2. Recenser les difficultés soulevées par le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le texte adopté par l'Assemblée nationale soulève des difficultés sérieuses que le législateur doit encore résoudre avant de statuer définitivement :
- la proposition initiale de M. Mattei prévoyait que « nul n'est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance ». Lors du débat, le Gouvernement a fait observer qu'un tel principe risquait d'interdire les actions, aujourd'hui admises, d'enfants nés de viols ou d'inceste. L'amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale, a donc prévu que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ». Il a alors été observé qu'une telle rédaction ne remettait probablement pas en cause l'arrêt Perruche dès lors que le préjudice invoqué n'était pas le seul fait de la naissance. Le texte finalement adopté à la suite du vote d'un sous-amendement dispose que « nul, fût-il handicapé, ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ».
Il n'est pas certain que l'incise ajoutée in extremis au principe posé réponde entièrement aux objections soulevées et interdise aux tribunaux d'accueillir l'action de l'enfant né handicapé.
- Le troisième alinéa du texte proposé soulève également des difficultés :
* il exige une faute lourde pour que la responsabilité d'un médecin puisse entraîner le versement d'une indemnité destinée à la personne née handicapée sans que le handicap ait été décelé pendant la grossesse ; la notion de faute lourde, longtemps exigée par le juge administratif en matière de responsabilité médicale, a été abandonnée ; le juge judiciaire ne l'a jamais utilisée ;
* il ne fait pas référence aux conditions de l'interruption de grossesse ; or, le droit éventuel de demander une indemnité destinée à l'enfant a pour seul fondement le fait que la mère a été privée, du fait de la faute, de la possibilité d'interrompre sa grossesse. Si une telle possibilité n'existait pas, il est difficile de savoir sur quel fondement reposerait l'action ;
* surtout, il ne répond pas aux préoccupations de la Cour de cassation, qui avait accordé réparation à l'enfant lui-même pour éviter que l'indemnité soit soumise aux aléas de la vie des parents . Le texte précise que l'indemnité est accordée aux parents, mais destinée à l'enfant. Une telle rédaction ne peut suffire à garantir que l'indemnité sera utilisée dans l'intérêt de l'enfant, en particulier en cas de décès des parents.