Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 13/11/2025
Question posée en séance publique le 12/11/2025
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Monsieur le ministre délégué chargé de l'Europe, plusieurs de mes collègues se sont adressés à vous au sujet du Mercosur et vous nous avez assurés de votre détermination à défendre les intérêts de nos agriculteurs, notamment lors du prochain Conseil européen. Dont acte.
Nous avons tous entendu néanmoins les propos du Président de la République, qui ne semble pas partager votre pugnacité.
Revenons au fond. Qu'est-ce qui n'a pas changé ? Le texte de l'accord, les risques pour la biodiversité et l'environnement, les risques de déforestation et d'accaparement des terres : rien de cela n'a changé, pas plus que les sombres perspectives pour notre agriculture, confrontée au dumping et devenue monnaie d'échange pour faciliter l'ouverture du Mercosur aux services et à l'industrie, en particulier à l'industrie automobile allemande.
Voilà un an, ici même, le ministre des affaires étrangères nous faisait la promesse que la France obtiendrait une modification du traité ou organiserait, le cas échéant, une minorité de blocage.
Qu'est-ce qui a changé depuis ? Monsieur le ministre, vous évoquez le nouveau mécanisme de sauvegarde, mais ce dernier, à l'inverse de ce que vous dites, est en marge du traité. Il n'engage que les Européens et il est dépourvu de mesures coercitives.
Vous évoquez par ailleurs un mécanisme de rééquilibrage. C'est en réalité un cheval de Troie contre nos normes sociales et environnementales, qui vise à limiter le principe de précaution.
À cela s'ajoute l'isolement de la France. En effet, si la minorité de blocage était envisageable voilà quelques mois encore, la France se trouve bien seule aujourd'hui.
Avec quel autre État membre envisagez-vous donc de vous opposer à ce qui ne nous convient pas ? Vous engagez-vous par ailleurs à respecter le principe de mixité défini en 2018 et à garantir la légitimité démocratique d'un éventuel accord par un vote du Parlement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe publiée le 13/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 12/11/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Marie, je reconnais dans vos propos la teneur des échanges que nous avons eus à plusieurs reprises en commission.
Sans doute vais-je me répéter, mais au moins cela aura-t-il le mérite d'illustrer la constance et la cohérence de la position du Gouvernement.
Depuis le début, la France a affirmé que l'accord tel qu'il avait été négocié par la Commission européenne était inacceptable.
Nous avons donc demandé des évolutions, et nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait : nombre de nos partenaires - la Pologne, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie, les Pays-Bas, la Belgique et d'autres encore - partagent nos préoccupations.
La clause de sauvegarde initialement prévue dans le texte de la Commission étant inopérante, nous avons demandé et obtenu un nouveau mécanisme visant à protéger les filières sensibles contre les déstabilisations en cas d'importations trop massives. En d'autres termes, nous voulons pouvoir bloquer les importations. Nous sommes en train d'examiner cette clause de sauvegarde avec nos partenaires.
Par ailleurs, la Commission ne nous a pas encore fait de propositions suffisamment précises sur une autre demande : nous souhaitons obtenir des mesures miroirs garantissant la réciprocité des normes et des standards par rapport à nos partenaires commerciaux en matière de pesticides et d'alimentation animale, ainsi que des forces de contrôle dans les domaines sanitaire et phytosanitaire.
Cette pratique est courante chez nos partenaires commerciaux ou chez d'autres : ils se rendent directement dans les pays exportateurs pour contrôler le respect effectif des normes qu'ils imposent.
Monsieur le sénateur, vous faisiez référence au mécanisme de rééquilibrage. Oui, les normes européennes doivent être respectées, d'où cette demande de clauses miroirs et de forces de contrôle.
C'est seulement à l'aune d'avancées très claires que la France pourra se prononcer en faveur de cet accord. Nous nous battrons jusqu'au bout, avec nos partenaires européens, pour défendre nos agriculteurs, qu'il s'agisse de la politique agricole commune ou du reste. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
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