Question de Mme CARLOTTI Marie-Arlette (Bouches-du-Rhône - SER) publiée le 20/11/2025
Question posée en séance publique le 19/11/2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Un jeune homme de 20 ans a été abattu de plusieurs balles par un commando au coeur de Marseille. Inconnu des services de police, il rêvait de devenir policier. Mais il était le frère d'Amine Kessaci, fondateur de l'association Conscience et militant anti-trafic.
Le procureur n'exclut pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement, d'un crime par substitution. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère : pour atteindre Amine, on tue son frère, Mehdi.
Tous s'accordent à dire qu'un cap a été franchi. En réalité, cela fait très longtemps que le cap est franchi ! Des quartiers entiers sont placés sous la coupe réglée des narcotrafiquants, leurs habitants sont pris en otage, dans la peur d'une balle perdue, et c'est toute une jeunesse qui est sans perspective, désoeuvrée, sans avenir.
Ce phénomène ne concerne pas seulement les quartiers populaires. Le narcotrafic empoisonne toutes les communes de France : huit sur dix sont touchées par la drogue. Tous les maires présents dans nos tribunes en cette semaine du congrès des maires pourraient témoigner de ce qui se passe sur leur propre territoire. Tous ont besoin d'être épaulés par l'État pour ne pas se retrouver seuls face à la pègre qui les menace.
Certes, après chaque drame, l'État réagit, mais on passe ensuite à autre chose.
Monsieur le ministre, que sont devenues vos opérations « place nette XXL » ? Vous le savez, vous n'avez pas fait place nette... Le pire, c'est que les habitants le savaient !
Je sais que le combat est de longue haleine et que la loi que nous avons votée unanimement ici portera ses fruits.
Mais la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic est bancale. Il lui manque une suite, pour traiter de la prévention, de l'aide aux familles des victimes ou encore de la prise en charge des mineurs non accompagnés, comme le montre l'agression de cet enfant de 12 ans à Grenoble.
Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale contient une série de propositions. Pouvez-vous nous dire quelles mesures concrètes le Gouvernement peut prendre, en urgence et dans la durée, pour compléter cette loi sur le narcotrafic par un véritable dispositif d'accompagnement et de protection des victimes ?
Quelles garanties pouvez-vous apporter aux victimes, aux familles et aux élus qui, aujourd'hui, sont exposés à des actes de violence ou d'intimidation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 19/11/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, au-delà du drame que nous avons vécu, qui constitue un point de rupture en ce qu'il s'agit, comme vous l'avez dit, d'un meurtre d'intimidation - je reste prudent, car une enquête est en cours -, je ne peux pas vous laisser dire que nous ne réagissons que dans l'urgence sur les sujets du trafic de stupéfiants. (Exclamations sur des travées du groupe CRCE-K.) Vous le savez !
C'est à Marseille, en 2015, sous le quinquennat de François Hollande, qu'a été lancé le décloisonnement entre services. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous souvenez-vous du film BAC Nord ? L'intrigue se déroule en 2011-2012, lorsque les services se marchaient sur les pieds, qu'il n'y avait pas de coordination... C'est à cette époque qu'un nouveau fonctionnement a été inauguré. Puis chaque gouvernement n'a eu de cesse d'apporter sa pierre à l'édifice.
Concernant les opérations « place nette » dont vous parlez, souvenez-vous : à l'époque, le b.a.-ba était de démanteler un réseau en profondeur ; ensuite, nous occupions l'espace, avec une présence sur la voie publique pour éviter que le réseau ne se réimplante. C'est ce qui a été fait systématiquement, chaque année, méthodiquement, ville après ville, secteur après secteur, en particulier à Marseille.
Cette politique continue. La loi sur le narcotrafic n'est sans doute pas parfaite, mais elle apporte des outils indispensables aux forces de sécurité ainsi, évidemment, qu'à l'institution judiciaire, avec des techniques de renseignement, des moyens d'investigation, la possibilité de geler des avoirs... Ces outils sont extrêmement précieux pour les forces de l'ordre.
Je rappelle que nous avions même souhaité pouvoir accéder aux communications cryptées. (Bravo ! et applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Cette possibilité nous aurait sans doute été très utile. J'espère que la question se reposera un jour. Je parlerai avec le Premier ministre de ce sujet, qui me tient à coeur.
Nous allons évidemment continuer. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un état-major a été créé au plan national. Tous les services échangent de l'information. Nous n'avons de cesse de mener des batailles, de mener des guerres.
J'ai bien entendu votre message. Je tenais à rappeler le volet répressif de notre action, car c'est mon rôle, en tant que ministre de l'intérieur, mais ce volet s'est toujours accompagné d'une politique sociale, afin notamment de prévenir la délinquance.
J'ai trouvé dans mes cartons, en arrivant au ministère de l'intérieur, la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui va bientôt voir le jour et qui comporte des mesures répondant, me semble-t-il, à vos préoccupations. J'y souscris, et le Gouvernement les soutient totalement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Page mise à jour le