Avis n° 315 (2013-2014) de M. Jean-Marc TODESCHINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 janvier 2014

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N° 315

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 janvier 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , visant à reconquérir l' économie réelle ,

Par M. Jean-Marc TODESCHINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1037 , 1270 , 1283 et T.A. 214

Sénat :

7 , 314 , 316 , 328 et 329 (2013-2014)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La proposition de loi (PPL) visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel 1 ( * ) a été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale, le 15 mai 2013, par Bruno Le Roux, François Brottes et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen ainsi que par plusieurs députés du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Elle a été examinée par l'Assemblée nationale, d'abord par la commission des affaires économiques le 17 juillet 2013, puis en séance publique le 18 septembre 2013.

Dans la version transmise au Sénat, elle comprend 13 articles répartis en quatre titres :

- Titre I er : Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement ;

- Titre II : Mesure en faveur de la reprise d'activité par les salariés ;

- Titre III : Mesures en faveur de l'actionnariat de long terme ;

- Titre IV : Mesures en faveur du maintien des activités industrielles sur les sites qu'elles occupent.

La commission des finances, lors de sa réunion du 16 octobre 2013, a décidé de se saisir pour avis de la présente PPL, s'agissant en particulier du Titre III qui porte principalement sur les règles applicables en cas d'offres publiques d'acquisition (OPA) .

I. LA REPRISE DES SITES RENTABLES : LA TRADUCTION D'UN ENGAGEMENT DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Le titre I er est le plus emblématique de la présente proposition de loi. Il vise à éviter la fermeture de sites rentables au détriment de l'emploi et de l'activité économique.

Il reprend, pour partie, des dispositions de la proposition de loi, déposée, le 28 février 2012, par François Hollande et Jean-Marc Ayrault , alors députés, tendant à garantir la poursuite de l'activité des établissements viables notamment lorsqu'ils sont laissés à l'abandon par leur exploitant .

L'engagement n° 35 du candidat François Hollande indiquait également que « pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, nous donnerons aux ouvriers et aux employés qui en sont victimes la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise ».

L'exposé des motifs de la présente PPL rappelle un constat alarmant : « l'industrie française a perdu 2 millions d'emplois en trente ans, dont 750 000 sur les dix dernières années. Depuis 2009, ce sont plus de 1 000 usines qui ont fermé leurs portes, pour seulement 700 ouvertures. Nous sommes parmi les pays d'Europe ayant connu le plus fort mouvement de désindustrialisation ».

Il souligne également que « sous la pression des marchés, certains en sont venus à adopter la politique de la terre brûlée : mieux vaut payer le prix d'un plan social que de ?s'encombrer? avec un site dont les performances économiques, bien que positives, font tâche dans le bilan présenté à l'assemblée générale des actionnaires . Pourtant, dans de nombreux cas, d'autres entreprises seraient prêtes à reprendre le flambeau et à garantir la pérennité des emplois locaux ». Il en résulte des situations particulièrement préjudiciables à l'emploi et, parfois même, à tout un bassin d'emplois .

L'article 1 er de la présente PPL vise à lutter contre ce fléau. Il s'articule autour d'un volet préventif et d'un volet contraignant.

Le volet préventif consiste à informer les salariés lorsqu'un employeur envisage la fermeture d'un établissement et à leur en indiquer les raisons. L'employeur est tenu de s'engager à rechercher un repreneur, y compris parmi les salariés de l'établissement.

À cette fin, il doit informer tout repreneur potentiel, examiner les offres de reprise qu'il reçoit et leur apporter une réponse motivée. En parallèle, le comité d'entreprise est informé des offres de reprise et peut formuler des propositions sur celle-ci.

L'employeur doit justifier devant le comité d'entreprise les raisons pour lesquelles il a choisi de retenir ou bien de refuser une offre.

C'est à ce stade que le comité d'entreprise peut enclencher le volet contraignant. S'il estime que l'employeur n'a pas respecté ses obligations, en particulier en cas de refus de donner suite à une offre qu'il considère comme sérieuse, il peut saisir le tribunal de commerce.

Si le tribunal constate effectivement que l'employeur n'a pas rempli ses obligations, il peut « imposer le versement d'une pénalité , qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l'établissement , dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l'entreprise et des efforts engagés pour la recherche d'un repreneur. [...]

« Le tribunal de commerce peut enjoindre à l'entreprise de rembourser tout ou partie des aides financières publiques en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant le jugement ».

La pénalité versée par l'entreprise est affectée à la Banque publique d'investissement pour financer des projets créateurs d'activité et d'emplois sur le territoire où est situé l'établissement ou de promotion des filières industrielles.

Dans la proposition de loi déposée en février 2012, il était prévu que le tribunal de commerce puisse forcer l'entreprise à céder l'établissement à un repreneur. Il est apparu que cette disposition pourrait être déclarée contraire à la Constitution et, en particulier, à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur le droit de propriété 2 ( * ) . Par ailleurs, elle pourrait aussi être contraire aux traités européens qui consacrent la liberté d'établissement.

C'est pourquoi la présente PPL repose sur un schéma différent. Le poids des pénalités doit conduire l'employeur à préférer la cession à la fermeture pure et simple .

La phase judiciaire n'est qu'un ultime recours évidemment indispensable pour les entreprises mettant en oeuvre les stratégies les plus délétères .

Dans les autres cas, l'essentiel de la proposition de loi tient à la création d'une phase préventive visant à associer étroitement employeur, salariés et pouvoirs publics, de sorte qu'un dialogue social puisse être maintenu en permanence sur le devenir de l'établissement .

Ce premier volet de la proposition de loi est donc un complément indispensable à la politique en faveur de l'industrie mise en oeuvre par le Gouvernement depuis son arrivée aux responsabilités.

II. « FAVORISER L'ACTIONNARIAT DE LONG TERME » POUR ASSURER LA CROISSANCE DES ENTREPRISES FRANÇAISES

Le titre III de la présent PPL s'intitule « Favoriser l'actionnariat de long terme ». Il vise à parer les conséquences économiques les plus négatives pouvant résulter d'un mode de gestion trop court-termiste. Il s'agit en particulier de limiter le poids des actionnaires purement « financiers » dont les intérêts sont bien souvent peu compatibles avec le développement d'une entreprise .

A. L'OPA : UN DES MODES DE DÉVELOPPEMENT D'UNE ENTREPRISE

Le volet dit « OPA » de la présente PPL a été abondamment commenté par les praticiens et la doctrine avant même son adoption définitive, signe qu'il intéresse de près la vie des entreprises françaises. Votre rapporteur a lui-même conduit plusieurs auditions au cours desquelles des inquiétudes ont été exprimées quant aux objectifs et aux modalités poursuivies par les dispositions du titre III.

Il faut donc ici rappeler que les OPA constituent un mode de développement des entreprises . La croissance dite « externe » permet de conquérir de nouveaux marchés, d'acquérir des innovations (brevets, technologies, etc.), de diversifier un modèle économique, etc.

Une OPA peut d'ailleurs constituer un « mode de régulation » du marché puisqu'elle peut venir sanctionner la mauvaise stratégie mise en oeuvre par les dirigeants d'une entreprise . Lorsqu'elle est hostile, elle donne l'occasion d'un débat contradictoire sur les opportunités de développement de la société visée.

Sous l'impulsion du législateur et du régulateur, l'OPA est devenue un processus ordonné, transparent et contrôlé , qui permet de mettre tous les actionnaires d'une société cible sur un pied d'égalité. En outre, les règles développées depuis maintenant plus de trente ans visent à éviter tout « contrôle rampant » de la part d'un actionnaire, par exemple en obligeant un actionnaire à déclencher une OPA lorsqu'il vient à détenir une part importante du capital ou des droits de vote d'une société. Les articles 4 bis et 4 ter de la présente PPL viennent renforcer cette exigence.

Une OPA, amicale ou hostile, ne peut donc être qualifiée d'intrinsèquement bonne ou mauvaise. Chaque cas d'espèce mériterait une analyse approfondie pour se prononcer. Néanmoins, elle emporte des conséquences auxquelles les pouvoirs publics doivent rester vigilants, qu'il s'agisse de l'emploi ou, plus généralement, du maintien de l'activité économique sur le territoire national .

Ces deux préoccupations justifient les mesures prises dans la présente PPL.

B. DES EFFETS PERTURBATEURS SUR L'EMPLOI

Une OPA s'adresse d'abord aux actionnaires de la société visée. Néanmoins, qu'elle soit amicale ou hostile, elle reste un moment de profonde incertitude, d'insécurité, pour les salariés de ladite société, surtout si elle a vocation à être suivie d'une fusion .

Les études économiques relatives aux effets des OPA sur l'emploi sont encore lacunaires et demandent à être interprétées prudemment.

En 2012, un groupe de juristes et d'économistes a remis à la Commission européenne un rapport d'évaluation 3 ( * ) de la directive OPA de 2004. Les auteurs montrent que les OPA ont conduit à une destruction nette d'emplois en Europe sur la période 2002-2010 .

Mais ils soulignent immédiatement que les données disponibles sont très partielles puisque ce résultat ne repose que sur des données publiquement disponibles. En outre, en excluant l'année 2007, qui est atypique, les auteurs constatent que les OPA ont certes conduit à une destruction nette d'emplois, mais à niveau très inférieur aux « restructurations internes ». Sur la période, pour un total d'environ 1,8 million destructions d'emplois, 110 000 étaient liées à des fusions et acquisitions .

Les auteurs relèvent également que les données disponibles ne permettent pas de mesurer les effets à moyen terme sur l'emploi .

Au total, ils indiquent que les coûts sociaux peuvent effectivement être importants, sachant qu'ils peuvent peser plus lourdement sur la puissance publique que sur l'entreprise (socialisation des pertes et privatisation des bénéfices).

Il serait hâtif de conclure que toute OPA se traduit par des licenciements économiques. Néanmoins, leurs effets à court terme peuvent se révéler perturbateurs pour l'emploi dans l'entreprise . À cet égard, le simple dépôt d'une offre, a fortiori hostile, est de nature à créer une inquiétude pour les salariés et les partenaires sociaux mais également les pouvoirs publics.

Dès lors, il n'apparaît pas injustifié que les salariés obtiennent un « droit de regard » préventif sur une offre qui les concerne au moins aussi directement que les actionnaires de l'entreprise . C'est ce que propose l'article 6 de la présente PPL qui introduit une procédure d'information-consultation du comité d'entreprise. De même, l'article 7 offre aux sociétés la possibilité de se constituer un actionnariat salarié significatif, de nature à l'aider à se prémunir contre toute OPA hostile.

C. UN ENJEU DE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE

Parmi les 500 plus grandes entreprises au monde, en termes de chiffre d'affaires, 31 seraient françaises 4 ( * ) , dont deux parmi les vingt premières. C'est évidemment une chance pour l'économie française qu'il convient de préserver.

En 2007, notre ancien collègue Christian Gaudin, rapporteur de la mission commune d'information sur la localisation des centres de décision, écrivait : « il ne fait pas de doute que le lien de nationalité qui attache une entreprise à un pays, malgré tous les facteurs contemporains tendant à relativiser ce lien, influence, à des degrés variables selon les cas, les choix de cette entreprise » 5 ( * ) .

C'est pourquoi, dans une compétition mondialisée, la France doit à la fois démontrer sa capacité à attirer les investissements internationaux mais également veiller à ce que des appétits « vautours » ne viennent pas dépecer le tissu productif national.

Un subtil équilibre doit donc être trouvé d'autant que, comme le rappelle notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, des pays comme les Etats-Unis ou la Chine ont mis en oeuvre des mesures de protection de leurs industries.

Ainsi, la mise en place de droits de vote double pour les actionnaires qui restent au minimum deux ans au capital d'une entreprise (article 5 de la PPL) ou la suppression du principe de neutralité des organes dirigeants lors d'une OPA (article 8 de la PPL) participent de cet équilibre délicat en faveur du maintien de l'industrie en France.

EXAMEN DES ARTICLES

Éléments sur le droit des offres publiques d'acquisition (OPA)

I. L'OFFRE PUBLIQUE, UNE PROTECTION OFFERTE AUX ACTIONNAIRES MINORITAIRES

Les offres publiques d'acquisition (OPA) ont pour objet de permettre à un initiateur (ou offreur) de prendre le contrôle d'une société cible en proposant à l'ensemble de ses actionnaires de racheter leurs actions dans des conditions identiques - en particulier s'agissant du prix offert - à chacun d'entre eux.

L'OPA peut être considérée par la société cible comme hostile ou bien être convenue d'avance avec l'offreur et elle est alors dite amicale. Une offre initialement non sollicitée, et donc a priori hostile, peut néanmoins se transformer en OPA amicale si les deux entreprises conviennent de l'opportunité d'un rapprochement.

La régulation des OPA apparaît nécessaire en vue d'assurer l'égalité de traitement des actionnaires . Elle peut s'analyser comme une défense légale offerte aux actionnaires minoritaires .

Une OPA est dite volontaire lorsqu'elle est déclenchée sans que l'initiateur y soit contraint par la loi, par opposition aux OPA dites obligatoires ( cf. infra ).

Pour s'assurer le contrôle effectif d'une société, un offreur n'a besoin d'acquérir que 50,01 % des droits de vote. La législation sur les OPA a pour objet de permettre que les conditions de l'affectio societatis (la volonté de s'associer) ne soient pas modifiées à l'insu de certains actionnaires et que la prise de contrôle effective ne puisse être réalisée de manière non transparente et à l'issue d'une négociation entre seulement certains des actionnaires.

En outre, dans le cas d'une OPA, l'offreur est conduit à offrir une prime de contrôle aux actionnaires pour les inciter à souscrire à l'offre. Ainsi, le prix proposé est souvent supérieur au cours de l'action à la date de l'offre.

Chaque actionnaire peut ainsi faire le choix, en toute connaissance de cause, d'apporter ses titres à l'offreur - et donc de sortir de la société - ou bien de les conserver.

Une OPA devient obligatoire lorsque l'on constate qu'une personne est susceptible d'exercer le contrôle de fait de la société, même si elle ne détient pas plus de la moitié des droits de vote .

