EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. Philippe Bas , président . - Nous examinons ce matin le rapport pour avis de Mme Muriel Jourda sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Ce projet de loi s'inscrit dans la droite ligne de la loi que le Sénat a adoptée il y a un peu plus d'un an sur l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il a pour but premier de fixer les modalités de gouvernance de la nouvelle agence nationale du sport. C'est pourquoi son examen a été délégué au fond à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Notre commission s'est saisie, quant à elle, des deux premiers articles du projet de loi, pour l'examen desquels elle a reçu une délégation au fond. Ces articles ont pour objet, d'une part, de ratifier l'ordonnance prise en application de l'article 24 de la loi que je viens de citer, d'autre part, d'harmoniser le contentieux en matière d'urbanisme.
L'article 1 er du projet de loi tend à ratifier l'ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à l'exercice de la police de la circulation lors des Jeux. Dans le but de faciliter le transport et l'acheminement des moyens de sécurité, l'ordonnance définit les modalités selon lesquelles la fluidité de la circulation sera assurée. Elle comporte quatre articles majeurs. Je vous propose de les examiner dans le même état d'esprit bienveillant que celui que nous avions adopté lors de l'examen du précédent projet de loi. Il me semble, en effet, que nous partageons tous le souhait que ces Jeux soient une réussite.
L'article 1 er de l'ordonnance porte sur la création des voies et portions de voies réservées aux personnes accréditées et aux véhicules de secours et de sécurité, qui seront déterminées par décret. Nous pourrions considérer que cela ne nous avance guère... Mais l'ordonnance apporte malgré tout quelques précisions sur les conditions de mise en service de ce dispositif. La période d'abord : des voies pourront être réservées du 1 er juillet au 15 septembre 2024. Le lieu ensuite : elles pourront l'être dans les départements accueillant un site de compétition ou dans un département limitrophe. Il est par ailleurs précisé que les voies pourront être réservées de manière permanente ou pendant des périodes déterminées. Des précisions pour assurer la proportionnalité de ces mesures me semblent nécessaires, la circulation étant déjà suffisamment difficile en Île-de-France...
Je me suis également interrogée sur la période prévue dans l'ordonnance pour la mise en service de ces voies : pourquoi en effet commencer le 1 er juillet, si les jeux Olympiques ne commencent que le 26 ? Le Gouvernement nous a expliqué, à raison me semble-t-il, qu'il était nécessaire d'anticiper la mise en place de ces voies, d'une part car les 206 délégations attendues devraient arriver quinze jours avant le début de la compétition, d'autre part pour ménager un laps de temps pour expérimenter le dispositif, s'assurer qu'il donne satisfaction et, le cas échéant, lui apporter des ajustements.
En pratique, le nombre de kilomètres linéaires de voirie concernée, initialement évalué à 324 km, a été revu à la baisse et s'établit désormais à 289 km, ce qui me paraît une bonne chose.
Le Gouvernement envisage de réserver certaines voies de manière permanente, pendant toute la période, à raison de 18 à 20 heures par jour, d'autres seulement pendant quelques jours. Certaines voies, dites « activables », pourront par ailleurs être mises en service, en fonction des besoins, pour des périodes beaucoup plus courtes, de l'ordre de quelques heures.
Je vous proposerai d'approuver cet article, mais non sans ajouter une référence au principe de proportionnalité, afin d'encourager le Gouvernement à persévérer dans la réduction au strict nécessaire du nombre de voies concernées.
L'article 2 de l'ordonnance donne compétence aux autorités préfectorales pour définir, par arrêté, les voies de délestage ainsi que les voies qui concourent à l'organisation des Jeux. Il est prévu que celles-ci soient déterminées en Île-de-France, par le préfet de police, dans les autres départements, par le préfet de la zone de sécurité et de défense. Je vous proposerai, sur cet article, que soit rappelée la période concernée par ce transfert de compétence et que l'autorité normalement détentrice de ce pouvoir soit consultée avant toute décision.
L'article 3 prévoit quant à lui le transfert aux autorités étatiques du pouvoir de police de la circulation et du stationnement, sur les voies réservées, les voies de délestage et les voies concourant à l'organisation des Jeux. Il paraît en effet nécessaire de confier à une autorité unique cette compétence, aujourd'hui éclatée entre plusieurs autorités. Comme à l'article 2 de l'ordonnance, le pouvoir de police de la circulation serait transféré au préfet de police, en Ile-de-France, et au préfet de la zone de sécurité et de défense, dans les autres départements concernés.
