II. Examen du rapport

Réunie le mercredi 13 octobre 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Mme Frédérique Puissat, rapporteur, sur le projet de loi n° 869 (2020-2021) en faveur de l'activité professionnelle indépendante.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entamons une matinée de travail très chargée puisqu'à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), traditionnel en cette période, s'ajoute celui d'un nombre important de textes.

Notre commission s'est ainsi saisie pour avis du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, pour lequel elle a reçu une délégation au fond sur les articles 9 et 10. Notre rapporteur, Frédérique Puissat, devra ensuite nous quitter pour aller livrer à la commission des lois le contenu de nos travaux. Je lui laisse donc la parole sans tarder.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Le Gouvernement a présenté, le 16 septembre dernier, un plan en faveur des travailleurs indépendants dont les vingt mesures entendent mieux protéger et accompagner cette catégorie de travailleurs.

Le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante dont nous sommes saisis pour avis est la traduction législative d'une partie des mesures du plan. Toutefois, ce projet de loi ne sera pas le seul débouché de ce plan, qui se déclinera également dans le PLFSS et dans divers textes réglementaires.

Le texte a été déposé au Sénat le 29 septembre, si bien qu'il nous revient de l'examiner les premiers dans un calendrier très resserré.

J'estime de manière générale que les mesures visant à promouvoir le développement du travail indépendant doivent être soutenues, ce dernier étant porteur de fortes opportunités économiques. En outre, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont mis en lumière les besoins de protection sociale d'un grand nombre de travailleurs indépendants ainsi que les lacunes de leur couverture actuelle. Il ne faut cependant pas être dupes de l'opportunité de cet ensemble de mesures, et la proximité d'échéances électorales ne saurait justifier d'agir dans la précipitation.

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre, pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, des articles 9 et 10 du projet de loi dont notre commission a reçu délégation au fond.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives :

- à la protection des travailleurs indépendants contre le risque de perte d'emploi ;

- à l'organisation et au financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs :

- à la sécurité sociale (maladie, retraite, régime de cotisations, etc. ) ;

- au régime d'assurance chômage ;

- au droit à la formation professionnelle des salariés ;

- au compte personnel de formation.

J'en viens à mon rapport sur les articles 9 et 10 du projet de loi.

L'article 9 porte sur l'allocation des travailleurs indépendants, l'ATI, instituée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette prestation devait concrétiser la promesse de campagne du Président de la République d'une ouverture de l'assurance chômage à tous les actifs, y compris aux travailleurs indépendants.

Le dispositif est applicable depuis le 1 er novembre 2019. D'un montant forfaitaire de 800 euros par mois, cette prestation, intégralement financée par l'assurance chômage, mais non contributive, est versée pendant une période maximale de six mois non renouvelable. Elle peut se cumuler pendant 3 mois avec des revenus professionnels.

L'ouverture de ce nouveau droit a cependant été très prudente. Plusieurs conditions cumulatives spécifiques, précisées par décret, doivent en effet être satisfaites pour bénéficier de l'ATI : des ressources personnelles inférieures au montant du revenu de solidarité active (RSA) ; l'exercice effectif et continu d'une activité indépendante pendant les deux ans précédant la date de cessation de l'activité, au sein d'une seule et même entreprise, générant un revenu de 10 000 euros par an au minimum ; une cessation d'activité définitive et involontaire, l'entreprise devant avoir fait l'objet soit d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire, soit d'une procédure de redressement judiciaire dans laquelle l'adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au remplacement du dirigeant.

Il en résulte un premier bilan décevant : alors que le projet de loi Avenir professionnel de 2018 visait 29 000 bénéficiaires potentiels pour un budget de 140 millions d'euros, seules 1 107 ouvertures de droit avaient été enregistrées par Pôle emploi au 17 septembre 2021. Les dépenses au titre de la prestation se sont élevées à 3,1 millions d'euros en 2020. Il est vrai que ce bilan doit être relativisé au regard des conditions exceptionnelles dues à la pandémie de covid-19 : en raison des mesures d'urgence prises par l'État, les procédures collectives visées par le dispositif d'ATI ont été, en 2020, en net recul.