Les situations de contrôle rampant sont des situations de fait qu'il est difficile de déterminer a priori . Elles dépendent beaucoup de la structuration du capital. Par exemple, une société familiale disposant d'un actionnaire de référence bien identifié sera peu sujette à un contrôle rampant. En revanche, une société dont l'essentiel du capital est « flottant », c'est-à-dire disponible en Bourse, pourra être contrôlée de fait par un actionnaire disposant de 20 % ou 25 % du capital.

Cette situation sera d'autant plus préjudiciable si les autres actionnaires agissent en ordre dispersé ou s'abstiennent de participer à l'assemblée générale. En France, le rapport Field 6 ( * ) avait relevé que le taux moyen de participation aux assemblées générales s'élevait entre 50,2 % et 68,5 %, selon l'actionnariat était très dispersé ou, au contraire, concentré dans les mains d'un ou plusieurs actionnaires disposant de plus de 30 % du capital.

Avec un taux de participation de 60 %, il suffit de détenir 30 % des droits de vote pour disposer d'une majorité et donc influer sur les décisions de l'entreprise et les nominations aux organes de gouvernance.

La législation sur les OPA obligatoires vise dès lors à contraindre les actionnaires en situation de force à lancer une offre sur l'ensemble des titres de la société en vue de désintéresser les actionnaires minoritaires .

Le code monétaire et financier oblige un actionnaire à déposer une offre dans deux cas :

- soit s'il vient à dépasser un seuil de détention de 30 % du capital ou des droits de vote ;

- soit s'il détient déjà entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qu'il acquiert plus de 2 % du capital ou des droits de vote sur une période de douze mois consécutifs (mécanisme dit de « l'excès de vitesse d'acquisition »).

En pratique, toutes les offres sont évidemment délibérées puisqu'un actionnaire ne dépasse le seuil de déclenchement de l'offre obligatoire qu'à dessein.

II. L'OFFRE PUBLIQUE, UN PROCESSUS ORDONNÉ ÉTROITEMENT SURVEILLÉ PAR L'AMF

L'essentiel du corpus juridique des offres publiques est arrêté par le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers (RGAMF), sur le fondement des articles législatifs du code monétaire et financier (articles L. 433-1 et suivants).

Il fixe les règles pour les offres publiques portant sur des instruments financiers qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français , à savoir NYSE Euronext Paris - la Bourse de Paris. Au 23 janvier 2014, 639 sociétés étaient cotées sur ce marché 7 ( * ) dans un de ses trois principaux compartiments 8 ( * ) .

Le droit commun a d'abord vocation à s'appliquer aux sociétés dont le siège social est établi en France . Il peut, sous certaines conditions définies par le code monétaire et financier et le RGAMF, être applicable pour des sociétés dont le siège est situé hors de France.

Sauf cas limitativement énumérés, une offre publique doit viser la totalité des titres de capital (les actions) et donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société tels que, par exemple, des obligations remboursables en actions 9 ( * ) .

Le processus d'offre publique est transparent et se déroule sous le contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) . En particulier, celle-ci veille à ce que :

- tous les actionnaires soient traités sur un pied d'égalité ;

- l'information délivrée par l'initiateur et la société cible soit complète et juste ;

- l'initiateur et la société cible respectent toutes leurs diligences en matière de communication et d'information du public ;

- les acteurs de l'offre respectent les règles relatives aux « initiés » .

L'article 231-3 de son Règlement général pose le principe selon lequel, « en vue d'un déroulement ordonné des opérations au mieux des intérêts des investisseurs et du marché, toutes les personnes concernées par une offre doivent respecter le libre jeu des offres et de leurs surenchères, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres des personnes concernées par l'offre, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

Le processus ordonné de l'OPA est récapitulé dans le tableau ci-dessous. Il est enserré dans des délais stricts qui s'appliquent tant à l'initiateur et la société cible qu'à l'AMF.

Le régulateur n'évalue pas le prix proposé aux actionnaires. En revanche, une fois le projet de note d'information déposé, les engagements de l'offreur sont irrévocables jusqu'à la fin de l'offre .

Processus de l'offre publique normale

Période de préoffre

Information de l'AMF et du public sur les caractéristiques d'un projet d'offre (nature de l'offre et prix envisagé).

Dépôt à l'AMF d'un projet d'offre :

- lettre adressée à l'AMF par l'initiateur ;

- dépôt du projet de note d'information ;

- communiqué au public.

Période d'offre

10 jours

Publication, par l'AMF, des principales dispositions du projet d'offre :

- mise à disposition du public du projet de note d'information ;

- éventuellement, note en réponse et communiqué au public de la société visée.

5 jours*

Examen par l'AMF de la conformité du projet de note d'information.

Visa de l'AMF sur le projet de note d'information.

5 jours

Projet de note en réponse de la société visée.

Visa de l'AMF sur le projet de note en réponse.

Publication de la note d'information et de la note en réponse .

Dépôt à l'AMF et publication des informations complémentaires sur les caractéristiques, notamment juridiques, financières et comptables, de l'initiateur et de la société visée.

Ouverture de l'offre

Le jour de bourse suivant l'événement le plus tardif :

- la publication de la note d'information ou de la note en réponse ;

- la publication des informations complémentaires ;

- ou la transmission des autorisations préalables à l'AMF.

Durée : 25 jours

Clôture de l'offre

Dans les 9 jours suivant la clôture, l'AMF constate si l'offre a connu ou non une suite positive.

Réouverture de l'offre

Dans les 10 jours suivant le résultat définitif de l'offre et en cas de suite positive.

Durée : 10 jours

Clôture de la réouverture

* Le délai de transmission à l'AMF du projet de note en réponse peut être porté à 20 jours en cas de désignation d'un expert indépendant.

Les délais sont toujours comptés en « jours de négociation » ou « jours de Bourse ».

TITRE III - MESURES EN FAVEUR DE L'ACTIONNARIAT DE LONG TERME

ARTICLE 4 (Art. L. 433-3 du code monétaire et financier) - Abaissement du seuil de déclenchement des OPA obligatoires

Commentaire : dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait d'abaisser, de 30 % à 25 % du capital ou des droits de vote, le seuil de déclenchement d'une OPA obligatoire. Il a été supprimé en première lecture par l'Assemblée nationale .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 433-3 du code monétaire et financier prévoit deux cas dans lesquels toute personne, physique ou morale, est dans l'obligation de déposer un projet d'offre publique.

C'est tout d'abord le cas si elle vient à détenir, directement ou indirectement, plus de 30 % du capital ou des droits de vote d'une société cotée sur un marché réglementé.

Le second cas est celui de « l'excès de vitesse d'acquisition » . Il concerne les actionnaires d'une société cotée détenant entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote. L'article L. 433-3 les oblige à déposer un projet d'offre publique s'ils viennent à acquérir au moins 2 % du capital ou des droits de vote sur une période de douze mois consécutifs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article modifiait l'article L. 433-3 précité afin de réduire de 30 % à 25 % du capital ou des droits de vote le seuil de déclenchement du premier cas d'OPA obligatoire. Lors de l'examen de la proposition de loi devant la commission des affaires économiques, celle-ci avait en outre adopté deux amendements de cohérence et de coordination.

En séance publique, à l'initiative de notre collègue députée, Clotilde Valter, rapporteure, et avec un avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le présent article .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La fixation d'un seuil de déclenchement des OPA obligatoires a pour objet d'éviter les situations de « contrôle de fait » dans lesquelles un actionnaire a pris le contrôle effectif de la société sans « en avoir payé le prix », c'est-à-dire sans avoir acquis les actions nécessaires pour atteindre une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à 50 %.

Dès lors, l'OPA obligatoire constitue une défense utile pour les actionnaires minoritaires et évite les prises de contrôle rampantes. En 2008, le rapport Field 10 ( * ) avait estimé que le seuil du tiers était trop élevé et devait être ramené à 30 % ou 25 %. L'article 50 de la loi de régulation bancaire et financière 11 ( * ) avait ainsi abaissé le seuil de déclenchement à 30 %.

La présente proposition de loi, dans sa version initiale, souhaitait retenir l'autre option préconisée par le rapport Field, rappelant que « si la loi de 2010 a fait un pas vers la lutte contre les situations de prise de contrôle de fait, elle n'a pas épuisé l'ensemble du sujet » 12 ( * ) .

Toutefois, l'exposé des motifs de l'amendement de suppression de la rapporteure souligne qu'au « cours des nombreuses auditions réalisées et au fur et à mesure des échanges avec les acteurs du monde économique, il est apparu très difficile de fixer un seuil de déclenchement obligatoire des OPA qui convienne à l'ensemble des situations rencontrées : si, dans certains cas, l'abaissement de 30 % à 25 % permettait de répondre à de réels risques de prise de contrôle de fait, dans d'autres cas, un abaissement du seuil à 20 % eut été nécessaire.

« Dans le même temps, le niveau proposé pouvait constituer un frein à l'engagement de nouveaux acteurs souhaitant investir dans la durée entre 25 % et 30 % du capital d'une société, allant ainsi à l'encontre du but recherché : favoriser la constitution de blocs de participation stables.

« En l'absence de point d'équilibre satisfaisant , il est proposé de retirer cette disposition de la proposition de loi ».

Votre rapporteur relève qu'il est délicat d'anticiper les conséquences de la mesure proposée. Il convient dès lors de ne pas maintenir cette disposition dans le texte définitif de la loi.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de cet article .

ARTICLE 4 BIS (Art. L. 433-1-2 [nouveau] du code monétaire et financier) - Instauration d'un seuil de caducité

Commentaire : le présent article introduit un seuil de caducité des offres publiques, de sorte que le régulateur constatera l'échec de l'offre si elle ne permet pas à son initiateur de détenir au moins 50 % du capital ou des droits de vote .

I. LE DROIT EXISTANT

En l'état actuel du droit, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (RGAMF) prévoit que « l'initiateur peut stipuler dans son offre une condition d'obtention, à l'issue de celle-ci, d'un certain nombre de titres, exprimé en pourcentage du capital ou des droits de vote, en deçà duquel l'offre n'aura pas de suite positive » (article 231-9).

En pratique, la plupart des offres comprennent une clause d'obtention minimale fixée à 50,01 % ou à 66 % des droits de vote (seuil de majorité dans les assemblées générales extraordinaires). Mais il ne s'agit que d'une option. Dans le cas contraire, l'initiateur deviendra propriétaire de tous les titres que les porteurs auront bien voulu lui apporter : il est ainsi possible qu'il ne glane que quelques titres.

Or, des cas récents montrent que, dans le but de s'assurer un contrôle de fait de la société cible, sans pour autant dépenser un montant substantiel, l'initiateur peut aussi délibérément choisir de lancer une offre peu attractive, qui ne comprend pas de « prime de contrôle » par rapport au cours de bourse de la société. Ce fut le cas, par exemple, lors de la prise de contrôle de Volkswagen par Porsche ( cf. encadré ci-dessous).

En France, dans le cadre de l'offre initialement hostile du groupe Axel Springer sur la société SeLoger.com , le conseil de surveillance de cette dernière écrivait, dans sa note en réponse, que « l'absence d'un seuil de renonciation dans le projet d'Offre, fixé au minimum à 50,01 % du capital et des droits de vote sur une base totalement diluée, tout comme le maintien à 34,00 euros du prix de l'Offre démontre clairement que l'Offre n'a pas pour objet la prise d'une participation majoritaire, mais une prise de contrôle de fait sans offrir de véritable sortie aux actionnaires de SeLoger.com à des conditions satisfaisantes, c'est-à-dire à un prix qui aurait dû incorporer une prime de contrôle » 13 ( * ) .

La prise de contrôle de Volkswagen par Porsche

« Porsche, qui détenait 27 % des droits de vote [de Volkswagen] , a augmenté sa participation, en mars 2007, à 30,94 %, franchissant ainsi le seuil de l'offre publique obligatoire. Le cours de l'action Volkswagen ayant significativement augmenté après l'annonce de l'offre, le prix offert (correspondant au minimum légal) dans le cadre de l'offre est rapidement devenu inférieur au cours de l'action, de sorte qu'un nombre très limité d'actionnaires a accepté l'offre, à l'issue de laquelle Porsche détenait 30,97 % des droits de vote. Ayant rempli ses obligations légales, Porsche était en mesure d'augmenter librement sa participation sans avoir à déposer de nouvelle offre. Il a ainsi atteint, dès 2008, le seuil de 36 % des droits de vote lui garantissant d'avoir la majorité lors de toute assemblée générale ».

Source : Karine Angel, Didier Martin, « Régime des offres publiques. - Pour l'introduction d'un seuil de caducité obligatoire ? », in Droit des sociétés , janvier 2013.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a été introduit par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale à l'initiative conjointe de nos collègues députés Clotilde Valter et Jean-Marc Germain, rapporteure et rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et avec un avis favorable du Gouvernement.

Il introduit un nouvel article L. 433-1-2 au sein du code monétaire et financier.

Le I de ce nouvel article dispose que « lorsqu'à la clôture de l'offre publique [...] la personne ayant déposé le projet d'offre ne détient pas seule ou de concert [...] un nombre d'actions représentant une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à la moitié, l'offre est caduque de plein droit ».

Concrètement, l'Autorité des marchés financiers constatera l'échec de l'offre et il n'y aura pas de transfert de propriété, vers l'initiateur, des titres apportés à l'offre.

Son II tire les conséquences juridiques de la caducité en cas d'offre obligatoire 14 ( * ) . En effet, dans ce cas, l'offre est déclenchée car l'initiateur a dépassé le seuil de 30 % du capital ou des droits de vote, ou bien a accru sa participation de plus de 1 % sur 12 mois consécutifs (si sa participation était déjà comprise entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote).

Or, afin d'éviter les effets d'aubaine, comme par exemple dans le cas précité de l'affaire Porsche/Volkswagen, il convient que la personne ne puisse pas bénéficier des droits de vote attachés aux titres excédant 30 % du capital ou des droits de vote (ou 1 % en cas d'excès de vitesse d'acquisition) et qui l'ont conduit à déclencher l'OPA.

