Section 2- Les services mandataires judiciaires à la protection des majeurs
Article 10 (art. L. 312-1, L. 312-5 et L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles) - Insertion des services tutélaires dans la catégorie des établissements et services sociaux et médico-sociaux
Objet : Cet article vise à insérer les services tutélaires dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux figurant à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, leur conférant ainsi un véritable statut juridique.
I - Le texte proposé
Les services tutélaires recouvrent des réalités différentes et n'ont donc pas de statut unifié. Le présent article vise à leur conférer un statut commun en leur reconnaissant la qualité juridique d'établissement ou service social et médico-social telle qu'elle est définie par l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Dans sa version actuelle, cet article recense treize catégories d'établissements et services ayant cette même qualité, soit environ 32 000 structures de nature très diverse qui accueillent des personnes âgées ou handicapées, des jeunes ou des familles en difficultés sociales, ainsi que des personnes relevant du réseau de l'hébergement d'urgence.
Le paragraphe I du présent article ajoute deux nouvelles catégories à cette liste :
- les services mandataires judiciaires à la protection des majeurs mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial délivré dans le cadre d'une sauvegarde de justice, d'une curatelle, d'une tutelle ou d'une mesure d'accompagnement judiciaire (quatorzième catégorie) ;
- les services chargés de mettre en oeuvre les mesures de tutelle sur les prestations familiales ou sociales des enfants mineurs, selon les termes respectifs des articles L. 755-4 et L. 552-6 du code de la sécurité sociale (quinzième catégorie).
Globalement, sous réserve de certaines dispositions qui leur seront spécifiques, il en résulte pour ces services de nombreux droits et obligations identiques, en matière de financement, de tarification, de coopération et de coordination entre établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'en matière de procédures d'autorisation, de contrôle administratif et d'évaluation de la qualité de service.
Le paragraphe II prévoit ainsi que leur création et leur extension devront s'inscrire dans les schémas régionaux d'organisation sociale et médico-sociale. Il en est de même des personnes physiques agréées exerçant à titre individuel la profession de mandataires judiciaires à la protection des majeurs (article L. 462-1 inséré par l'article 9 du projet de loi) ou de celles désignées par un établissement hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés (article L. 462-5 inséré par l'article 14 du projet de loi).
Depuis la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, il existe trois niveaux de schémas d'organisation sociale et médico-sociale :
- le niveau départemental, pour la plupart des catégories d'établissements ou de services ;
- le niveau régional, qui regroupe les informations relatives aux schémas départementaux, pour les seuls établissements ou services relevant de la compétence de l'Etat ;
- le niveau national pour les établissements et services dont l'existence est rare étant donné leur objet et dont la répartition doit être envisagée au-delà du département ou de la région.
Certaines catégories d'établissements relèvent également d'un schéma régional spécifique. Tel sera le cas pour les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (service et personnes physiques), ce qui semble être pertinent compte tenu de leur faible nombre et du caractère particulier de leur activité.
Le paragraphe III précise les modalités d'autorisation, de création ou d'extension des services tutélaires. En leur qualité d'établissement ou service social et médico-social, on pourrait penser qu'ils sont soumis à la même procédure d'autorisation que les autres services ou établissements recensés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.
En réalité, celle-ci varie en fonction du champ d'intervention des établissements ou services considérés. En effet, selon les cas, l'autorisation peut être délivrée par le préfet, par le président du conseil général ou conjointement par ces deux autorités.
Les services tutélaires relevant de la quatorzième catégorie seront soumis à une procédure particulière prévoyant que le préfet de région ne délivre l'autorisation qu'après avis conforme du procureur de la République, tandis que ceux relevant de la quinzième catégorie sont dispensés de cet avis.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Outre un amendement rédactionnel et un amendement visant à corriger une erreur de référence, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination, précisant que l'avis conforme du procureur de la République est également requis pour les services tutélaires relevant de la quinzième catégorie.
III - La position de votre commission
La reconnaissance de la qualité de service social et médico-social aux services tutélaires chargés de mettre en oeuvre les mesures de protection judiciaire en faveur des personnes majeures et des enfants mineurs a le mérite premier de donner statutairement une dimension sociale à ces services, soulignant ainsi leur rôle d'accompagnement vers l'autonomie.