Cet échec étant notamment imputé à des conditions d'éligibilité trop restrictives, l'article 9 vise à ouvrir une nouvelle voie d'accès à l'ATI en ajoutant une condition alternative à la cessation d'activité définitive et involontaire. Auraient ainsi droit à l'ATI les travailleurs qui étaient indépendants au titre de leur dernière activité et dont l'entreprise a fait l'objet d'une déclaration de cessation totale et définitive d'activité, lorsque cette activité n'est pas économiquement viable.

Le caractère non viable de l'activité devra être attesté par un « tiers de confiance » désigné dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. Il pourrait s'agir, en l'état de la réflexion du Gouvernement, d'un expert-comptable.

Cet article propose également, afin d'encadrer cette nouvelle ouverture de droit, de mettre en place un « délai de carence » entre deux demandes d'ATI. Il prévoit ainsi qu'une personne ne pourra bénéficier de l'allocation pendant une période de cinq ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure.

D'autres aménagements du dispositif, notamment un assouplissement de la condition de revenu d'activité - qui serait désormais de 10 000 euros minimum sur l'une des deux dernières années d'activité non salariée, au lieu de 10 000 euros minimum en moyenne sur les deux ans - devraient être mis en oeuvre par voie réglementaire.

L'ATI est une prestation « mal née », que les travailleurs indépendants ne demandaient pas et dont les paramètres semblent déconnectés des réalités du terrain. Étant donné son échec quantitatif, la question de la modification de ces paramètres et des conditions d'accès à la prestation doit nécessairement être posée. Je m'interroge toutefois sur la temporalité de la réforme proposée, qui intervient après moins de deux ans de fonctionnement de la prestation, sur lesquels quatre mois seulement ont été significatifs en raison de la crise sanitaire.

L'attente croissante de protection sociale de la part des travailleurs indépendants, en lien avec l'avènement des micro-entrepreneurs, plaide cependant pour ouvrir sans attendre les conditions d'accès au dispositif. L'existence de l'ATI peut en effet contribuer à encourager des travailleurs à tenter leur chance et à créer leur activité.

Concrètement, le dispositif proposé permet aux micro-entrepreneurs d'être plus facilement éligibles à l'ATI, puisque ces derniers ont rarement recours aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire. Il convient cependant de prêter attention au coût que pourrait occasionner, pour les travailleurs concernés, l'intervention du « tiers de confiance » prévue par le texte pour attester du caractère non viable de l'activité, s'il s'agit d'un expert-comptable.

L'introduction d'un délai de carence de cinq ans devrait permettre de prévenir l'aléa moral que pourrait engendrer cette ouverture, ainsi que le risque de dérive financière. En outre, il convient de préciser que les travailleurs indépendants, s'ils ne cotisent pas à l'assurance chômage, contribuent à hauteur de 5 milliards d'euros aux 38,7 milliards d'euros de recettes de l'Unédic à travers l'affectation à l'assurance chômage d'une fraction de la CSG sur les revenus d'activité.

Cette réforme précoce en l'absence de bilan significatif appelle toutefois l'introduction d'une « clause de revoyure ». Pour nous assurer de son effectivité, je propose de fixer à titre conservatoire au 31 octobre 2024, soit cinq ans après l'entrée en vigueur du dispositif, la date limite pour demander l'ATI. Au plus tard six mois avant cette date, soit le 30 avril 2024, le bilan et les perspectives de l'ATI devront avoir fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des travailleurs indépendants. Le législateur sera ainsi en mesure de se prononcer de manière éclairée sur la prolongation et l'éventuelle réforme du dispositif.

Cette protection des travailleurs indépendants comporte un deuxième étage, composé de solutions assurantielles volontaires. Ainsi, la GSC, association administrée par les organisations patronales, propose une garantie contre la perte d'emploi qui est aujourd'hui insuffisamment utilisée. Afin de « marcher sur deux jambes » et de promouvoir cette protection complémentaire, il serait intéressant que les acteurs de l'écosystème de l'entreprise - Pôle emploi, banques, chambres consulaires et chambres des métiers, experts-comptables - informent, à l'occasion de leurs interventions, les travailleurs indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance contre la perte d'emploi subie ainsi que des déductions fiscales permises par le dispositif « Madelin ».