Le III du même article prévoit en outre que l'initiateur dont l'offre aura été déclarée caduque ne pourra plus augmenter sa détention (en capital ou en droits de vote) sans déposer à nouveau un projet d'offre publique . À défaut, il serait privé des droits de vote attachés aux titres qu'il aurait pu acquérir.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels présentés par la rapporteure.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Fin 2011, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait lancé une consultation de Place portant notamment sur l'introduction d'un seuil de caducité. Comme le relève un commentateur, « les résultats de la consultation publique, publiés en avril 2012, montraient qu'il n'existait pas de consensus sur l'insertion d'une telle règle en droit des offres publiques français et, au fond, qu'il existait une ligne de partage claire entre ceux qui sont en faveur d'un tel dispositif et ceux qui y sont opposés » 15 ( * ) . Les principaux arguments pour et contre relevés par l'AMF sont rappelés dans l'encadré ci-dessous.

Synthèse des réponses à la consultation publique de l'AMF sur l'introduction d'un seuil de caducité (24 avril 2012)

Arguments pour l'introduction d'un seuil de caducité

1. Le seuil de caducité automatique est conforme aux principes fondamentaux des offres publiques : c'est un gage de visibilité pour les actionnaires sur l'issue de l'offre. [...]

Pour le bénéfice de tous, une offre doit donc déboucher sur une situation de prise de contrôle claire et, à défaut, ne pas avoir de suite positive.

2. Le seuil de caducité automatique aura des effets vertueux sur la fixation du prix d'offre par l'initiateur et sur les intérêts des actionnaires visés par l'offre :

- il s'agit d'une mesure ?auto-disciplinante? en ce qu'elle incite l'initiateur à offrir une prime de contrôle aux actionnaires de la société visée dont il souhaite prendre le contrôle, afin de maximiser ses chances de franchir le seuil de 50% à l'issue de l'offre.

- il s'inscrit dans la logique du désengagement par l'AMF du contrôle du prix des offres volontaires. [...]

3. L'instauration du seuil de caducité automatique est de nature à décourager les tentatives de prise de contrôle rampante au-delà de 30 %. [...]

4. Enfin, cette mesure rapprocherait le droit des offres français du modèle britannique, où le principe selon lequel une offre ne doit avoir de suite positive que si elle conduit l'initiateur à détenir au moins 50 % des droits de vote de la société visée figure dans le Takeover Code depuis 1968.

Arguments contre l'introduction d'un seuil de caducité

1. La mesure pourrait conduire à une diminution du nombre d'offres publiques en France, en particulier les offres non sollicitées :

- par son caractère systématique, le seuil de caducité est susceptible de décourager le dépôt d'offres publiques volontaires et de priver ainsi le marché d'une source de liquidité ;

- ce seuil aura pour effet de ne pas encourager, si ce n'est décourager, les offres publiques volontaires hostiles, en rendant leur succès plus aléatoire et en renforçant les chances de succès des mesures défensives qui peuvent être prises par les actionnaires. Il suffira de fédérer un bloc d'opposants pour rendre plus difficile la conquête d'une majorité du flottant. [...]

2. Le seuil de caducité automatique serait contraire à l'intérêt des actionnaires des sociétés cibles dans la mesure où son mécanisme est susceptible de les priver de la liquidité offerte par l'initiateur. [...]

Le dispositif revient à nier le libre arbitre de l'actionnaire, en lui interdisant de céder ses titres à un prix qui lui convient dès lors que le marché dans son ensemble a une opinion différente sur le prix. À cet égard, introduire dans la réglementation une caducité automatique en deçà d'un seuil de réussite de 50 % revient en fait à ne considérer une offre volontaire comme légitime que si son prix est ratifié a posteriori par des actionnaires représentant la majorité du capital ou des droits de vote.

3. Le seuil de caducité serait de nature à perturber le bon fonctionnement du marché dans la mesure où la possibilité que l'offre devienne caduque, en l'absence de perspective de contre-offre, risque d'inciter des actionnaires qui souhaitent absolument vendre à céder leurs titres sur le marché à un prix plus bas que le prix d'offre. Il peut en résulter un élargissement de l'écart entre le prix de marché et le prix de l'offre.

4. L'AMF dispose déjà de la faculté d'imposer un seuil de renonciation au regard des objectifs et intentions de l'initiateur. Mieux vaudrait prévoir explicitement la faculté de l'AMF d'imposer un seuil de caducité au cas par cas, lequel ne serait d'ailleurs pas nécessairement 50 % mais pourrait être fixé selon les circonstances de l'espèce.

La consultation de l'AMF portait sur des éventuelles modifications de son Règlement général, mais elle n'évoquait l'introduction d'un seuil de caducité que pour les offres volontaires car, s'agissant des offres obligatoires, il est rapidement apparu qu'un tel mécanisme devait être prévu par la loi.

En effet, il ne faut pas qu'une personne dont l'OPA obligatoire échoue puisse, malgré tout, dépasser le seuil de 30 % du capital ou des droits de vote (ou augmenter sa participation de plus de 1 % dans le cadre de l'excès de vitesse). Dans le cas contraire, elle pourrait se constituer une position de contrôle de fait.

Il convient donc de la priver des droits de vote attachés aux titres « excédentaires », ce qui ne peut être opéré que par la loi. Tel est d'ailleurs l'objet du II du présent article.

Au final, il n'a donc pas semblé opportun à l'AMF d'introduire un seuil de caducité pour les seules offres volontaires, ce qui aurait nécessairement conduit à une augmentation artificielle des offres obligatoires.

Bien que la pertinence de cette mesure ait été abondamment commentée par la doctrine et les praticiens, il ne faut ni exagérer, ni amoindrir sa portée et ses mérites .

Dans ses effets, elle est strictement identique à une offre publique comprenant un seuil de renonciation . Or, ainsi que le relèvent deux commentateurs, « dans leur quasi-totalité, les offres volontaires déposées au cours des dix dernières années comportant un seuil de renonciation ont été couronnées de succès .

« En effet, sur près de quarante-cinq offres volontaires avec seuil intervenues au cours depuis 2001, seules trois ont échoué faute d'atteinte du seuil. [...]

« Au surplus, la pratique montre que les offres publiques volontaires stipulées sans seuil de renonciation par un tiers ou un actionnaire minoritaire restent rares. Ainsi, sur près de soixante-quinze offres publiques volontaires déposées depuis 2001 par des initiateurs, seules quatre peuvent être véritablement considérées comme n'ayant pas comporté de seuils de renonciation [...].

« Dans les faits, force est donc de constater que la situation dans laquelle l'offrant n'a pas souhaité insérer un seuil de renonciation reste atypique et, pour l'essentiel, n'a concerné que des opérations dont les conditions financières ont été contestées. Dès lors, la pratique - largement répandue - de subordonner son offre à un seuil de renonciation n'a, pour l'heure, jamais nui aux intérêts des actionnaires minoritaires et n'a jamais, sauf circonstances exceptionnelles, abouti à l'échec de l'offre en cause » 16 ( * ) .

En conséquence, votre rapporteur est favorable à l'insertion de telles dispositions dans le droit boursier français, sous réserve de l'adoption d'un amendement tendant à corriger plusieurs erreurs rédactionnelles ou incohérences .

En particulier, le III du présent article interdit à toute personne dont l'offre, volontaire ou obligatoire, a échoué d'accroître sa participation sans déclencher à nouveau une OPA. Or une telle contrainte ne se justifie pas dans le cadre d'une OPA volontaire , par exemple lancée par un actionnaire détenant 10 % du capital.

Tout actionnaire doit rester libre de pouvoir porter ou non sa participation jusqu'à 30 % du capital ou des droits de vote, puisqu'il n'est pas considéré en situation de contrôle.

Le III devrait donc limiter l'obligation de déclencher une nouvelle OPA aux seuls actionnaires détenant une participation supérieure à 30 % du capital ou des droits de vote (et quand bien même une partie de leurs titres sont privés de droits de vote en application du II).

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié .

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4 BIS - Clause de transition pour l'application de l'article 4 bis

Commentaire : le présent article introduit une clause de transition pour l'application de l'article 4 bis . En effet, certains actionnaires bénéficient d'une clause de transition adoptée dans la loi de régulation bancaire et financière d'octobre 2010. Afin d'assurer la cohérence de la législation, il convient de prévoir à nouveau une clause de transition pour ces actionnaires .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 50 de la loi de régulation bancaire et financière 17 ( * ) a abaissé le seuil de déclenchement des OPA obligatoires d'un tiers à 30 % du capital ou des droits de vote.

Le II de l'article 92 de la même loi a introduit une « clause de grand-père » ou clause de transition pour les actionnaires disposant au 1 er janvier 2010 entre 30 % et un tiers du capital ou des droits de vote d'une société. En conséquence, ils restent soumis au droit en vigueur antérieurement tant que leur participation demeure comprise entre 30 % et un tiers du capital ou des droits de vote.

L'Autorité des marchés financiers publie la liste des émetteurs et des actionnaires concernés par cette clause de grand-père. Elle est reproduite dans le tableau ci-dessous.

EMETTEUR

ACTIONNAIRE CONCERNE

Détention au 1 er janvier 2010

Détention au 1 er février 2011

% capital

% droits de vote

% capital

% droits de vote

AUREA

FINANCIERE 97

31,24 %

42,11 %

31,09 %

41,95 %

CIE MAROCAINE

M. JACQUES VITALIS

33,25 %

33,25 %

33,25 %

33,25 %

DYNACTION

M. CHRISTIAN MORETTI

23,30 %

33,16 %

23,30 %

33,16 %

EBIZCUSS.COM

M. LAURENT CIUP

24,24 %

30,99 %

26,43 %

32,96 %

GRANDS MOULINS DE STRASBOURG

GROUPE SOUFFLET

30,72 %

30,72 %

31,09 %

31,09 %

KORIAN

PREDICA

31,01 %

31,01 %

31,36 %

31,36 %

CREDIT AGRICOLE SA

31,01 %

31,01 %

31,37 %

31,37 %

L'OREAL

FAMILLE BETTENCOURT

31,00 %

31,00 %

30,89 %

30,89 %

RECYLEX

GLENCORE FINANCE BERMUDA

32,15 %

32,11 %

32,13 %

32,04 %

SMTPC

EIFFAGE

32,92 %

32,92 %

32,92 %

32,92 %

VINCI

33,29 %

33,29 %

33,29 %

33,29 %

SOPRA GROUP

FAMILLES ODIN & PASQUIER, SOPRA GMT

30,03 %

39,98 %

31,46 %

31,46 %

STE IND. & FIN. DE L'ARTOIS

STE BORDELAISE AFRICAINE

30,19 %

30,19 %

30,19 %

30,19 %

TOUAX

FAMILLE WALEWSKI

31,13 %

35,75 %

31,19 %

35,81 %

UNIBEL

COMPTOIR GENERAL DES FROMAGERS FRANÇAIS

28,89 %

32,61 %

28,89 %

30,90 %

Source : site de l'Autorité des marchés financiers, données au 1 er août 2013

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 4 bis de la présente proposition de loi introduit un seuil de caducité pour les offres publiques. Son II prévoit une privation des droits de vote attachés aux titres excédant 30 % du capital ou des droits de vote. Or pour les actionnaires bénéficiant de la clause de grand-père de 2010, le seuil de 30 % n'est pas pertinent puisque, pour eux, le seuil du tiers continue de s'appliquer. Dès lors, il convient de prévoir que, pour l'application du II de l'article 4 bis , le seuil du tiers se substitue à celui de 30 % pour les personnes bénéficiant de clause de grand père prévue par la loi de régulation bancaire et financière .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

ARTICLE 4 TER (Art. L. 433-3 du code monétaire et financier) - Renforcement du dispositif anti-« excès de vitesse »

Commentaire : le présent article prévoit d'abaisser de 2 % à 1 % du capital ou des droits de vote le seuil de « l'excès de vitesse d'acquisition », déclenchant l'obligation de déposer une OPA pour les personnes détenant entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote d'une société .

I. LE DROIT EXISTANT

Le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier prévoit deux cas dans lesquels toute personne, physique ou morale, est dans l'obligation de déposer un projet d'offre publique.

Le second cas est celui de « l'excès de vitesse d'acquisition » . Il concerne les actionnaires d'une société cotée détenant entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote. L'article L. 433-3 précité les oblige déposer un projet d'offre publique s'ils viennent à acquérir au moins 2 % du capital ou des droits de vote sur une période de douze mois consécutifs .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a été introduit par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et a recueilli l'avis favorable de la rapporteure et du ministre.

Le I du présent article prévoit d'abaisser de 2 % à 1 % du capital ou des droits de vote le seuil de déclenchement de « l'excès de vitesse ».

En séance publique, à l'initiative du Gouvernement, il a été complété par un alinéa II qui constitue à la fois une « clause de grand-père » (ou clause de transition) et une clause anti-abus.

L'exposé des motifs de l'amendement indique qu'il « est nécessaire de prévoir une clause de transition pour l'abaissement du seuil d'excès de vitesse. En effet, sans clause expresse, un actionnaire possédant 31 % d'une société cotée au 1 er janvier 2013 et qui acquiert 1,7 % au 1 er juin 2013 serait dans l'obligation de déposer une offre publique à la suite de l'entrée en vigueur de la loi (qui dispose que toute augmentation de plus de 1 % en moins de 12 mois consécutifs oblige au dépôt d'une offre publique), alors qu'il respectait au 1 er juin la législation en vigueur.

« Afin de régler ce problème, il est proposé que les actionnaires ayant acquis une quantité de capital d'au moins 1 % (par exemple 1,5 %) au cours des 12 mois consécutifs avant l'entrée en vigueur de la loi ne soient pas soumis à l'obligation de déposer une offre publique. En contrepartie, il est proposé qu'ils ne puissent pas augmenter leur détention pendant un an à la suite de l'entrée en vigueur de la loi sans le déclarer à l'AMF et déposer une offre.

