B. LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT, PREMIER PAS VERS UN CHANGEMENT DE MODÈLE

Le Grenelle de l'environnement a marqué en France un tournant inédit , tant dans l'approche du développement durable en tant que politique , que dans la méthode, innovante et participative , appliquée pour sa mise en oeuvre. Ce qu'on regroupe aujourd'hui sous le vocable de « Grenelle de l'environnement », c'est à la fois un ensemble de textes et une méthode, dont l'origine figure dans le « pacte écologique » que Nicolas Hulot avait soumis à la signature des candidats à l'élection présidentielle de 2007.

La prise de conscience de l'ampleur de la mutation écologique à effectuer et du changement de modèle que nous devons mettre en oeuvre ont trouvé leur concrétisation politique dans ce moment « grenellien » , qui selon les mots du ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo, nous imposait « de façon collective, une remise en cause conceptuelle de nos modes de production et de consommation, ainsi que de nos modes de gouvernance » . Une triple conviction résumait selon lui cette nouvelle forme de « démocratie écologique » : une méthode, un diagnostic et un nouveau chemin de compétitivité.

Six groupes de travail thématiques, chacun composé de membres de cinq collèges, représentant l'État, les collectivités locales, les organisations non gouvernementales, le patronat et les syndicats, élaborèrent des propositions. Puis, après le temps d'une large consultation du public via des forums, des réunions en région et une négociation nationale, vint celui du Parlement, avec l'examen et l'adoption des deux projets de loi dits « Grenelle I » et « Grenelle II » : la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, première du genre, texte fondateur fixant des objectifs ambitieux ayant vocation à constituer un cadre d'action pour les pouvoirs publics ; et la loi n° 2010-788 portant engagement national pour l'environnement.

Ces deux textes, l'un programmatique, l'autre de mise en oeuvre, portaient déjà, pour la première fois, le caractère englobant exigé par l'urgence de la mutation écologique en cours. Tous les pans y sont abordés, en cohérence les uns avec les autres : l'amélioration énergétique des bâtiments, la politique des transports, l'urbanisme, la réduction des émissions de gaz à effet de serre par le secteur de l'énergie, la préservation de la biodiversité, l'eau, l'agriculture, la maîtrise des risques, le traitement des déchets et la santé, la recherche ou encore la gouvernance écologique.

Premier jalon donc de cette approche globale mais aussi premier pas vers une réflexion plus large autour du concept de démocratie écologique , qui s'est notamment poursuivie en France autour des travaux de Dominique Bourg et Kerry Whiteside qui ont publié en 2010 Vers une démocratie écologique . Le citoyen, le savant et le politique : comment en effet mieux prendre en compte les enjeux environnementaux tant au niveau des citoyens que des politiques publiques ?

Les mesures fortes du Grenelle, comme la création d'une trame verte et bleue pour préserver la biodiversité, l'instauration de premiers objectifs en matière d'énergies renouvelables ou de nouvelle normes d'isolation dans le secteur du bâtiment, ont coïncidé avec une forte appropriation citoyenne des enjeux écologiques, puisque 70 % des Français à l'époque accueillaient ces mesures de manière très positive.

La méthode du Grenelle

« La méthode, vrai succès du Grenelle ». Le rapport sénatorial de 2013 sur l'application des lois Grenelle 4 ( * ) soulignait ainsi la contribution essentielle et durable du Grenelle de l'environnement à la rénovation des procédures de consultation et d'élaboration des normes. Le Grenelle a été lancé à l'été 2007. Cette grande concertation s'est distinguée par sa méthode et sa « gouvernance à cinq ». Le Grenelle a en effet été conduit par cinq collèges représentant les différentes parties prenantes, pour associer tout le corps social : représentants de l'administration, élus locaux, syndicats de salariés, organisations d'employeurs, associations de protection de l'environnement. Six groupes de travail thématiques ont été créés pour mener un travail de diagnostic, avec une composition à part égale entre les cinq collèges. Les propositions de ces groupes ont été remises en septembre 2007. Une grande phase de consultations a suivi, avec des réunions en région, des forums internet, une consultation des formations politiques et des débats au Parlement. Les cinq collèges se sont ensuite réunis en octobre 2007 autour de plusieurs tables rondes, pour finalement proposer 265 engagements . Début 2008, trente-quatre comités opérationnels ont travaillé sur les mesures concrètes permettant de mettre en oeuvre ces engagements.

Le Grenelle de l'environnement a été retranscrit par le Parlement dans deux textes :

- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (loi Grenelle I) qui fixe les objectifs de la politique environnementale sans mesures d'application directe. Adoptée à une quasi-unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat, cette loi procède essentiellement à une ratification des engagements issus du Grenelle.

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (loi Grenelle II) qui prévoit les mesures d'application pour atteindre les objectifs de la loi Grenelle I. Le Parlement a considérablement enrichi le projet. Le texte adopté comprend 257 articles répartis en six titres.

Le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a suivi une méthode proche de celle du Grenelle , en pérennisant la logique de participation mise en place, bien que la consultation ait été moins large qu'en 2010. La Conférence environnementale de septembre 2012 a permis d'élaborer une feuille de route pour le futur texte sur la transition énergétique.

Elle a été suivie par un Débat national sur la transition énergétique mené entre novembre 2012 et juillet 2013 . Cette phase a reproduit une organisation en collèges avec une large consultation du public : 1 000 débats territoriaux rassemblant 170 000 participants, une journée citoyenne dans les régions, des journées de l'énergie, et un site internet dédié. La synthèse de ces travaux a été remise au Président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre 2013. Le Conseil national de la transition énergétique, remplaçant depuis 2012 le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement 5 ( * ) , a mené des travaux préparatoires sur le futur texte à partir de décembre 2013 au sein d'une commission spécialisée. À l'issue de ces travaux, et après consultation de plusieurs instances dont le Conseil économique, social et environnemental, le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a été présenté en Conseil des ministres le 30 juillet 2014. L'Assemblée nationale a eu un temps relativement limité pour l'examiner, avec une commission spéciale constituée le 9 septembre et un vote solennel en séance publique le 14 octobre 2014. Au Sénat, l'examen du texte par les commissions concernées a été précédé d'un nombre particulièrement important d'auditions, afin d'enrichir les débats parlementaires.


* 4 Rapport d'information de Laurence ROSSIGNOL et Louis NÈGRE fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur l'application des lois Grenelle I et Grenelle II, 23 janvier 2013.

* 5 Le CNDDGE est une instance créée par la loi Grenelle I pour assurer le suivi de son application, réuni tous les deux mois et reprenant l'organisation en cinq collèges. La création du CNTE a permis d'ajouter un collège de parlementaires.

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