Ce nouveau statut constitue une réelle garantie pour les usagers, car il soumet les services tutélaires, au même titre que les services sociaux et médico-sociaux, à un encadrement et un contrôle bien plus rigoureux de leur fonctionnement et de leurs activités par les services de l'Etat.
Enfin, leur création (ou leur extension) devant s'inscrire dans le cadre des objectifs et besoins fixés par les schémas régionaux d'organisation sociale et médico-sociale, cela devrait permettre d'améliorer la régulation de l'offre de services.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 11 (art. L. 314-1, L. 314-4 et L. 315-5 du code de l'action sociale et des familles) - Compétences en matière de tarification des services mandataires à la protection des majeurs
Objet : Cet article désigne l'autorité compétente pour fixer la tarification des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des services délégués aux prestations familiales. Il opère en outre au sein du code de l'action sociale et des familles les coordinations rendues nécessaires par la modification de la nomenclature des services sociaux et médico-sociaux.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I de cet article confie au préfet du département le soin de fixer la tarification, d'une part, des prestations fournies par les services mandataires judiciaires à la protection des majeurs, d'autre part, de celles fournies par les services mandataires délégués aux prestations familiales, c'est-à-dire chargés d'une mesure de tutelle à ces prestations.
Sont exclues de ce dispositif les prestations fournies par les services ayant la qualité soit d'établissements de soins dispensant des soins psychiatriques, soit d'établissements hébergeant des personnes âgées ou des personnes handicapées, soit d'établissements dispensant des soins de longue durée. Les prestations fournies par ces structures sont en effet financées par leur dotation annuelle de financement de droit commun.
Le paragraphe II modifie l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles afin d'inclure les services mandataires à la protection des majeurs dans la liste des structures dont le montant limitatif annuel des dépenses est inscrit dans les lois de finances.
Le paragraphe III modifie les articles L. 314-4 et L. 314-5 du code afin de substituer la notion de « dépenses à la charge de l'Etat » à celle de « dépenses imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat », qui ne couvre pas la protection judiciaire des majeurs.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté à cet article, outre deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination, deux amendements prévoyant que le préfet fixera la tarification après avis des principaux organismes financeurs.
III - La position de votre commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 12 (art. L. 361-1 à L. 361-3 du code de l'action sociale et des familles) - Financement de la protection judiciaire des majeurs
Objet : Cet article fixe la répartition des compétences en matière de financement des services tutélaires et prévoit la fixation des modalités d'application de ce dispositif par un décret en Conseil d'Etat.
I - Le dispositif proposé
L'article 12 insère dans le livre III du code de l'action sociale et des familles un titre VI consacré au financement des mesures de protection judiciaire des majeurs et composé de trois articles.
L' article L. 361-1 fixe les modalités du financement des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs mentionnés au 14° du I de l'article L. 312-1 du même code : il s'agit des services chargés de gérer les mesures judiciaires de protection des majeurs (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mesure d'accompagnement judiciaire).
Son paragraphe I régit le financement de ces services à l'exception de ceux gérés par des établissements de santé ou des établissements sociaux et médico-sociaux : ces derniers font l'objet de dispositions spécifiques détaillées aux paragraphes III et IV du même article.
Deux hypothèses sont envisagées :
- le financement des mesures de protection juridique - sauvegarde de justice, curatelle et tutelle - incombe à l'Etat sauf si le bénéficiaire perçoit une prestation sociale. Dans ce cas, le financement incombe à l'organisme qui verse ladite prestation. Si le bénéficiaire perçoit plusieurs prestations, cette charge incombe à l'organisme versant la prestation dont le montant est le plus élevé ;
- le financement des mesures d'assistance judiciaire incombe à la collectivité publique débitrice ou à l'organisme qui verse la prestation soumise à la mesure : il s'agira donc du département lorsque la personne protégée reçoit une prestation relevant de la compétence de ce dernier (RMI, allocation personnalisée d'autonomie ou prestation de compensation du handicap). Dans tous les autres cas, il s'agira de l'organisme de protection sociale liquidant la prestation dont la personne protégée reçoit éventuellement une prestation. En cas de prestations multiples, la prestation la plus importante détermine la personne à qui incombe le financement de la mesure.
Le paragraphe II de cet article prévoit que le financement des mesures de protection judiciaire prennent la forme d'une dotation globale (DGF) calculée après déduction des prélèvements effectués sur les ressources de la personne protégée conformément à l'article L. 461-4 du code de l'action sociale et des familles.