« Afin d'éviter tout effet d'aubaine, il est proposé de faire courir le point de départ du délai de 12 mois consécutifs au jour de dépôt de l'amendement sur l'excès de vitesse, le 17 juillet 2013 ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif de « l'excès de vitesse » offre une souplesse aux actionnaires détenant entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote d'une société. Néanmoins, le droit en vigueur apparaît permissif puisqu'il autorise à augmenter sa participation de 10 % en seulement cinq années. Un actionnaire peut donc aisément - et avec un peu de patience - se constituer une situation de contrôle de fait sans qu'il soit possible de l'obliger à déposer une offre publique. Le présent article vient donc limiter les risques d'abus et de contrôle rampant .

Cependant, la rédaction de la clause de transition mérite d'être clarifiée . En effet, elle tend à figer les situations intervenues dans les douze mois précédant l'entrée en vigueur de la loi et cela jusqu'au 17 juillet 2014 , en contradiction avec la règle selon laquelle le régime de « l'excès de vitesse » s'apprécie sur douze mois glissants.

Par conséquent, votre commission vous soumet un amendement pour préciser que les personnes ayant accru, dans les douze mois précédant l'entrée en vigueur de la loi, leur participation de plus de 1 % mais de moins de 2 % ne sont pas soumises à l'obligation de déposer un projet d'OPA - puisqu'elles ont respecté la législation alors applicable.

En revanche, à compter de l'entrée en vigueur , elles ne peuvent plus accroître leur participation si cela revient à une augmentation de plus de 1 %, appréciée sur douze mois glissants .

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié .

ARTICLE 5 (Art. L. 225-123 et L. 225-124 du code de commerce) - Généralisation des droits de vote double

Commentaire : le présent article prévoit de généraliser le principe des droits de vote double dans les sociétés cotées, à compter de deux ans de détention des actions, sauf si l'assemblée générale s'y oppose .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 225-123 du code de commerce dispose qu'un droit de vote double peut être conféré, par les statuts , à « toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il sera justifié d'une inscription nominative , depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire ».

L'inscription nominative (ou « au nominatif ») des actions s'entend par opposition à l'inscription « au porteur », ce dernier étant le système normal de détention des titres en France 18 ( * ) . Elle consiste, pour l'actionnaire, à se faire connaître nominativement auprès de la société dont il détient les titres. Ainsi, dans le cadre d'une inscription au nominatif, la société peut adresser directement à la personne concernée les documents relatifs à la convocation et à la tenue de l'assemblée générale. Les statuts peuvent également prévoir qu'une inscription nominative ouvre droit à un dividende majoré.

L'attribution de droits de vote double peut être réservée aux actionnaires de nationalité française et aux ressortissants de l'Union européenne ou d'un Etat de l'Espace économique européen.

L'article L. 225-124 du même code prévoit que toute action convertie au porteur (et n'étant donc plus inscrite au nominatif) ou transférée en propriété perd le droit de vote double 19 ( * ) . En effet, le droit de vote double est attaché à un actionnaire et non à une action .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans la version initiale de la proposition, le présent article complétait l'article L. 225-123 du code de commerce afin de préciser que, pour les sociétés cotées sur un marché réglementé, le droit de vote double est attribué de droit, sauf clause contraire des statuts , à toutes les actions entièrement libérées et inscrites au nominatif depuis au moins deux ans (I du présent article).

Par ailleurs, sauf clause contraire des statuts, le droit de vote double ainsi conféré était réservé aux actionnaires de nationalité française et aux ressortissants de l'Union européenne ou d'un Etat de l'Espace économique européen.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des affaires économiques a procédé à une réécriture du présent article sans en modifier l'esprit.

Il convient toutefois de noter que le bénéfice exclusif des droits de vote double aux citoyens français et européens, constituant une rupture du principe d'égalité, est dorénavant supprimé.

En outre, l'amendement a institué une clause anti-abus qui « vise à empêcher un détournement du principe des droits de vote double dits ?de loyauté? par le biais de transferts indirects de propriété. Les droits de vote double sont attachés à la personne qui détient les actions et ne peuvent donc de ce fait pas être transférés. Toutefois, le droit actuel ne prévoit pas le cas d'un transfert indirect des droits de vote double par le rachat d'une société en bénéficiant. Ainsi, une société ou une personne peuvent devenir détentrices d'actions à droit de vote double sans même avoir attendu les deux ans requis. Cette possibilité de contournement, bien que pouvant poser problème, pouvait être acceptée dans le droit actuel, qui laisse aux statuts de chaque société la possibilité de prévoir des droits de vote double. En revanche, dans la perspective d'une généralisation légale des droits de vote double, il est nécessaire d'interdire la possibilité de transfert indirect de droits de vote doubles » (a) du 1° du I bis du présent article).

En séance publique, à l'initiative du Gouvernement, le présent article a également été complété par une clause de transition visant les sociétés dont les statuts prévoient déjà le principe d'un droit de vote double conformément à la législation actuellement en vigueur. Pour ces sociétés, le droit applicable continue de produire ses effets (II bis du présent article).

Les dispositions du présent article sont applicables dans les îles Wallis et Futuna (III du présent article).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à récompenser les actionnaires de long terme et, par là, à constituer un bloc stable d'actionnaires de référence capable d'accompagner le développement d'une entreprise à un horizon plus lointain que celui d'un retour financier immédiat.

Il traduit en particulier une préconisation du « rapport Gallois » 20 ( * ) : « pour investir, les entreprises ont également besoin de visibilité sur l'avenir ; elles ne peuvent être exclusivement soumises aux impératifs - souvent de court terme - des marchés financiers ; en premier lieu, le poids des actionnaires dans les entreprises doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l'entreprise . Ceci nous conduit à faire les propositions suivantes : - le droit de vote double serait automatiquement acquis après deux ans de détention des actions , l'Assemblée Générale ne pouvant le remettre en cause qu'à la majorité des deux tiers [...] ».

Il a plusieurs fois été indiqué à votre rapporteur, lors des auditions qu'il a conduites, que cette mesure risquait d'emporter des effets négatifs pour les sociétés françaises.

En premier lieu, la crainte qu'un « actionnaire activiste » attende patiemment deux ans pour se constituer une position de contrôle a été le plus souvent évoquée. Elle n'est pas infondée et certains fonds spécialisés pourraient effectivement adopter cette stratégie. Pour autant, il faut rappeler que le droit de vote double est acquis à la condition d'une inscription au nominatif, de sorte que la société connaît ses actionnaires. Elle est donc capable de se mettre en « ordre de bataille » pour faire face à l'entrée d'un « activiste » avant que celui-ci n'obtienne des droits de vote double.

En second lieu, ces dispositions enverraient un mauvais signal aux investisseurs institutionnels, en particulier étrangers, qui pourraient donc se détourner des entreprises françaises. De fait, la mesure ne leur est pas destinée puisqu'elle s'adresse d'abord aux actionnaires qui entendent prendre une participation de long terme, ce qui n'est pas toujours le cas de ces acteurs. Leur réticence à cette mesure est donc bien compréhensible puisqu'elle n'est pas cohérente avec leurs intérêts à court terme. Néanmoins, le bon développement d'une société et sa capacité à dégager des résultats sont les premiers moteurs de son attractivité pour les investisseurs, français ou étrangers.

Il faut d'ailleurs souligner qu'environ la moitié des sociétés du CAC 40 dispose d'une clause statutaire attribuant des droits de vote double. Pour un grand nombre de sociétés, le présent article ne change donc rien. En outre, l'assemblée générale extraordinaire reste toujours libre de voter contre le principe des droits de vote double.

Votre rapporteur est donc favorable à cet article, sous réserve d'ajustements rédactionnels.

En outre, il convient de supprimer une disposition introduite par l'Assemblée nationale qui vise à éviter certains montages abusifs de transfert de droits de vote double mais dont les conséquences en termes de sécurité juridique apparaissent incertaines .

En effet, le droit de vote double est un droit qui est conféré au porteur d'une action et non à l'action elle-même. En conséquence, lorsque le porteur cède son action, le droit de vote double tombe.

Pour contourner cette difficulté, certains actionnaires détiennent des « sociétés parking » qui sont juridiquement les propriétaires des actions et donc les bénéficiaires du droit de vote double. Par la suite, il est possible de céder cette « société parking » sans qu'elle perde le droit de vote double attaché aux actions.

Afin de lutter contre ce schéma abusif, le présent article prévoit que tout transfert « indirect » des actions fait tomber le droit de vote double.

En pratique, il apparaît cependant très difficile de suivre ce type de transfert . Cette nouvelle règle pourrait dès lors conduire à des erreurs de calcul des votes disponibles lors des assemblées générales et, partant, fragiliser toutes leurs décisions. Il semble donc préférable de supprimer la notion de « transfert indirect ».

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié .

ARTICLE 6 (Art. L. 2323-21, L. 2323-21-1 [nouveau], L. 2323-22-1 [nouveau], L. 2323-23, L. 2323-26-1 [nouveau], L. 2325-25, L. 2325-37 du code du travail) - Association des salariés à la procédure d'OPA

Commentaire : le présent article introduit une procédure « d'information-consultation » du comité d'entreprise de la société visée par une OPA. Celui-ci dispose d'un mois pour émettre un avis motivé sur l'offre, qui est annexé à la note en réponse publiée par la société .

En vue de l'aider à se prononcer, le comité d'entreprise peut faire appel à un expert-comptable. Si le comité d'entreprise estime qu'il ne dispose pas des informations suffisantes pour se prononcer, il peut saisir, en référé, le président du tribunal de grande instance. Celui-ci peut décider la prolongation du délai dans lequel le comité d'entreprise doit remettre son avis .

I. LE DROIT EXISTANT

Le droit européen pose un cadre souple en ce qui concerne l'information des salariés. L'article 6 de la directive OPA 21 ( * ) prévoit seulement que, « dès que l'offre a été rendue publique, les organes d'administration ou de direction de la société visée et de l'offrant informent respectivement les représentants de leur personnel ».

Quant à son article 9, il dispose que « l'organe d'administration ou de direction de la société visée établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre, notamment son avis quant aux répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société et spécialement l'emploi ainsi que quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité de la société 22 ( * ) [...]. L'organe [...] communique dans le même temps cet avis aux représentants du personnel de la société ».

Dès lors, le code du travail comprend plusieurs dispositions tendant à informer les salariés, par le biais du comité d'entreprise, en cas de dépôt d'une offre publique . Cette procédure d'information concerne aussi bien l'entreprise qui initie l'offre que la société visée .

Ainsi, l'article L. 2323-21 du code du travail prévoit que « lors du dépôt d'une offre publique d'acquisition, l'employeur de l'entreprise sur laquelle porte l'offre et l'employeur qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour l'en informer ».

L'employeur auteur de l'offre n'a pas l'obligation de consulter le comité d'entreprise avant le lancement de celle-ci. En revanche, il doit transmettre des « informations écrites et précises sur le contenu de l'offre et sur les conséquences en matière d'emploi qu'elle est susceptible d'entraîner », une fois qu'elle est rendue publique (article L. 2323-25).

Le comité d'entreprise de la société cible peut demander à entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre . Par ailleurs, il reçoit la note d'information que l'initiateur transmet à l'Autorité des marchés financiers, ladite note devant contenir des orientations en matière d'emploi ( cf. encadré ci-dessous).

Extraits de notes d'information publiées par des initiateurs d'OPA

OPA hostile du groupe Axel Springer sur la société SeLoger.com

« 1.2.3 Intentions concernant l'emploi

« L'Initiateur n'a pas l'intention de demander de modification de la politique de SeLoger.com en matière d'effectifs, de politique salariale, de sites et de gestion des ressources humaines.

« De la même façon, l'Initiateur n'a pas l'intention de demander de modification de la politique de SeLoger.com en matière d'actionnariat des salariés et de politique de motivation. En cas de retrait de la cote de SeLoger.com, l'Initiateur veillera à mettre en place un dispositif assurant la liquidité aux salariés et dirigeants disposant d'options de souscription et d'achat d'actions ou d'actions gratuites émises ou attribuées par SeLoger.com en période d'indisponibilité selon des modalités usuelles en la matière ».

OPA amicale de la société Altacom sur la société Rue du Commerce

« 1.1.5.2 Intentions en matière d'emploi

« En termes de politique sociale, cette opération s'inscrit dans une logique de poursuite du développement de l'activité de la Société, c'est-à-dire dans un processus de continuité du mode de management et de sa politique en matière de relations sociales et de gestion des ressources humaines. Elle ne devrait donc pas avoir par elle-même d'impact significatif sur l'emploi.

« En outre, conformément à l'article L. 2323-22 du Code du travail, la note d'information de l'Initiateur visée par l'AMF sera transmise au comité d'entreprise de la Société dans les trois jours de sa mise en ligne sur le site internet de l'AMF ».

Source : site de l'AMF

L'article L. 2323-23 prévoit que « dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information et avant la date de convocation de l'assemblée générale [...] , le comité d'entreprise de l'entreprise faisant l'objet de l'offre est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de son auteur 23 ( * ) . [...]

« Lors de la réunion, l'auteur de l'offre peut se faire assister des personnes de son choix. Il présente au comité d'entreprise sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société concernée et les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette société .

« L'auteur de l'offre prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix [...] ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans la version initiale de la proposition de loi, le présent article introduisait deux nouvelles dispositions.

D'abord, il prévoyait la nomination d'un médiateur si le comité d'entreprise se prononçait sur le caractère hostile de l'offre.

Ensuite, la procédure d'information actuellement en vigueur était remplacée par une procédure « d'information-consultation » durant laquelle le comité d'entreprise doit émettre formellement un avis sur l'offre et ses conséquences. Cet avis est inséré dans la note en réponse que la société transmet à l'AMF et publie.

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté trois amendements.

Le premier, adopté à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, avec un avis favorable du Gouvernement, prévoit que l'employeur de la société cible informe le comité d'entreprise du caractère hostile ou non de l'offre. Le deuxième, du même auteur, dispose que la saisine du médiateur est restreinte aux seuls cas où l'offre n'a pas été sollicitée par la direction de l'entreprise. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel.

En séance publique, le texte a été profondément remanié et, en particulier, la possibilité de saisir un médiateur a été supprimée .