L'article 10 est relatif aux circuits de financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants, et notamment des artisans.

Pour des raisons historiques, les chefs d'entreprise artisanale et les micro-entrepreneurs inscrits au répertoire des métiers sont les seuls travailleurs non salariés qui dépendent de deux guichets pour le financement de leur formation professionnelle : d'une part, les conseils de la formation au sein des chambres régionales des métiers et de l'artisanat, qui financent les actions de formation « transverses » et non spécifiques aux métiers - par exemple, les formations en comptabilité-gestion, en informatique, en management, en langues étrangères, etc. ; d'autre part, le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise exerçant une activité artisanale, le Fafcea, chargé de financer toutes les autres formations des artisans, qui sont principalement des formations « métiers ».

La contribution à la formation professionnelle (CFP) acquittée par les chefs d'entreprise artisanale, d'un montant égal à 0,29 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 119 euros, est ventilée entre les chambres des métiers, à hauteur de 41 %, et le Fafcea, à hauteur de 59 %, après déduction des ponctions réalisées pour financer le conseil en évolution professionnelle (CEP) et le compte personnel de formation (CPF).

Le système est peu efficient et l'existence de deux guichets est source de complexité pour les professionnels concernés. Par ailleurs, les ressources des fonds de la formation professionnelle des artisans ont nettement diminué à la suite du transfert, en 2018, de la collecte de la CFP aux Urssaf. Ce transfert a d'abord provoqué le départ du régime de nombreux « assimilés salariés » qui se trouvaient payer une double cotisation. De nombreuses erreurs dans le fléchage de la CFP des artisans ont par ailleurs été constatées depuis cette réforme. Les mesures d'urgence prises par le Gouvernement ont également contribué à la diminution des recettes. Au total, celles-ci seraient passées d'environ 100 millions à environ 50 millions d'euros.

L'article 10 propose d'unifier le financement de la formation professionnelle des artisans en affectant les sommes collectées à un unique fonds d'assurance-formation de droit commun. La totalité du produit de la CFP acquittée par les artisans sera affectée au fonds unique, qui succédera en pratique au Fafcea.

Cet article harmonise plus largement les circuits de financement de la formation des travailleurs indépendants. À compter de 2022, l'ensemble des contributions à la formation professionnelle des travailleurs indépendants non agricoles seront reversées à France compétences, qui procédera à la répartition des fonds entre les différents affectataires : le fonds d'assurance-formation des non-salariés concerné ; la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du CPF ; et les opérateurs chargés de la mise en oeuvre du CEP.

Le regroupement des fonds de la formation professionnelle des artisans répond à une attente de simplification des professionnels concernés. Il suscite néanmoins certaines inquiétudes.

D'abord, cette unification met fin à la répartition actuelle du produit de la CFP des artisans entre les formations « métiers » et les formations « transverses ». Sans remettre en cause la plus grande souplesse que devrait permettre cette réforme, il serait opportun d'associer le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du futur fonds unique afin de veiller à ce qu'une part significative des financements reste consacrée au développement des compétences des chefs d'entreprise artisanale en matière de gestion.

Ensuite, les modifications successives du circuit de financement de la formation de ces professionnels ne doivent pas se traduire par des déperditions. Or, les difficultés de fléchage rencontrées par les Urssaf ne sont à ce jour pas résolues. Par ailleurs, la situation financière de France compétences interroge sur l'opportunité d'un transfert à l'opérateur de la répartition de nouveaux flux.

Une réforme insuffisamment préparée faisant courir le risque de ruptures de financement semblables à celles que les fonds ont connues en 2019, je vous proposerai un amendement à l'article 14, relatif à l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi, afin de reporter au 1 er janvier 2023 l'ensemble de la réforme.

Telles sont, mes chers collègues, mes conclusions sur ce texte dont je vous propose de sécuriser les dispositions en adoptant les amendements que je vous présenterai.

M. Philippe Mouiller . - On nous propose de corriger un dispositif pour lequel on manque de recul. J'étais plutôt défavorable à l'ATI. Lorsqu'un entrepreneur démarre, il veut avant tout réduire ses charges. Il ne pense pas au risque de défaillance de son entreprise. Je ne suis donc pas surpris de l'échec de l'assurance volontaire contre la perte d'emploi. Cette réforme procédait de bons sentiments, mais était en décalage avec la réalité de terrain.