Le projet de loi généralise en effet à l'ensemble des mesures de protection le principe de la participation à leur financement des majeurs dont les ressources personnelles le permettent . Les financements publics, qu'ils émanent de l'Etat, des départements ou des organismes de sécurité sociale, revêtent ainsi dans l'ensemble un caractère subsidiaire.
En réalité, le texte entérine une expérimentation lancée en 2004 dans dix départements, étendue en 2005 à six nouveaux départements, puis à onze autres en 2006. Son objectif était d'apprécier la pertinence et la faisabilité du passage d'un système de financement public indexé sur le nombre de mesures, appelé « mois mesure », à un financement public des services tutélaires par dotation globale calculée en fonction d'indicateurs d'activité et de qualité de service rendu. Les DGF ont été versées aux services expérimentateurs respectivement par l'Etat et par l'organisme débiteur principal des prestations sociales.
L'expérimentation a permis de constater l'intérêt de ce mode de financement qui permet, grâce à la mise en place d'indicateurs, de faire correspondre les ressources à l'activité du service. En revanche, le système « mois mesure », en attribuant des compensations financières aux mandataires judiciaires en fonction du nombre de mesures gérées, incite à privilégier la quantité par rapport à la qualité. La détermination des indicateurs est cruciale pour l'efficacité du mécanisme de la DGF. A l'issue des deux premières années d'expérimentation, il a été jugé nécessaire d'expertiser de nouveaux indicateurs et de fiabiliser ceux déjà mis en place, la collecte de l'information s'étant révélée difficile.
Le paragraphe III de cet article régit le financement des mêmes services mandataires judiciaires quand ils sont gérés par des centres hospitaliers, des établissements de santé privés à but non lucratif admis à participer au service public hospitalier ou des établissements de santé privés à but non lucratif ayant opté pour la dotation globale de financement. Déduction faite, à nouveau, des prélèvements effectués sur les ressources de la personne protégée, ces services sont financés par la dotation annuelle de financement versée à ces établissements pour l'ensemble de leur activité.
Le paragraphe IV aborde le cas des mêmes services mandataires judiciaires quand il s'agit de services gérés par des établissements d'hébergement de personnes âgées ou de personnes handicapées, ou par des établissements dispensant des soins de longue durée : ces services sont financés sur le budget général de l'établissement, les charges et les recettes résultant de l'activité tutélaire étant inscrits à l'état des prévisions de recettes et de dépenses de l'établissement gestionnaire.
L' article L. 361-2 fixe les modalités du financement des mandataires judiciaires délégués aux prestations familiales. Le financement, qui prend la forme d'une dotation globale, incombe à l'organisme versant la prestation placée sous tutelle, le plus souvent la caisse d'allocations familiales.
L' article L. 361-3 , enfin, renvoie les mesures d'application des deux articles précédents à un décret en Conseil d'Etat.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements précisant que la dotation globale versée aux services mandataires judiciaires à la protection des majeurs et aux services mandataires sera fixée à partir d'indicateurs déterminés à raison notamment de la charge de travail liée à l'exécution des mesures judiciaires en cause et de l'état des personnes bénéficiaires.
III - La position de votre commission
Votre commission est favorable au passage à un financement par dotation globale des services tutélaires. Elle était déjà convaincue du bien-fondé de ce mode de financement, lorsqu'elle avait donné son accord à l'expérimentation prévue par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Les résultats de cette expérimentation lui ont donné raison.