Le texte transmis au Sénat comprend les dispositions suivantes :

- l'employeur indique si l'offre a été sollicitée ou non. Le comité d'entreprise décide s'il souhaite procéder à l'audition de l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère hostile de l'offre. Il peut enfin décider de désigner un expert-comptable (1° A du présent article) ;

- l'audition de l'auteur de l'offre se tient dans un délai d'une semaine à compter du dépôt du projet d'offre. Lors de cette audition, il présente « sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société concernée et les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette société » (1° B du présent article) ;

- l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise établit un rapport qui « évalue la politique industrielle et financière et les plans stratégiques que l'auteur de l'offre envisage d'appliquer à la société objet de l'offre, ainsi que les répercussions de leur mise en oeuvre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette dernière société. Il dispose d'un délai de trois semaines à compter du dépôt du projet d'offre publique d'acquisition » (1° du présent article) ;

- préalablement à l'avis motivé rendu par les organes dirigeants sur l'intérêt de l'offre et ses conséquences sur la société, le comité d'entreprise est réuni et consulté sur le projet d'offre . Au cours de cette réunion, il examine le rapport de l'expert-comptable et peut demander la présence de l'auteur de l'offre. Le comité d'entreprise dispose d'un délai d'un mois à compter du dépôt du projet d'offre pour émettre un avis . À défaut, il est réputé avoir été consulté. Son avis ainsi que le rapport de l'expert-comptable sont reproduits dans la note en réponse diffusée par la société ;

- toutefois, si « les membres élus » du comité d'entreprise estiment « ne pas disposer d'éléments suffisants », ils peuvent saisir « le président du tribunal de grande instance [TGI] statuant en la forme des référés pour qu'il ordonne la communication par la société faisant l'objet de l'offre et par l'auteur de l'offre des éléments manquants . Le juge statue dans un délai de huit jours » ;

- la saisine du TGI n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis. « Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai » (2° du présent article) ;

- en cas de réussite de l'offre, son initiateur doit rendre compte au comité d'entreprise de la société cible « au cours du sixième, du douzième et du vingt-quatrième mois suivant la clôture de l'offre, de la manière dont il a mis en oeuvre les engagements et déclarations d'intention en matière d'emploi, de maintien des sites d'activité et de localisation des centres de décision exprimées dans la note d'information » (3° du présent article) ;

- enfin, il est procédé aux coordinations dans le code de travail pour les dispositions concernant la nomination et les pouvoirs de l'expert-comptable (4° et 5° du présent article). En particulier, en application de l'article L. 2325-37 du code du travail ainsi modifié, l'expert-comptable « a accès aux documents de toutes les sociétés intéressées par l'opération ». Cette disposition est identique à celle applicable en cas de fusion d'entreprises.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES SALARIÉS INSUFFISAMMENT INFORMÉS

En l'état actuel du droit, l'information des salariés est assurée, conformément au droit européen, mais elle n'apparaît pas suffisante.

Comme le montrent les extraits reproduits plus haut, la note d'information publiée par l'initiateur comprend des informations succinctes ou des formules imprécises se voulant rassurantes mais dépourvues de tout engagement .

En outre, les auditions par les comités d'entreprise se révèlent bien souvent décevantes, l'initiateur ne souhaitant pas trop dévoiler - surtout en cas d'offre hostile - sa stratégie et, là encore, veillant à ne prendre aucun engagement qui le lierait par avance.

Au total, le comité d'entreprise peut émettre des observations sur l'offre mais dans un délai qui est souvent incompatible avec la publication de la note en réponse. Ces éléments ne peuvent donc pas être mis à disposition du public et, en premier lieu, des actionnaires auxquels s'adresse l'offre.

Sur le fond, la transformation de la procédure actuelle en une procédure « d'information-consultation » apparaît bienvenue . Elle permet de mieux associer les salariés pour qui toute OPA entraîne un légitime sentiment d'insécurité.

B. UNE PROCÉDURE QUI MODIFIE, SANS PERTURBER, LE PROCESSUS DE L'OFFRE

Le présent article a été critiqué dans ses modalités , en particulier lorsque la procédure devra s'appliquer en cas d'offres hostiles.

Le point le plus souvent évoqué lors des auditions conduites par votre rapporteur est celui du risque du « blocage de l'offre » ou la prolongation excessive de la durée de l'offre par décision du TGI.

Pour des raisons de stabilité du marché et afin de limiter les perturbations induites par l'offre, il importe qu'elle puisse aboutir dans les meilleurs délais. En outre, l'offre étant irrévocable - c'est-à-dire que l'initiateur ne peut modifier les conditions et le prix de son offre, à moins d'une surenchère -, plus l'offre tarde à se conclure et plus un événement peut venir bouleverser les circonstances initiales qui avaient conduit l'initiateur à déposer une offre.

Il faut ici rappeler que toutes les parties prenantes à une offre publique sont susceptibles de faire valoir leur droit en justice . C'est ainsi que des décisions de l'AMF sont régulièrement attaquées devant la Cour d'appel de Paris. Encore récemment, le rapprochement, pourtant amical, entre Icade et Silic a mis plus de deux ans à aboutir du fait de recours juridictionnels. Cette situation n'est certes pas satisfaisante mais il serait curieux que seuls les salariés disposent de droits moindres.

Le texte impose une décision du TGI sous huit jours. Il lui reviendra d'analyser si les circonstances de fait nécessitent de prolonger le délai offert au comité d'entreprise, c'est-à-dire si l'initiateur a manifestement entravé la mission de l'expert-comptable .

À cet égard, même s'il peut accéder à tous les documents de l'initiateur, il paraît évident qu' il ne peut légitimement se faire adresser que ceux concernant directement sa mission .

Un interlocuteur de votre rapporteur évoquait le risque que l'expert-comptable demande des documents confidentiels sur la rentabilité de telle usine, sur les parts de l'offreur sur tel marché particulièrement prometteur, etc. La société cible, potentiellement un concurrent de l'initiateur, pourrait ainsi obtenir des informations capitales.

Votre rapporteur estime que l'offreur peut refuser de communiquer ces documents s'il considère qu'ils ne sont pas de nature à éclairer le comité d'entreprise sur l'offre. Ce sera au président du tribunal d'apprécier cette décision.

Il faut également rappeler que l'initiateur peut, en toute bonne foi, ne pas disposer de certaines informations en matière d'emploi faute de connaître précisément toutes les données sociales de l'entreprise qu'il s'apprête à acquérir et ce d'autant plus si l'offre est hostile.

En tout état de cause, lorsque le président du TGI ordonne la transmission de documents et accorde un délai supplémentaire, celui-ci ne devrait pas dépasser quelques jours ou quelques semaines . En effet, dans la procédure initiale, le comité d'entreprise dispose d'un mois, il serait donc exceptionnel qu'il ait besoin d'un délai plus long une fois qu'il a reçu les documents nécessaires pour forger son avis.

Pour l'ensemble de ces raisons le présent article n'apparaît excessif ni dans les délais qu'il prévoit, ni dans la documentation qu'il autorise à transmettre au comité d'entreprise .

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification .

ARTICLE 7 (Art. L. 225-197-1 du code de commerce) - Hausse du seuil d'attribution gratuite d'actions aux salariés

Commentaire : le présent article autorise l'assemblée générale à porter l'attribution gratuite d'actions jusqu'à 30 % du capital social, contre 10 % aujourd'hui, pour autant que cette distribution concerne l'ensemble du personnel salarié .

I. LE DROIT EXISTANT

Le I de l'article L. 225-197-1 du code de commerce prévoit que « l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire [...] peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre .

« L'assemblée générale extraordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans les conditions définies au premier alinéa. Le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social à la date de la décision de leur attribution par le conseil d'administration ou le directoire ». En outre, dans les sociétés non cotées qui répondent à la définition communautaire 24 ( * ) de la micro, petite ou moyenne entreprise, ce pourcentage peut être porté à 15 %.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a été adopté à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, et de plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen, avec un avis de sagesse du Gouvernement. Un amendement identique avait été déposé par notre collègue député Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Il vise à autoriser l'assemblée générale extraordinaire à porter l'attribution gratuite d'actions jusqu'à 30 % du capital social , pour autant que cette distribution concerne l'ensemble des membres du personnel salarié .

Par coordination, la faculté offerte de porter ce pourcentage à 15 % dans les micros, petites et moyennes entreprises s'applique aux seules attributions qui ne concerneraient qu'une partie seulement du personnel salarié.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'exposé des motifs de l'amendement de la rapporteure souligne qu'une « conséquence directe de la stabilité du capital induite par la présence d'un actionnariat salarié fort est la possibilité de pouvoir contrer les tentatives de prise de contrôle hostiles . Cet amendement vise à permettre aux salariés de détenir jusqu'à 30 % du capital social de l'entreprise pour éviter les prises de contrôle rampantes par des groupes prédateurs.

« L'actionnariat salarié, conçu dans la logique du partenariat entre travail et capital, incite en outre à une plus grande implication des salariés , dans la mesure où la participation leur permet de toucher un ?dividende du travail? si leur entreprise se porte bien.

« Cet amendement vise donc à augmenter le seuil autorisé du nombre total d'actions gratuites pouvant être attribuées. Toutefois, dans un souci d'égalité au sein de l'entreprise, il est posé la condition que cette attribution doit bénéficier à l'ensemble des membres du personnel salarié ».

Votre rapporteur souscrit à cette analyse. Par exemple, l'actionnariat salarié du groupe Eiffage, qui détient la société à hauteur de 20 %, s'est majoritairement mobilisé contre l'offensive lancée par la société Sacyr en 2007.

Il faut toutefois noter que l'attribution gratuite d'actions aux salariés relève d'une appréciation souveraine de l'assemblée générale. Il importe désormais que les sociétés sachent se saisir de l'opportunité qui leur est offerte.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification .

ARTICLE 8 (Art. L. 223-32 et L. 233-33 du code de commerce) - Suppression du principe de neutralité des organes de direction lors d'une OPA

Commentaire : le présent article prévoit, conformément au droit européen, que les organes dirigeants des sociétés visées par une OPA ne soient pas soumis au « principe de neutralité », c'est-à-dire qu'ils puissent prendre, sans autorisation préalable de l'assemblée générale, toute mesure susceptible de faire échouer l'offre .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 9 de la directive OPA 25 ( * ) pose le « principe de neutralité » selon lequel « l'organe d'administration ou de direction de la société visée obtient une autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires à cet effet avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre, à l'exception de la recherche d'autres offres, et en particulier avant d'entreprendre toute émission d'actions de nature à empêcher durablement l'offrant de prendre le contrôle de la société visée ».

Ce principe est habituellement justifié pour deux raisons. La première tient au fait que l'OPA s'adresse d'abord aux actionnaires et non aux organes dirigeants (conseil d'administration, conseil de surveillance, directoire) qui devraient donc s'abstenir de toute intervention à moins de rechercher une offre plus généreuse pour les actionnaires.

La seconde tient au fait que les organes dirigeants peuvent être considérés, s'agissant des offres hostiles, en situation de conflits d'intérêts . En effet, il est fort probable qu'en cas de réussite de l'offre, l'initiateur mette en oeuvre une nouvelle stratégie industrielle et qu'il la confie à des organes renouvelés.

Toutefois, l'adoption de ce principe ne s'est pas faite sans réticence de la part des Etats-membres et a contribué à la longue gestation de la directive OPA - une première fois rejetée en 2001. En effet, plusieurs Etats-membres considéraient que le principe de neutralité laissait sans défense les sociétés faisant l'objet d'une offre publique, les organes dirigeants étant réputés pouvoir agir de manière plus réactive que les assemblées générales .

C'est pourquoi, le « compromis portugais », obtenu fin 2003, autorise les Etats membres à ne pas imposer le principe de neutralité. Dans ce cas, néanmoins, ils doivent laisser le choix aux sociétés de pouvoir revenir, par un vote de l'assemblée générale, au principe de neutralité.

Les Etats membres peuvent aussi choisir le principe de neutralité mais autoriser à ce qu'il soit levé lorsque la société fait l'objet d'une offre de la part d'une société qui n'appliquent le principe de neutralité (offreur dit « non vertueux »). Dans ce cas, toute mesure prise par la société en vue de faire échouer l'offre doit avoir été autorisée par l'assemblée générale dix-huit mois avant le dépôt de l'offre (autorisation « à froid »).

La France a transposé la directive OPA aux articles L. 233-32 et L. 233-33 du code de commerce.

Le I de l'article L. 233-32 énonce le principe de neutralité : les organes dirigeants doivent obtenir l'autorisation préalable de l'assemblée générale avant d'engager « toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres ». Cette autorisation doit donc être obtenue « à chaud ».

Son III dispose que toute délégation, accordée par l'assemblée générale avant la période d'offre, d'une mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre est suspendue pendant la période d'offre.

De même, toute décision des organes dirigeants, « prise avant la période d'offre, qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale ».

Conformément à l'article 12 de la directive OPA, l'article L. 233-33 explicite les situations pour lesquelles le principe de neutralité ne s'applique pas.

C'est le cas lorsqu'une société étrangère est l'initiateur et qu'elle n'est pas « vertueuse » (elle n'applique pas pour elle-même le principe de neutralité). C'est l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui détermine si l'initiateur respecte ou non le principe de neutralité.

Dès lors, si la société cible applique le régime de la « non-neutralité », les mesures prises par ses organes dirigeants pour faire échouer l'offre doivent avoir été expressément autorisées « pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour du dépôt de l'offre ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, et avec un avis de sagesse du Gouvernement, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté le présent article.

Il a pour objet de ne pas soumettre les organes dirigeants des sociétés visées par une OPA au principe de neutralité, c'est-à-dire qu'ils puissent prendre, sans autorisation préalable de l'assemblée générale, toute mesure susceptible de faire échouer l'offre .

Ainsi, aux termes de son 1°, qui modifie l'article L. 233-32 du code de commerce, les organes dirigeants peuvent « prendre toutes décisions dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social de la société ».

Dès lors, il maintient la suspension des délégations accordées « à froid » par l'assemblée générale dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre (pouvoirs réservés de l'assemblée générale).

