors du débat budgétaire.

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