En ce qui concerne le financement de la formation professionnelle, sait-on comment les fonds seront répartis entre le fonds d'assurance-formation, les opérateurs chargés de la mise en oeuvre du CEP et la Caisse des dépôts ? Les entreprises s'interrogent sur l'utilisation des crédits. C'est une question d'efficacité. Il ne faudrait pas que l'argent collecté serve à renflouer France compétences.

Mme Monique Lubin . - Le sujet est très technique. Donner une possibilité de rebond aux travailleurs indépendants en cas d'échec ne peut pas être une mauvaise idée.

Les indépendants se plaignent des difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils veulent se former : on leur dit qu'ils n'ont pas la durée de cotisation requise, qu'ils n'ont pas assez cotisé, que les formations souhaitées n'existent pas, etc. Il conviendrait donc d'ajouter une disposition pour évaluer l'efficience du dispositif de formation.

En dépit des propos du ministre, les travailleurs des plateformes ne semblent pas visés. Comment pourraient-ils, en effet, justifier que leur activité n'est pas rentable, dans la mesure où ils peuvent l'arrêter librement à tout moment ? C'est un manque important.

Mme Chantal Deseyne . - Je m'interroge sur l'intérêt de ce texte. On ne peut pas à la fois vouloir être entrepreneur, créer son activité et réclamer un statut comparable à celui des salariés ! Avant de s'installer à son compte, les personnes font une étude prévisionnelle pour savoir si l'activité envisagée est viable. Quant à la formation, les entrepreneurs peuvent prévoir des fonds à cette fin dans le budget de l'entreprise.

M. René-Paul Savary . - L'assurance chômage pour les travailleurs indépendants coûte 140 millions d'euros, mais ils participent au financement de l'Unédic à hauteur de 5 milliards d'euros par le biais de l'affectation d'une fraction de la CSG sur les revenus d'activité. On se moque d'eux ! Ne vaudrait-il donc pas mieux réduire leur part de CSG, plutôt que de créer un nouveau mécanisme ?

M. Martin Lévrier . - Lorsque le projet de loi a été présenté par le Président de la République - j'y étais -, le texte a été accueilli par une standing ovation des travailleurs indépendants. J'en déduis qu'ils trouvent la loi pertinente.

Je suis étonné qu'en France on hésite encore à reconnaître un droit à l'erreur. Le Gouvernement s'emploie à créer des passerelles pour permettre aux gens de rebondir. Il a déjà créé le droit à l'erreur dans les rapports avec l'administration. De même, les indépendants qui échouent doivent avoir un droit à l'erreur.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je ne comprends pas pourquoi ce texte arrive si rapidement. Voilà encore un texte mal préparé, déposé dans l'urgence. Si la crise sanitaire a nécessité de la souplesse dans le calcul des cotisations sociales, il ne faut pas faire peser sur les recettes de la sécurité sociale les mesures du Gouvernement. Notre crainte est de voir advenir une année blanche pour les cotisations sociales des 3 millions de travailleurs indépendants, au détriment du budget de la sécurité sociale, et que cette exception ne devienne la règle. Les indépendants des secteurs touchés par la crise - hôtellerie, sport, culture, etc. - pourront valider un nombre de trimestres pour la retraite équivalent à la moyenne des trimestres validés lors de leurs trois derniers exercices. C'est bien, mais on regrette que les salariés à temps partiel qui ont perdu une partie de leur rémunération ne bénéficient pas de mesures similaires. Nous sommes inquiets des mesures proposées, qui visent à faciliter le passage d'une entreprise individuelle en société.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - On peut s'interroger en effet sur l'intérêt de l'ATI. Selon le Président de la République, il s'agissait d'une assurance chômage universelle.

La capacité de l'Urssaf à répartir les fonds de formation professionnelle suscite des interrogations. Le Gouvernement n'a pas répondu à nos questions. C'est pourquoi je propose de reporter l'entrée en vigueur du dispositif. N'oublions pas que l'objectif doit être d'améliorer la formation des artisans.