Enfin, le 2° du présent article réécrit l'article L. 233-33 du code de commerce. Conformément à l'article 12 de la directive OPA, il prévoit que l'assemblée générale peut décider que les mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doivent être autorisées préalablement par elle ; ou prévoir que toute délégation d'une mesure susceptible de faire échouer l'offre est suspendue. Les statuts déterminent si ce régime s'applique uniquement aux sociétés relevant de la « non-neutralité ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. RÉTABLIR LE PRINCIPE DE RÉCIPROCITÉ

Comme il est indiqué précédemment, le texte transmis au Sénat autorise les organes dirigeants à prendre des mesures susceptibles de faire échouer l'offre, sous réserve des pouvoirs de l'assemblée générale . C'est pourquoi, il convient de maintenir, à l'instar du régime actuel, la suspension des délégations accordées par l'assemblée générale avant la période d'offre (et permettant de mettre en oeuvre des mesures susceptibles de faire échouer l'offre). L'assemblée générale recouvre ses pouvoirs propres .

Néanmoins, ainsi rédigé, le texte est paradoxalement plus restrictif que le droit en vigueur qui comporte une exception au principe de suspension des délégations accordées par l'assemblée générale .

En effet, conformément au principe de réciprocité , prévu par la directive OPA, les délégations peuvent ne pas être suspendues si l'initiateur de l'offre n'applique pas, pour lui-même, le principe de neutralité. Dans ce cas, les délégations doivent être accordées par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant l'offre (« à froid ») et dans l'hypothèse expresse d'une offre publique.

Or le texte voté par les députés supprime cette exception . Il est donc proposé de réintroduire le principe de réciprocité. Au total, les délégations seraient suspendues en cas d'OPA par une société appliquant le principe de neutralité. En revanche, elles seraient maintenues si l'initiateur n'est pas neutre et cela toujours dans le cadre d'une autorisation « à froid ».

Le tableau comparatif ci-dessous récapitule les principales différences entre le droit en vigueur et le droit proposé par l'amendement de votre rapporteur.

Droit en vigueur

Neutralité

Droit proposé
par votre commission des finances

Non-neutralité

Initiateur neutre :

- Organes dirigeants de la société visée neutres et suspension des délégations accordées par l'AG.

Initiateur neutre :

- Organes dirigeants de la société visée non neutres et suspension des délégations accordées par l'AG ;

- Ou, organes dirigeants neutres si les statuts le prévoient.

Initiateur non-neutre :

- Organes dirigeants de la société visée neutres, mais les délégations ne sont pas suspendues si elles ont été accordées par l'AG « à froid » et expressément dans l'hypothèse d'une offre publique.

Initiateur non-neutre :

- Organes dirigeants de la société visée non neutres et les délégations ne sont pas suspendues si elles ont été accordées par l'AG « à froid » et expressément dans l'hypothèse d'une offre publique ;

- Ou, organes dirigeants neutres si les statuts le prévoient.

En outre, conformément à l'article 12 de la directive OPA, les statuts pourront prévoir que la société applique toujours le principe de neutralité, ou seulement lorsque l'initiateur n'est pas neutre . Votre rapporteur propose également de compléter ces dispositions afin de prévoir les différentes options pouvant être inscrites dans les statuts.

Ainsi rédigé, le présent article permet de couvrir tous les cas de conflits de compétences entre l'assemblée générale et les organes dirigeants .

Votre rapporteur vous propose également un amendement rédactionnel.

B. UN DISPOSITIF QUI OFFRE UNE MEILLEURE DÉFENSE CONTRE LES OPA HOSTILES

Le débat sur la neutralité ou la non-neutralité fut particulièrement vif lors de la négociation de la directive OPA. En effet, l'intervention des organes dirigeants est considérée comme la plus susceptible de faire échouer une offre hostile - et c'est la raison pour laquelle, en vertu du principe de liberté de circulation des capitaux, la Commission européenne plaidait pour le principe de neutralité.

En réalité, il reste toujours très difficile de réagir « à chaud » à une OPA, que ce soit pour les organes dirigeants ou pour les actionnaires . L'émission ou la possibilité d'émettre du capital, par émission de « bons Breton » ou « pilule empoisonnée », est efficace. Elle ne peut être décidée que par l'assemblée générale et mise en oeuvre, par délégation, par l'organe dirigeant. Néanmoins, les actionnaires restent réticents à consentir à une mesure qui dilue leurs pouvoirs.

Les autres modes de défense peuvent être laissés à la discrétion des organes dirigeants, tels que l'acquisition ou la cession d'actifs, la recherche d'une autre offre ou la négociation (mais pas son approbation) d'une fusion, la mise en oeuvre de programmes de rachats d'actions, la mise en place de « clôtures » autour des actifs clefs qui font la valeur de l'entreprise.

Néanmoins, les organes dirigeants restent toujours tenus au respect de l'intérêt social de l'entreprise . Par exemple, la cession du principal brevet de la société, qui lui confère une valeur importante, pourrait conduire les actionnaires à engager une action en responsabilité des organes dirigeants.

La recherche d'un « chevalier blanc » (contre-offre) ou la négociation d'une fusion reviennent, là encore, à faire des propositions à l'assemblée générale plutôt qu'à empêcher l'offre . Dès lors, il importe que la société ait anticipé sa riposte par le vote « à froid », par exemple en accordant des délégations aux organes dirigeants en vue d'une offre publique .

La non-neutralité présente malgré tout le net avantage d'offrir aux organes dirigeants la possibilité de réagir immédiatement à l'annonce d'une OPA hostile . Cette réactivité permet notamment de mieux informer les actionnaires et de préparer toute assemblée générale qui se révèlerait nécessaire pour ratifier les pistes tracées par les organes dirigeants .

En outre, hormis le respect de l'intérêt social et des pouvoirs de l'assemblée générale, la non-neutralité laisse ouverte une marge de manoeuvre pour les organes dirigeants dont il n'est pas encore possible de percevoir toute l'étendue. De nouvelles formes de défense anti-OPA pourraient ainsi apparaître.

Le présent article, dans un contexte global de faible valorisation des sociétés françaises, invite organes dirigeants et assemblées générales à réfléchir en amont à toute possibilité d'OPA hostile . Les nouvelles possibilités d'adapter les statuts devraient être l'occasion d'un débat en assemblée générale sur ce point.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié .

ARTICLE 8 BIS - Rapport sur les actions spécifiques détenues par l'Etat

Commentaire : le présent article demande un rapport au Gouvernement sur l'utilisation des actions spécifiques dont l'Etat dispose dans les entreprises dont il est actionnaire .

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Adopté à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, et avec un avis de sagesse du Gouvernement, le présent article demande que le Gouvernement remette au Parlement, « dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant le bilan de l'utilisation, au cours des dix dernières années, des actions spécifiques dont l'État dispose au capital des sociétés dont il est actionnaire ainsi que des autres dispositifs dérogeant à la proportionnalité entre détention de capital et droit de vote ».

Les actions spécifiques, plus couramment appelées « golden share », permettent notamment de bloquer un processus d'OPA hostile ou toute opération contraire aux intérêts stratégiques de la France . Elles sont régies par l'article 10 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et concernant certains des droits attachés à l'action spécifique.

C'est ainsi que l'Etat dispose d'une action spécifique au capital de la société Gaz de France SA afin de « préserver les intérêts essentiels de la France dans le secteur de l'énergie relatifs à la continuité et à la sécurité d'approvisionnement en énergie » 26 ( * ) ou encore au capital de la société SNPE Matériaux Energétiques, afin de « protéger les intérêts essentiels de la France dans le secteur de la propulsion solide et des matériaux énergétiques » 27 ( * ) .

En séance publique, la rapporteure a expliqué que « ce rapport nous permettra de réfléchir aux outils dont nous pourrions nous doter pour protéger nos entreprises car il ne s'agit pas seulement de protéger celles qui appartiennent à des secteurs stratégiques, mais aussi des grands groupes, des fleurons industriels de notre pays, menacés par des OPA hostiles ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

En séance publique, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie a indiqué que certains points couverts par le rapport pouvaient poser un problème de confidentialité .

Votre rapporteur est par conséquent favorable à cette demande de rapport, pour autant que toutes les données couvertes par le secret des affaires, en particulier les pactes d'actionnaires, soient exclues des informations publiées.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification .

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 8 BIS - Entrée en vigueur

Commentaire : le présent article prévoit une entrée en vigueur trois mois après la promulgation de la présente proposition de loi pour les articles 4 ter , 6 et 8, afin notamment que l'Autorité des marchés financiers puisse adapter son Règlement général .

L'article 4 ter (relatif à l'abaissement de l'excès de vitesse d'acquisition), l'article 6 (relatif à l'information-consultation du comité d'entreprise en cas d'offre publique) et l'article 8 (relatif à la suppression du principe de neutralité des organes dirigeants en cas d'offre publique) nécessitent des adaptations réglementaires, en particulier du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers, pour assurer leur pleine effectivité .

C'est pourquoi il est proposé de reporter leur entrée en vigueur « au premier jour du quatrième mois suivant la date de promulgation » de la loi, c'est-à-dire trois mois après .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 28 janvier 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis, sur la proposition de loi n° 7 (2013-2014) visant à reconquérir l'économie réelle .

M. Philippe Marini , président . - L'origine de la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle - grande ambition ! - se trouve en Moselle, département dont notre rapporteur pour avis est l'élu. Nous discuterons des questions de droit boursier, sur lesquelles notre commission est plus particulièrement saisie.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Quand j'avais contribué à la venue du candidat François Hollande à Florange, pendant la campagne présidentielle, je ne m'attendais pas à devoir rapporter sur les offres publiques d'acquisition (OPA)... Ce texte comporte, dans sa version transmise au Sénat, treize articles répartis en quatre titres, dont deux principaux. Il a été envoyé pour examen à la commission des affaires sociales, car plusieurs de ses articles modifient le code du travail.

Le titre I contraint ainsi les entreprises à préférer la cession à la fermeture d'un site industriel rentable. On a déjà vu des entreprises prêtes à fermer un site rentable. Un important producteur de papier, par exemple, comptait fermer son usine en France pour diminuer la production et faire monter les cours. Évidemment, il refusait de vendre le site à un concurrent indien. Le texte impose un dialogue social permanent sur le devenir de l'établissement dont la fermeture est envisagée. L'employeur devra justifier des suites qu'il réserve à chaque offre de reprise, c'est le volet préventif.

Si le comité d'entreprise estime que l'employeur n'a pas respecté ses obligations ou qu'il a refusé une offre de reprise sérieuse, le tribunal de commerce pourra infliger une sanction pécuniaire de vingt fois le SMIC par emploi supprimé dans le cadre du plan social. C'est le volet contraignant, auquel il est permis d'espérer qu'il ne sera pas nécessaire de recourir : un dialogue de qualité entre partenaires sociaux doit permettre de dégager la meilleure solution. Ces dispositions favoriseront le maintien des entités industrielles sur le territoire français. J'y suis favorable, même si notre commission n'est saisie que du titre III.

Composé de huit articles, et intitulé « mesures en faveur de l'actionnariat de long terme », celui-ci limite le poids des actionnaires financiers, tels que les fonds de pension ou les hedge funds , dans la gestion des entreprises françaises : un actionnaire de long terme, moins préoccupé par un rendement immédiat, est davantage susceptible d'accompagner le développement industriel d'une entreprise.

L'article 5 stabilise l'actionnariat en accordant des droits de vote double aux actionnaires qui restent plus de deux ans au capital. Les articles 4 bis , 4 ter et 8 luttent contre les OPA hostiles et le contrôle rampant. Contrôler une entreprise sans posséder plus de 50 % de son capital ou des droits de vote est préjudiciable aux actionnaires : ils supportent alors un risque financier et industriel sur lequel ils n'ont pas ou peu de prise. L'article 6 associe le comité d'entreprise au processus d'OPA en créant une véritable procédure d'information-consultation. Actuellement, celui-ci est seulement informé en cas d'OPA, et ses observations arrivent souvent assez tard dans le processus. L'article 7 ouvre plus largement les attributions gratuites d'actions à l'ensemble du personnel afin de favoriser l'actionnariat salarié, qui est une base stable sur laquelle le management peut s'appuyer lors d'une OPA hostile. Ainsi, en 2007, Eiffage a pu compter sur le soutien de ses 20 % d'actionnaires salariés.

M. Philippe Marini , président . - Je vous propose de procéder à l'examen des amendements au fil de la présentation des articles.

Article 4

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 4, qui abaissait à 25 % du capital ou des droits de vote le seuil de l'OPA obligatoire, fixé à 30 % depuis la loi de régulation bancaire et financière d'octobre 2010, a été supprimé par l'Assemblée nationale à l'issue d'un riche débat entre la rapporteure et le ministre, car cette mesure contre le contrôle rampant aurait été, selon les cas, soit insuffisante, soit de nature à empêcher le maintien d'actionnaires stables dans la durée. Je propose que le Sénat maintienne cette suppression.

Article 4 bis (nouveau)

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 4 bis introduit un seuil de caducité dans les OPA, afin d'éviter des prises de contrôle rampantes. Il s'agit de constater l'échec d'une OPA si l'initiateur ne réussit pas à acquérir au moins 50 % du capital ou des droits de vote, c'est-à-dire à atteindre le seuil du contrôle effectif. Cette disposition répond à des stratégies observées dernièrement. Ainsi, quand Porsche a dû lancer une OPA parce qu'elle avait atteint les 34 % du capital de Volkswagen, elle a sciemment offert un prix sous-évalué. Conservant 34 % du capital, elle a pris le contrôle effectif de l'entreprise sans en avoir payé le prix. Avec l'article 4 bis , l'OPA de Porsche aurait été considérée comme caduque et la société aurait été privée de l'ensemble des droits de vote attachés aux actions lui permettant de dépasser le seuil de l'OPA obligatoire.

M. Philippe Marini , président . - Cet article reprend une proposition qui figurait dans le rapport sur le droit des sociétés commerciales que j'avais remis, en 1996, au Premier ministre. L'administration a besoin de temps...