Enfin, l'article 4 de l'ordonnance prévoit que le préfet de police donnera son avis et pourra émettre des prescriptions sur les projets de travaux susceptibles d'avoir une incidence sur les voies réservées. Cela me semble cohérent. Là encore, je vous proposerai de préciser la procédure applicable, sans rien changer au fond.
À la lumière de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 1 er du projet de loi, modifié par mes amendements d'ajustement.
L'article 2 du projet de loi donne compétence à la cour administrative d'appel de Paris sur les déférés préfectoraux afférents aux opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière liées à l'organisation et au déroulement des Jeux. Il s'agit d'harmoniser le traitement contentieux de ces opérations, un décret adopté le 26 décembre 2018 ayant déjà donné compétence à cette juridiction sur les autres types de recours. Cela se conçoit, même si le délégué interministériel a eu raison de qualifier de « baroque » l'hypothèse que le préfet défère une décision prise par l'État dans ce domaine... C'est sans doute effectivement une hypothèse d'école. Je propose néanmoins d'adopter cet article, modifié par un amendement qui élimine la référence à un texte réglementaire.
Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je dois vous confier un problème métaphysique : je croyais que la police de la circulation était du domaine règlementaire. Je ne comprends pas trop ce méli-mélo d'ordonnances, de lois, de décrets... Mais cela doit être dû à mon ignorance des subtilités des actions du Gouvernement...
M. Philippe Bas , président . - Bien au contraire, c'est une excellente question !
M. Alain Richard . - ... que je me pose également : si l'on ouvre le code de la route, on voit bien que la partie législative ne dit rien sur la circulation, qui est régie par des articles de la partie règlementaire. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement veut un support législatif pour les mesures qu'il veut prendre.
Mme
Muriel Jourda
, rapporteur pour avis
. - Nous
avons autorisé le Gouvernement à prendre une ordonnance, et
celle-ci renvoie à un décret
- c'est en effet
étrange. Le recours à la loi était toutefois
nécessaire, dans la mesure où la répartition des
compétences s'agissant du pouvoir de la police de la circulation,
à laquelle il est prévu de déroger, est fixée par
la loi : celles situées en agglomération sont du ressort du
maire, la voirie départementale dépend du président du
conseil départemental et les voies nationales du préfet.
M. Alain Richard . - Ce qui est donc de niveau législatif, c'est de confier au préfet la compétence sur des voies qui ne sont pas nationales.
M. Pierre-Yves Collombat . - À Paris, il ne doit pas y en avoir beaucoup !
M. Alain Richard . - Certaines grandes artères de banlieue sont des départementales.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-6 complète l'article 1 er de l'ordonnance pour préciser que les voies réservées devraient être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis. Il vise par ailleurs à encadrer les conditions dans lesquelles les autorités préfectorales se verront déléguer le pouvoir de police et de circulation pendant la période. À l'article 2, il limite la durée pendant laquelle ces autorités seront autorisées à déterminer la liste des voies de délestage et des voies concourant au déroulement des jeux, et prévoit une consultation préalable des autorités normalement détentrices du pouvoir de police de la circulation. À l'article 4, l'amendement précise les conditions dans lesquelles le préfet de police sera, en Île-de-France, saisi pour avis des projets de travaux et d'aménagements susceptibles d'influer sur les voies réservées.
L'amendement COM-6 est adopté.
Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Afin d'éviter une référence à une disposition de nature règlementaire, cet amendement prévoit que le contentieux des déférés préfectoraux en matière d'urbanisme sera attribué à une juridiction unique, statuant en premier et dernier ressort, renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de procéder à sa désignation ainsi qu'à l'énumération des actes concernés.
L'amendement COM-7 est adopté.
M. Philippe Bas , président . - Nous aurions pu attendre du Conseil d'État qu'il eût choisi cette solution plus élégante. Mais ici, grâce à Mme Jourda, nous le surpassons !
Je vous propose de donner un avis favorable au texte, sous réserve de l'adoption de nos amendements.
Il en est ainsi décidé.