Elle approuve également le choix, fait par le Gouvernement, d'organiser la répartition des financements en fonction de l'organisme débiteur de la prestation sociale la plus élevée. Elle constate toutefois que cette clé de répartition comporte plusieurs exceptions, plus ou moins justifiées :
- la prise en charge par l'Etat des frais de tutelle, curatelle et sauvegarde de justice des titulaires du RMI, de l'Apa et de la PCH, en lieu et place des départements, constitue la contrepartie de la création de la mesure d'accompagnement personnalisé, mise à la charge des conseils généraux. Votre commission ne peut que prendre acte de l'accord intervenu en la matière entre le Gouvernement et les présidents de conseils généraux ;
- la prise en charge par les caisses d'allocations familiales des frais de mesures d'accompagnement judiciaire qui concernent les titulaires de l'AAH et de l'API ne répond, en revanche, à aucune autre considération que celle de faire faire des économies au budget de l'Etat. Il est vrai cependant que les Caf prenaient déjà en charge ces frais sous le régime de la tutelle aux prestations sociales. Votre commission regrette malgré tout que le présent projet de loi n'ait pas été l'occasion de mettre fin à ce transfert de charge indu vers la branche famille.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu que les indicateurs permettant le calcul de la DGF seraient « déterminés à raison notamment de la charge de travail liée à l'exécution des mesures judiciaires en cause et de l'état des personnes bénéficiaires ». L'idée de tenir compte de la charge de travail pour le calcul de la dotation globale est parfaitement justifiée et se trouve d'ailleurs amplement prise en compte dans la définition des critères utilisés dans le cadre de l'expérimentation en cours. Chaque mesure est en effet cotée en fonction de la lourdeur de la prise en charge correspondante. En revanche, le critère relatif à l'état des personnes n'a pas fait l'objet d'une expérimentation de terrain et son applicabilité pratique est trop hypothétique pour qu'il soit envisageable de l'introduire dans la loi. Votre commission observe en outre que ce critère n'est, en tout état de cause, susceptible de constituer un critère légitime de fixation de la DGF qu'en raison de la charge de travail supplémentaire que l'état des personnes bénéficiaires pourrait éventuellement représenter pour le mandataire judiciaire, pour autant qu'il soit possible d'établir une corrélation objective entre l'un et l'autre. Votre commission estime donc nécessaire de supprimer la référence à l'état des personnes bénéficiaires.
Votre commission vous propose en outre d'adopter à cet article un amendement de coordination avec l'amendement qu'elle propose à l'article 5 afin de supprimer la faculté de désigner comme mandataire judiciaire un préposé dans les établissements ou services sociaux et médico-sociaux accueillant ou accompagnant des personnes âgées ou handicapées.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .
Article 13 (art. L. 311-3, L. 311-4 et L. 311-10 (nouveau) du code de l'action sociale et des familles) - Dispositions de coordination en matière de droits des usagers
Objet : Cet article adapte les dispositions relatives aux droits des usagers s'appliquant aux établissements et services sociaux et médico-sociaux aux services tutélaires.
I - Le texte proposé
Le présent article modifie les articles L. 311-3 et L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles relatifs aux droits des usagers des établissements ou services sociaux et médico-sociaux, afin de tenir compte des spécificités des services de protection judiciaire, auxquels doivent désormais s'appliquer également ces droits du fait de leur nouveau statut.
Son paragraphe I aménage le principe de libre choix des prestations garanti par l'article L. 311-3, pour tenir compte du pouvoir d'appréciation et de décision du juge des tutelles à l'égard des majeurs protégés. Cette réserve est déjà prise en compte pour les mineurs en danger : elle est donc étendue aux nécessités liées à la protection des majeurs protégés.
Le paragraphe II adapte la rédaction de l'article L. 311-4 du même code afin qu'il puisse également s'appliquer aux services tutélaires. Il s'agit des obligations mentionnées à l'article 9 du projet de loi concernant l'établissement d'un contrat de séjour et d'un document individuel de prise en charge lors de l'accueil dans un établissement ou un service social et médico-social.
Enfin, le paragraphe III insère un nouvel article L. 311-10 qui renvoie aux articles L. 461-5 à L. 461-7 créés par l'article 9 du projet de loi, pour connaître les modalités particulières d'application aux majeurs protégés des droits et libertés définis par les articles L. 311-1 à L. 311-9 du même code.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à corriger une erreur de référence.
III - La position de votre commission
Si la reconnaissance de la qualité de service social et médico-social aux services tutélaires constitue un indéniable progrès pour les personnes protégées, qui jouiront de fait des mêmes droits que les usagers des services ayant le même statut, il semble pourtant indispensable d'adapter ces dispositions générales aux spécificités de la situation des personnes majeures bénéficiaires de mesures de protection judiciaire.
Votre commission est très attachée à la reconnaissance et au respect de ces droits et libertés, surtout lorsque la personne concernée n'est plus en mesure d'en apprécier toute la portée. Par ses qualités propres (moralité, professionnalisme), le mandataire doit en effet être en mesure de les garantir et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires à leur respect.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.