M. François Marc , rapporteur général . - Nous sommes tous contre les excès de vitesse !

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 1 procède à plusieurs ajustements rédactionnels et corrige une incohérence. En effet, le III de l'article 4 bis interdit à tout actionnaire dont l'OPA, obligatoire ou volontaire, a échoué, d'augmenter sa participation sans lancer une nouvelle OPA. Ainsi, un actionnaire détenant 10 % de la société et dont une précédente OPA a échoué serait contraint de lancer une OPA dès qu'il acquiert une action. C'est disproportionné. Mon amendement limite l'obligation de lancer une nouvelle OPA aux actionnaires disposant d'au moins 30 % du capital ou des droits de vote.

M. Aymeri de Montesquiou . - Il est nécessaire de favoriser la stabilisation de l'actionnariat et de privilégier les liens humains, effectifs, avec l'entreprise par rapport aux liens purement financiers. Pour autant, cela ne réduit-il pas le potentiel d'investissement ?

M. Philippe Marini , président . - Chacun répondra selon son analyse.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Cela ne posera pas de problème.

M. Philippe Marini , président . - Nous examinons un avis et votons sur des amendements présentés par le rapporteur pour avis, pas sur l'esprit général du texte. Acceptons d'examiner de manière technique les articles du titre III. La philosophie du texte, chacun pourra la discuter en séance.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - La moitié des entreprises du CAC 40 respectent déjà ces dispositions.

M. Philippe Marini , président . - Les sujets de désaccord éventuel portent plutôt sur les pouvoirs attribués aux instances de représentation, en particulier pour bloquer une opération.

M. Richard Yung . - A 30 %, l'actionnaire a déjà un intérêt dans l'entreprise. L'amendement ne découragera pas d'autres actionnaires ; il renforcera et stabilisera l'actionnariat. J'y suis favorable.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Sans mon amendement, l'actionnaire qui détient 10 % des droits et a échoué dans une OPA serait obligé de faire une OPA pour acquérir une action supplémentaire. Maintenons le seuil de 30 %.

M. Philippe Marini , président . - C'est celui qui est fixé par le droit actuel. Nous maintenons le principe de la caducité de l'OPA quand l'initiateur n'a pas obtenu 50 % des actions ou des droits de vote. Ces dispositions, qui existent dans le droit financier de plusieurs autres pays, n'ont rien d'illogique. Imaginons par exemple le cas d'une grande entreprise dont l'actionnaire principal serait français mais dont un grand groupe industriel étranger détiendrait une part importante du capital. À défaut d'une protection de type pacte d'actionnaires, la caducité permet de limiter le risque de voir le centre de décision d'une telle entreprise passer à l'étranger sans que l'initiateur de l'offre en paye le prix.

M. Francis Delattre . - Abstention.

MM. Dominique de Legge et François Trucy . - Nous aussi.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article additionnel après l'article 4 bis (nouveau)

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 2 introduit une clause de transition ou « clause de grand-père », pour prendre en compte les actionnaires qui bénéficient déjà d'une clause de transition suite à l'abaissement du seuil de l'OPA obligatoire de 33,33 % à 30 % en octobre 2010.

M. François Marc , rapporteur général . - Il s'agit d'un ajustement technique.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 4 ter (nouveau)

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Dernière mesure destinée à lutter contre le contrôle rampant, l'article 4 ter modifie les règles de l'excès de vitesse d'acquisition. Lorsqu'un actionnaire possède entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote, il peut accroître sa participation de 2 % sur douze mois sans être obligé de lancer une OPA. Cette souplesse semble excessive puisqu'en cinq ans, un actionnaire peut acquérir 10 % du capital, ce qui est considérable lorsque l'on en possède déjà au moins 30 %. Aussi l'article 4 ter ramène-t-il le seuil de l'excès de vitesse à 1 %. Début 2012, l'Autorité des marchés financiers avait lancé une consultation publique pour savoir s'il serait opportun de supprimer la règle de l'excès de vitesse. L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont estimé qu'il était préférable de préserver une certaine marge de respiration du capital, en particulier dans certaines entreprises ayant un important actionnariat familial.

La clause de transition est nécessaire, car l'excès de vitesse s'apprécie sur douze mois glissants. En conséquence, dès le jour de l'entrée en vigueur de la loi, un actionnaire ayant acquis 1,5 % du capital d'une société serait tenu de déposer une OPA. Avec mon amendement n° 3, les personnes dans cette situation ne seront pas soumises à l'obligation de déposer une OPA, mais ne pourront plus accroître leur participation, si cela revient à une augmentation de plus de 1 % sur douze mois glissants.

M. François Marc , rapporteur général . - Les excès de vitesse sur terrain glissant sont dangereux !

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 5

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 5 assure la présence d'actionnaires stables au capital des entreprises françaises, en généralisant la règle des droits de vote doubles au bout de deux ans de détention des actions, déjà largement répandue dans les sociétés du CAC 40. Les actionnaires restent libres de refuser les droits de vote double en modifiant les statuts. L'amendement n° 4 opère plusieurs modifications rédactionnelles.

M. Francis Delattre . - Je ne suis pas sûr que cela soit rédactionnel. Je m'abstiendrai.

M. Philippe Marini , président . - Il ne s'agit que de réécrire l'article ou le droit existant.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Il n'y a pas d'innovation sur le fond.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 5 supprime une clause anti-abus introduite par l'Assemblée nationale, très difficile à mettre en oeuvre et qui pourrait être source d'une forte insécurité juridique des décisions prises en assemblée générale.

Le droit de vote double est conféré au porteur d'une action et non à l'action elle-même : lorsque le porteur cède son action, le droit de vote double tombe. Pour contourner cette règle, certains actionnaires détiennent des sociétés-parkings qui sont les propriétaires des actions et donc les bénéficiaires du droit de vote double. Il est possible de céder une société-parking sans qu'elle perde le droit de vote double attaché aux actions. Afin de lutter contre ce schéma abusif, l'Assemblée nationale avait introduit une disposition indiquant que tout transfert indirect des actions faisait tomber le droit de vote double. Il est toutefois très difficile de suivre ce type de transfert. Cette nouvelle règle pourrait dès lors conduire à des erreurs de calcul des votes à prendre en compte lors des assemblées générales et, partant, fragiliser toutes leurs décisions. Je propose de supprimer cette notion de transfert indirect, qui pourrait être source d'insécurité juridique, comme nous l'ont signalé la plupart des personnes entendues.

M. Philippe Marini , président . - L'intention des députés était bonne, mais la formulation est inadéquate. Cette notion est trop floue et susciterait un abondant contentieux. La position du rapporteur me paraît prudente.

M. Francis Delattre . - Certaines entreprises, pour éviter les publications obligatoires des passages de seuil, utilisent des relais parfois opaques. Elles peuvent ainsi augmenter leur part dans l'actionnariat sans en informer le public. C'est l'un des cas les plus fréquents de manipulation. Nous l'avions vu dans l'affaire du Crédit lyonnais ainsi que, récemment, dans le secteur du luxe. Il faut garder cette disposition.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Cet amendement n'a rien à voir avec l'affaire LVMH - Hermès.

M. Francis Delattre . - Qu'est-ce qu'un transfert indirect, alors ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - En cas de franchissement de seuil, la déclaration est obligatoire.

M. Francis Delattre . - Dans ce cas, comment est-il possible de passer de 3 % à 20 % sans être détecté ?

M. Richard Yung . - Je partage, pour une fois, la préoccupation de Francis Delattre.

M. Francis Delattre . - Comme souvent...

M. Richard Yung . - L'Assemblée nationale a supprimé les sociétés-parking. Pourquoi revenir en arrière ? Ces sociétés ont un parfum...

M. Francis Delattre . - ... exotique !

M. Richard Yung . - Exactement. Pourquoi en crée-t-on ? Le vote double doit être attaché à une personne et ne pas pouvoir être attribué à une société qui perdurera. Ces stratégies ne sont pas claires et ne semblent pas être élaborées au bénéfice de l'entreprise.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Le texte de l'Assemblée ne supprime pas les sociétés-parking, mais les votes doubles en cas de transfert. Personne ne sait si une société est une société-parking ou non...

M. Aymeri de Montesquiou . - Il faudrait le savoir !

M. Philippe Marini , président . - Comment ? La société peut avoir d'autres activités. N'introduisons pas dans le droit financier des dispositions inapplicables. Un groupe familial peut être détenu par plusieurs personnes physiques, et celles-ci peuvent souhaiter se doter d'une société patrimoniale commune : pourquoi regarder d'un oeil méfiant un tel cas, qui n'a rien de pendable ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Supprimer la notion de transfert indirect évitera d'innombrables contentieux.

M. Philippe Marini , président . - Nous souscrivons à l'intention qui a conduit les députés à l'introduire, mais devons veiller à ce que les dispositions légales soient applicables.

M. Richard Yung . - N'y a-t-il pas des façons plus sûres de procéder ?

M. Philippe Marini , président . - Les meilleurs experts n'en ont pas trouvé !

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Non. Nous avons consulté l'Assemblée nationale : les rapporteurs de l'Assemblée nationale sont d'accord avec cette suppression, qui réduira l'insécurité juridique.

M. François Marc , rapporteur général . - Les députés ont été consultés.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - En effet, tous mes amendements leur ont été communiqués.

M. Philippe Marini , président . - Nous pouvons espérer un vote conforme ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Il faudrait d'abord que le texte soit adopté au Sénat. N'allons pas trop vite en besogne !

M. Francis Delattre . - Nous ne visons pas les cessions d'actions réalisées au vu et au su de tous ; nous combattons la dissimulation, qui ne se révèle que lorsque d'un coup des actionnaires apportent des paquets d'actions à un agresseur.

M. Philippe Marini , président . - Je comprends votre réaction : vous voulez séparer le bon grain de l'ivraie. Cela requiert une intervention extérieure et transcendante !

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 6

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 6 crée une véritable procédure d'information-consultation du comité d'entreprise en cas d'OPA, qui pourra entendre l'auteur de l'offre et émettre des observations. Afin de rendre plus constructif et plus nourri le dialogue entre les salariés de la société cible et l'initiateur de l'offre, l'avis du comité d'entreprise sera joint à la note en réponse, exprimant le point de vue des dirigeants sur l'OPA, et que la société cible doit transmettre à l'AMF et rendre publique. Le comité d'entreprise se prononcera dans un délai d'un mois, éventuellement avec l'aide d'un expert-comptable, qui se fera communiquer tout document par l'initiateur. En cas d'entrave manifeste à la mission de l'expert-comptable par l'initiateur, le comité d'entreprise aura la faculté de saisir, en référé, le président du tribunal de grande instance (TGI). Celui-ci pourra exiger la transmission de certains documents et allonger le délai dont dispose le comité d'entreprise pour se prononcer.

D'un commun accord avec la rapporteure au fond, je ne propose pas d'amendement sur cet article : les coquilles rédactionnelles et incohérences juridiques seront corrigées par ceux qu'elle déposera.

Ce dispositif me paraît équilibré. Une éventuelle intervention du juge évite que la procédure ne soit purement formelle et la prolongation des délais ne semble pas excessive. Le risque d'enlisement de la procédure judiciaire, redouté par beaucoup, existe déjà : la fusion entre Icade et Silic, pourtant amicale, a mis plus de deux ans à aboutir du fait des recours juridictionnels lancés par des actionnaires minoritaires, qui ont fini par être déboutés.

M. Philippe Marini , président . - L'article 6 concerne le droit boursier mais relève d'une inspiration plus sociale que financière. Je voterai contre en séance publique parce que je crains que la prolongation du délai d'avis par le TGI ne fasse l'objet d'appréciations différentes selon les tribunaux. Accorder ce pouvoir à un magistrat de TGI me semble inopportun.

M. Francis Delattre . - Pourquoi le TGI et pas le tribunal de commerce ?

M. Philippe Marini , président . - Vous pouvez déposer un amendement sur ce point : cela fera vivre le débat.

M. François Marc , rapporteur général . - Il y a une entrave, cela relève donc du TGI.

M. Francis Delattre . - Les TGI connaissent mal ces questions.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Y a-t-il des référés devant le tribunal de commerce ?

M. Philippe Marini , président . - Oui. Le président du tribunal délivre des ordonnances en référé.

M. François Marc , rapporteur général . - Il s'agit de cas d'entraves à l'examen par les experts comptables, destinées à empêcher la manifestation de la vérité sur l'état de la société. Cela ne relève pas des prérogatives du tribunal de commerce.

M. Philippe Marini , président . - Le sujet est complexe. Ce débat sera tranché en séance.

Article 7

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 7 offre la possibilité d'attribuer gratuitement des actions à l'ensemble des salariés jusqu'à hauteur de 30 % du capital social, contre 10 % à l'heure actuelle, afin de construire un bloc d'actionnaires salariés stable, qui constitue une base solide pour lutter contre une OPA hostile, comme l'a montré l'exemple d'Eiffage.

M. Philippe Marini , président . - Absolument.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - S'il est peu probable que les assemblées générales votent l'attribution de 30 % du capital social, le pourcentage de 10 % était trop faible.

M. Philippe Marini , président . - Il s'agit d'une faculté.

M. François Trucy . - D'un voeu !

Article 8 (nouveau)

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'article 8 concerne le principe de neutralité des organes dirigeants en période d'offre publique. Quelle doit être la position des organes dirigeants en cas d'OPA ? Cette question serait anodine s'il n'avait pas fallu vingt ans de négociations pour que les États-membres de l'Union européenne se mettent d'accord sur ce point dans le cadre de la directive OPA. Celle-ci retient le principe de neutralité. Les organes dirigeants doivent s'abstenir de toute intervention, à moins que l'assemblée générale des actionnaires ne les y autorise. En effet, une OPA s'adresse aux actionnaires et eux seuls doivent décider s'ils l'acceptent ou non. Puis, les dirigeants sont en situation de conflit d'intérêts si l'OPA doit aboutir à une stratégie industrielle différente de la leur. En 2006, conformément à la directive OPA, la France a adopté le principe de neutralité ainsi que le principe de réciprocité.

