Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 20/11/2025

Question posée en séance publique le 19/11/2025

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Avant de commencer, je tenais à vous remercier, monsieur le président, de l'hommage que vous avez rendu à Mehdi Kessaci.

« Non, je ne me tairai pas » a dit Amine Kessaci, mon ami. Son frère, Mehdi Kessaci, a été abattu par le crime organisé du narcotrafic. Son frère qui, d'après les mots mêmes d'Amine, n'était coupable que d'être son frère. Il s'agit d'un meurtre d'intimidation, d'un meurtre d'asservissement.

Je veux apporter mon soutien à cet homme et à cette famille dévastée par le narcotrafic. Eux-mêmes n'ont eu de cesse de soutenir et d'accompagner les autres familles de victimes, ces enfants happés, puis enchaînés par le narcotrafic. Cet engagement envers les autres, pour les autres, Mehdi le manifestait également puisqu'il voulait rejoindre les forces de l'ordre.

Ayons aussi une pensée pour toutes ces mamans, ces grands-mères, ces soeurs de victimes.

Au-delà de l'hommage, je souhaite porter le témoignage d'Amine, qui a pris la parole aujourd'hui dans une tribune. L'action judiciaire, policière, financière, diplomatique est nécessaire, mais elle ne suffit pas.

Le volet consacré à la prévention et au soutien social a été oublié dans la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Dès 2024, nous avions insisté sur la nécessité d'une action de prévention destinée à enrayer l'engrenage pour ceux que la tentation ou la contrainte conduit vers cette économie mortifère.

Amine le rappelle : l'État doit prendre la mesure de ce qui se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée. Il est temps d'agir, par exemple, en faisant revenir les services publics dans les quartiers, en luttant contre l'échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d'oeuvre soumise, en dotant les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin et en soutenant réellement les familles de victimes du narcotrafic, y compris pour leur relogement.

« Je dirai [...] les failles de la République, les territoires abandonnés et les populations oblitérées », a affirmé Amine. Il faut le reconnaître, notre pays a laissé prospérer le narcotrafic parce qu'il se déroulait dans des quartiers populaires que personne ne voulait regarder, parce qu'il semait le malheur parmi des citoyens que personne ne daignait écouter, parce que l'on a, trop longtemps, considéré que certaines vies ne comptaient pas. C'est cela qui doit changer aujourd'hui.

Ce n'est pas une question, monsieur le ministre, c'est le relais d'un cri qui retentit, la demande d'une action politique, sanitaire, sociale et scolaire de prévention, d'une stratégie de fond, en quelque sorte, pour ne pas laisser prospérer l'emprise du crime organisé ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP. - Mme Solanges Nadille applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 19/11/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Je m'associe, à mon tour, à l'hommage rendu à Mehdi Kessaci, tragiquement assassiné. Nous avons une pensée pour lui comme pour son frère Amine, qui dénonce les narcotrafics.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous poursuivrons le combat que nous menons depuis maintenant de nombreuses années. Je le redis ici : dès 2015, la coordination renforcée et l'approche globale expérimentée à Marseille ont permis aux services de se décloisonner et de mieux agir.

Depuis 2017, les coups portés au trafic, le renforcement des effectifs, la réforme de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) et les frappes particulièrement dures infligées au narcotrafic produisent, malgré tout, des effets. Il faut le reconnaître : nous obtenons des résultats. Les homicides liés au trafic ont été divisés par deux entre 2023 et 2024 ; ce chiffre mérite d'être rappelé. Le nombre de réseaux démantelés augmente, comme l'illustre encore l'opération menée à la Castellane en avril.

Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, et nous en convenons : il faut faire encore plus et il faut faire mieux. Le Gouvernement partage cette conviction et, en tant que ministre de l'intérieur, je la fais mienne pleinement. C'est ce que nous mettons en oeuvre aussi dans le cadre de la loi qui vient d'être d'adoptée et qui offre des outils nouveaux, extrêmement précieux, aux forces répressives, notamment judiciaires. Nous allons les mobiliser. Je songe, en particulier, aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée au sein des établissements pénitentiaires : vingt-six membres des mafias marseillaises y sont incarcérés.

Enfin, nous allons travailler avec le parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), qui sera instauré au 1er janvier prochain, ainsi qu'avec l'état-major mis en place par Bruno Retailleau, alors ministre d'État, rattaché à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), ce qui permet aux services d'échanger des informations.

Nous allons poursuivre sans relâche cette lutte implacable contre les trafics. Comme l'a rappelé M. le président du Sénat et comme l'a déclaré M. le Premier ministre hier à l'Assemblée nationale, la guerre est engagée, mais elle est loin d'être achevée, même si nous gagnons des batailles. Vous pouvez compter sur la détermination du ministre de l'intérieur que je suis pour poursuivre ce combat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Bernard Fialaire applaudit également.)

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