Question de Mme CARRÈRE-GÉE Marie-Claire (Paris - Les Républicains) publiée le 13/11/2025

Question posée en séance publique le 12/11/2025

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le rapport d'évaluation de l'inspection générale de la justice (IGJ) sur l'assassinat d'Élias, dans le XIVe arrondissement de Paris, est accablant : carences graves dans l'évaluation des risques présentés par les mineurs violents multirécidivistes, refus permanent de toute mesure coercitive, mesures éducatives indigentes et tardives, souvent non mises en oeuvre, délais légaux de jugement systématiquement méconnus, absence de coordination, dossiers d'évaluation et de personnalité incomplets et, pire que tout, maltraitance des victimes, ignorées, voire accusées dans le débat public de discréditer la justice.

Au-delà de la terrible affaire de l'assassinat d'Élias, ce rapport montre un véritable dysfonctionnement systémique, que l'insuffisance réelle des moyens ne saurait justifier.

Pire, on perçoit de la résignation face à des parcours de mineurs qui s'enfoncent pourtant dans la violence, jusqu'à l'assassinat. Plus personne ne se sent responsable, même lorsque les défaillances s'enchaînent jusqu'à l'irréparable.

Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de diligenter une inspection de l'ensemble du fonctionnement du tribunal pour enfants de Paris, afin d'identifier les carences globales et d'y remédier, mais aussi de rechercher, le cas échéant, d'éventuelles responsabilités individuelles.

Par ailleurs, nous attendons votre grand projet de loi sur la justice. Quelle réforme de la justice des mineurs proposerez-vous ? Dans quelle mesure remettrez-vous en cause la césure, dont le rapport montre à quel point elle est inadaptée à certains parcours de mineurs violents réitérants ?

Que proposerez-vous pour mettre fin à cette situation intolérable, où la victime reste trop souvent un figurant ? De la même façon que les patients ont aujourd'hui des droits face à l'hôpital, les victimes doivent avoir des droits face à la justice. Elles doivent être entendues, informées, suivies. Quant à l'institution, elle doit assumer et expliquer ses décisions.

Monsieur le ministre, ferez-vous de la justice des mineurs et des droits des victimes deux piliers de votre grande réforme de la justice ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2025

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, à la suite du drame absolu qui a touché la famille d'Élias, que j'ai reçue à plusieurs reprises, j'ai ouvert une enquête et demandé à l'inspection générale de la justice d'examiner les dysfonctionnements ayant conduit à cette situation, avant même que ne se tienne le procès des deux personnes responsables de la mort de ce jeune adolescent.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est donc possible !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Non seulement j'ai commandé cette inspection, mais j'ai remis personnellement ses conclusions aux parents d'Élias, que j'ai reçus une nouvelle fois à cette occasion.

J'ai également rendu public le rapport qui est à l'origine de votre question tout à fait légitime sur les dysfonctionnements manifestes et importants de la justice des mineurs.

Si vous me le permettez, madame la sénatrice, je ne peux pas vous laisser dire que l'ensemble de la chaîne judiciaire a dysfonctionné.

Je rappelle que, à la suite des instructions extrêmement fermes que j'ai données dès mon arrivée, les procureurs de la République avaient requis notamment l'enfermement pour ces personnes. Ce n'était pas l'usage précédemment dans les tribunaux pour enfants, compte tenu de l'absence fréquente des procureurs de la République aux audiences. En l'espèce, ces derniers n'avaient pas été suivis par le siège. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée acquiesce.)

Peut-être faudrait-il faire la part des choses et constater que la politique pénale du Gouvernement est suivie.

Madame la sénatrice, vous connaissez les dysfonctionnements de la justice des mineurs. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.) Le Sénat a voté, tout comme l'a fait l'Assemblée nationale, le code de la justice pénale des mineurs et voilà que vous me demandez de le modifier deux ans seulement après son adoption.

Les désaccords survenus en particulier au sein de votre groupe - je me tourne vers M. le rapporteur Szpiner - lors de la discussion de la loi du 23 juin 2025 visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, dite loi Attal, avaient alors débouché, malheureusement, sur des dispositions qui avaient été invalidées par le Conseil constitutionnel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Parce qu'elles n'étaient pas constitutionnelles !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Faut-il revenir sur ce sujet ? La réponse est oui.

Je me suis déjà exprimé, en allant d'ailleurs totalement dans votre sens, me semble-t-il, madame la sénatrice, en faveur de la suppression de l'excuse de minorité, voire de la majorité pénale. Il s'agit là de mesures qui posent des difficultés d'ordre constitutionnel.

C'est aussi, incontestablement, une question de moyens. Il n'est pas acceptable qu'un juge des enfants ait sur son bureau 500 dossiers à traiter. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé le recrutement de cinquante juges des enfants dans les deux prochaines années.

Enfin, je suis prêt à diligenter des inspections ou à mener des études, de concert avec le Parlement, si toutefois ce dernier devait se saisir de ces questions.

Je suis auditionné ce soir même par la commission des lois. J'aurai l'occasion d'y exposer plus en détail la question très importante des dysfonctionnements de la justice des mineurs. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)

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