L'article 8 supprime le principe de neutralité qui peut néanmoins être réintroduit dans les statuts par l'assemblée générale. Les organes dirigeants doivent alors respecter les pouvoirs de celle-ci et l'intérêt social de l'entreprise. Les députés estiment que les organes dirigeants peuvent réagir immédiatement à une offre hostile, alors que la convocation rapide d'une assemblée générale est toujours délicate. Or une réaction précoce du conseil d'administration est davantage susceptible de faire échouer une offre hostile. Les organes dirigeants pourront effectuer une cession ou une acquisition d'actifs, mettre en oeuvre une clôture autour d'actifs stratégiques de l'entreprise, ou rechercher d'autres offres. Ils ne peuvent pas, cependant, toucher au capital de l'entreprise.

Mon amendement n° 6 est rédactionnel.

L'amendement rédactionnel n° 6 est adopté.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Les députés ont paradoxalement réduit le champ d'action des organes dirigeants par rapport à leur intention initiale. Le droit définit précisément la répartition des compétences entre les organes dirigeants et l'assemblée générale. Toutes les délégations accordées par celle-ci à ceux-là et susceptibles de faire échouer l'offre sont suspendues en période d'offre. L'assemblée générale recouvre tous ses pouvoirs. Il y a toutefois une exception : les délégations ne sont pas suspendues si l'initiateur de l'offre n'applique pas le principe de neutralité. Dans ce cas, l'assemblée générale doit avoir accordé les délégations dans les dix-huit mois précédant l'offre - on dit qu'elle doit s'être prononcée à froid - et dans l'hypothèse expresse d'une offre publique. Ce principe de réciprocité est une option offerte par la directive OPA de 2004. Or, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, toutes les délégations sont suspendues : les députés n'ont pas conservé cette exception de réciprocité. L'amendement n° 7 la réintroduit.

M. Philippe Marini , président . - L'article 8 nous fait sortir de l'hypocrisie actuelle. Par mégarde, l'Assemblée nationale n'a pas prévu la combinaison du principe de neutralité et du principe de réciprocité. L'amendement se situe dans le droit fil de la directive communautaire de 2004, qui comporte un système d'option.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Ainsi, lorsque l'initiateur sera neutre, les organes dirigeants pourront exercer leurs pouvoirs propres en vertu de la non-neutralité et toute délégation de l'assemblée générale sera suspendue. Lorsque l'initiateur ne sera pas neutre, les organes dirigeants pourront exercer leurs pouvoirs propres et les délégations de l'assemblée générale ne seront pas suspendues, pour autant qu'elles aient été accordées à froid. Bien sûr, l'assemblée générale peut toujours demander ou autoriser son conseil d'administration à mettre en oeuvre des mesures contre l'OPA, par exemple par le biais d'une émission de capital qui vient en renchérir le coût.

M. Francis Delattre . - C'est plutôt bien.

L'amendement n° 7 est adopté.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 8 effectue les coordinations nécessaires pour prévoir d'éventuelles dérogations à ce régime.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article 8 bis

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Dernier article sur lequel nous sommes saisis, l'article 8 bis demande un rapport au Gouvernement sur l'utilisation des actions spécifiques dont il dispose pour empêcher une OPA ou toute opération contraire aux intérêts stratégiques de la France. J'y suis favorable, sous réserve bien sûr de la confidentialité qui s'attache à certains droits et devoirs de l'État actionnaire.

Article additionnel après l'article 8 bis (nouveau)

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 9 diffère de trois mois l'entrée en vigueur des articles 4 ter , 6 et 8, pour lesquels il est nécessaire d'adopter des mesures réglementaires d'application.

M. Philippe Marini , président . - Cela ne concerne pas la mesure sur la caducité de l'OPA lorsque l'initiateur n'a pas atteint les 50 %.

Je suppose que ces amendements ont été discutés avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Ils l'ont été.

M. Philippe Marini , président . - Nous pouvons donc espérer des avis favorables.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Philippe Marini, président . - Je vous propose maintenant de nous prononcer globalement sur les articles dont nous nous sommes saisis.

M. Francis Delattre . - Nous nous abstenons.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés par ses amendements.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Je sollicite l'autorisation de la commission pour procéder demain aux éventuels ajustements nécessaires lors de la réunion de la commission des affaires sociales, ainsi que pour redéposer les amendements qu'elle ne retiendrait pas.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur pour avis . - Certains amendements de la commission des lois vont à l'encontre des nôtres.

M. Philippe Marini , président . - C'est un domaine conjoint : droit financier et droit des sociétés. Depuis le président Dailly, la commission des lois considère que le droit des marchés relève du droit commercial.

M. François Marc , rapporteur général . - Notre rapporteur pour avis saura convaincre.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 7 novembre 2013

Cabinet du ministre de l'économie et des finances

- M. Alexis Zajdenweber, conseiller financier ;

- M. Fabrice Aubert, conseiller juridique ;

- Mme Maëva Level, conseillère parlementaire.

Paris Europlace

- M. Arnaud de Bresson, délégué général ;

- M. Alain Pithon, secrétaire général.

M. Christophe Clerc, avocat

Mardi 12 novembre 2013

Association des actionnaires minoritaires

- Mme Colette Neuville, présidente

Association française des entreprises privées

- M. François Soulmagnon, directeur général ;

- Mme Odile de Brosses, directrice du service juridique.

Autorité des marchés financiers

- M. Gérard Rameix, président ;

- Mme Martine Charbonnier, secrétaire générale adjointe en charge de la direction des émetteurs et de la direction des affaires comptables ;

- M. Bertrand Durupt, directeur de la division des offres publiques ;

- Mme Laure Tertrais, conseillère législation et régulation à la direction des affaires juridiques.

ANNEXE - AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION DES FINANCES

ARTICLE 4 BIS

Amendement n° 1

I. - Alinéa 2, première phrase

Après la première occurence du mot :

section

supprimer le chiffre :

1

II. - Alinéa 3

A. - Après les mots :

ayant déposé le projet d'offre

insérer les mots :

, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce,

B. - Remplacer les mots :

d'actionnaires

par le mot :

générale

III. - Alinéa 4

A. - Remplacer les mots :

du quart

par les mots :

des trois dixièmes

B. - Après les mots :

par une personne

insérer les mots :

, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce,

IV. - Alinéa 5

A. -Après les mots :

par une personne

insérer les mots :

, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce,

B. - Après les mots :

détenant, directement ou indirectement, un nombre

insérer les mots :

d'actions ou de droits de vote

C. - Remplacer les mots :

le quart

par les mots :

les trois dixièmes

D. - Après les mots :

a augmenté sa détention

supprimer les mots :

en capital ou en droits de vote

V. - Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - La personne, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, qui a déposé une offre mentionnée à la section 2 du présent chapitre ou qui détient, directement ou indirectement, un nombre d'actions ou de droits de vote compris entre les trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote et qui a déposé une offre mentionnée à la section 1 du présent chapitre, dont l'offre est devenue caduque en application du I du présent article, ne peut augmenter sa détention en capital ou en droits de vote à moins d'en informer l'Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société. À défaut d'avoir procédé à ce dépôt, cette personne est privée des droits de vote attachés aux actions qu'elle détient au-delà de sa détention initiale du capital ou des droits de vote. »

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4 BIS

Amendement n° 2

Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour les personnes soumises aux dispositions transitoires du premier alinéa du II de l'article 92 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, le seuil du tiers du capital ou des droits de vote se substitue au seuil des trois dixièmes pour l'application des dispositions prévues au II de l'article L. 433-1-2 du code monétaire et financier.

ARTICLE 4 TER

Amendement n° 3

I. - Alinéa 2, première phrase

A. - Remplacer les mots :

Pendant une durée de douze mois à compter du 17 juillet 2013,

par les mots :

Les dispositions du premier paragraphe du I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier ne sont pas applicables à

B. - Après les mots :

un nombre d'actions

insérer les mots :

ou de droits de vote

C. - Après le mot :

centième

insérer les mots :

et d'au plus un cinquantième

D. - Avant les mots :

est tenue d'informer

insérer, au début d'un nouvel alinéa, les mots :

Toute personne mentionnée à l'alinéa précédent

E. - Compléter cette phrase par :

, sauf si cette augmentation demeure inférieure à un centième du capital ou des droits de vote au cours de douze mois consécutifs

II. - Alinéa 2, seconde phrase

A. - Remplacer les mots :

les titres acquis par cette personne

par les mots :

cette personne est privée des droits de vote attachés aux actions acquises

B. - Remplacer les mots :

sont privés du droit de vote

par le mot :

initiale

ARTICLE 5

Amendement n° 4

I. - Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I. - L'article L. 225-123 du code de commerce est ainsi modifié :

II. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou une assemblée générale extraordinaire ultérieure », sont supprimés ;

III. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et dont les statuts n'attribuent pas un droit de vote double dans les conditions prévues au premier alinéa, les droits de vote double prévus au premier alinéa sont de droit, sauf clause contraire des statuts, pour toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d'une inscription nominative depuis deux ans au nom du même actionnaire. Il en est de même pour le droit de vote double conféré dès leur émission aux actions nominatives attribuées gratuitement en application du deuxième alinéa. »

IV. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. - Pour l'application du dernier alinéa du même article L. 225-123, dans sa rédaction résultant du I du présent article, la comptabilisation de la durée de l'inscription nominative débute à compter de la date de promulgation de la présente loi.

V. - Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

II bis . - À la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les clauses statutaires qui attribuent un droit de vote double dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 225-123 du code de commerce continuent de s'appliquer.

VI. - Alinéa 11

Après la référence :

Le II

insérer les références :

et le II bis

Amendement n° 5

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 8

Amendement n° 6

Alinéa 3

A. - Remplacer les mots :

toutes décisions

par les mots :

toute décision

B. - Remplacer les mots :

assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social de la société

par les mots :

assemblées générales et dans le respect de l'intérêt social de la société

Amendement n° 7

Après l'alinéa 4

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

c) Sont ajoutés deux paragraphes ainsi rédigés :

« IV. - Les dispositions prévues au III ne sont pas applicables lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, dont l'une au moins applique les dispositions prévues au I ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités dont l'une au moins applique ces dispositions ou des mesures équivalentes.

« Toutefois, les dispositions prévues au III s'appliquent si les seules entités qui appliquent les dispositions prévues au I ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui appliquent ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre.

« Toute contestation portant sur l'équivalence des mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers.

« V. - Dans le cas où le premier alinéa du IV s'applique, toute délégation mise en oeuvre par le conseil d'administration, le directoire après autorisation du conseil de surveillance, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doit avoir été expressément autorisée pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour du dépôt de l'offre. » ;

Amendement n° 8

I. - Alinéa 6

A. - Avant les mots :

Les statuts

insérer la référence :

I. -

B. Après les mots :

être autorisées préalablement par l'assemblée générale

supprimer la fin de l'alinéa

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. - Par dérogation aux dispositions du I de l'article L. 233-32, les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir qu'en période d'offre publique, toute décision du conseil d'administration, du directoire après autorisation du conseil de surveillance, du directeur général ou de l'un des directeurs généraux délégués, prise avant la période d'offre, qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale.

« III. - Les statuts peuvent prévoir que les dispositions des I et II s'appliquent pour toute offre ou uniquement lorsque l'offre est engagée par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités, dont le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent également obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres. »

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 8 BIS

Amendement n° 9

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 4 ter , 6 et 8 entrent en vigueur pour les offres publiques d'acquisition dont le dépôt intervient à compter du premier jour du quatrième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi au Journal officiel.


* 1 À l'initiative de François Brottes et de Clotilde Valter, respectivement président et rapporteure de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, celle-ci a modifié le titre de la présente PPL, qui s'intitule désormais « Proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle ».

* 2 Article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

* 3 Christophe Clerc, Fabrice Demarigny, Diego Valiante, Mirzha de Manuel Aramendia, A Legal and Economic Assessment of European Takeover Regulation , 2012 .

* 4 Fortune Global 500, Classement 2012 des 500 plus grandes entreprises mondiales, 8 juillet 2013.

* 5 Christian Gaudin, La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation , n° 347, 22 juin 2007.

* 6 AMF, Rapport sur les déclarations de franchissements de seuil de participation et les déclarations d'intention , Groupe de travail présidé par Bernard Field, octobre 2008.

* 7 Source : http://www.boursedeparis.fr/cours/actions-paris , consulté le 23 janvier 2014.

* 8 Le compartiment A comprend les sociétés dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard d'euros ; le compartiment B, les sociétés dont la capitalisation est comprise entre 150 millions et 1 milliard d'euros ; le compartiment C, les sociétés dont la capitalisation est inférieure à 150 millions d'euros.

* 9 Article 231-6 du RGAMF.

* 10 AMF, Rapport sur les déclarations de franchissements de seuil de participation et les déclarations d'intention , Groupe de travail présidé par Bernard Field, octobre 2008.

* 11 Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

* 12 Rapport de Clotilde Valter, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 1283, 17 juillet 2013, p. 109.

* 13 Note en réponse visée par l'AMF le 29 novembre 2010.

* 14 Cf. commentaires des articles 4 et 4 ter.

* 15 Stéphane Torck, « La proposition de loi « Florange » et le droit des offres publiques », in Droit des sociétés, janvier 2014.

* 16 Karine Angel, Didier Martin, « Régime des offres publiques. - Pour l'introduction d'un seuil de caducité obligatoire ? », in Droit des sociétés, janvier 2013.

* 17 Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

* 18 C'est-à-dire par inscription des titres sur un compte-titres détenu chez un intermédiaire, comme, par exemple, un établissement bancaire.

* 19 À l'exception des transferts en propriété « par suite de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs au profit d'un conjoint ou d'un parent au degré successible ».

* 20 Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française , rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012.

* 21 Directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

* 22 Il s'agit de la « note en réponse » publiée par la société visée.

* 23 L'auteur de l'offre peut être entendu deux fois : une fois au moment du dépôt de l'offre et une fois au moment de la publication de la note d'information.

* 24 Article 2 de l'annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises.

* 25 Directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

* 26 Décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l'Etat au capital de Gaz de France SA.

* 27 Décret n° 2011-268 du 14 mars 2011 instituant une action spécifique de l'Etat au capital de SNPE Matériaux Energétiques.

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