Je partage vos analyses sur France compétences, qui, après seulement deux ans d'existence, accuse un déficit de 4,6 milliards d'euros : les conséquences financières de la réforme de l'apprentissage issue de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel avaient été mal évaluées et France compétences a dû absorber des contrats antérieurs.

En tant que travailleurs indépendants, les travailleurs des plateformes peuvent bénéficier de l'ATI sous réserve que leurs revenus soient inférieurs au RSA, qu'ils n'aient pas une double activité - car, dans ce cas, l'allocation d'aide au retour à l'emploi peut être plus avantageuse -, et qu'ils remplissent les conditions d'ancienneté et de revenus.

Oui, un jeune entrepreneur qui se lance est optimiste et ne pense pas à l'échec. Mais le risque existe toujours. Les partenaires sociaux ont prévu des dispositifs assurantiels volontaires pour se protéger en cas de perte d'emploi. Il faut sensibiliser les chefs d'entreprise sur l'intérêt qu'il y a à prévoir un filet de sécurité pour se prémunir en cas de mauvaise fortune.

M. Alain Milon avait alerté lorsque l'on a modifié le financement de l'Unédic dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En effet, on a remplacé la cotisation salariale à l'assurance chômage par une part de CSG, qui représente aujourd'hui près de 40 % du budget de l'Unédic. La contribution des indépendants s'élève ainsi à 5 milliards d'euros. Ils seraient donc fondés à réclamer davantage de droits... Toutefois, la gouvernance de l'Unédic n'a pas été modifiée, car les indépendants n'y sont pas représentés. Le Président du Sénat appelait à remettre de l'ordre dans les comptes publics. Il faudrait aussi remettre de l'ordre dans la gouvernance de l'Unédic.

Je suis favorable au droit à l'erreur, nul n'est à l'abri d'un retournement de marché. Enfin, il me semble que les propos de Mme Apourceau-Poly reflètent davantage une position sur l'ensemble du texte et le PLFSS que sur les articles 9 et 10 en particulier.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 9 (délégué)

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - L'allocation des travailleurs indépendants (ATI) a été mise en place il y a moins de deux ans, le 1 er novembre 2019. Sur cette période très courte, seuls quelques mois auront été significatifs, la crise sanitaire et les mesures prises pour y faire face ayant temporairement gelé la situation des entreprises. Le dispositif connaît un échec par rapport aux prévisions, qui justifie une mesure de correction rapide. Toutefois, les circonstances actuelles ne doivent pas exonérer l'État de faire un véritable bilan de cette prestation qui n'a pas trouvé sa cible.

C'est pourquoi mon amendement COM-4 tend, à titre conservatoire, à fixer au 31 octobre 2024, soit 5 ans après l'entrée en vigueur du dispositif, la date limite pour demander l'ATI. Au plus tard 6 mois avant cette date, soit le 30 avril 2024, le bilan et les perspectives de l'ATI devront avoir fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des travailleurs indépendants. Le législateur sera ainsi en mesure de se prononcer de manière éclairée sur la prolongation et l'éventuelle réforme du dispositif.

L'amendement COM-4 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 9 ainsi modifié.

Après l'article 9 (délégué)

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - La mise en place d'un filet de sécurité en cas de perte d'activité fait aujourd'hui l'objet d'une attente de la part des travailleurs indépendants. Le projet de loi tente de répondre à cette attente en améliorant l'allocation des travailleurs indépendants (ATI). Il ne faut pas oublier toutefois les solutions assurantielles volontaires.

Afin de « marcher sur deux jambes » et de promouvoir la protection complémentaire des travailleurs indépendants, mon amendement COM-5 prévoit que les acteurs de l'écosystème de l'entreprise informent, à l'occasion de leurs interventions, les travailleurs indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance contre la perte d'emploi subie et sur le dispositif « Madelin » défini à l'article 154 bis du code général des impôts.

L'amendement COM-5 portant article additionnel est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article additionnel ainsi rédigé.

Article 10 (délégué)

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - L'objet de l'amendement COM-21 est de préciser que la répartition des fonds par l'Urssaf doit être effectuée en fonction de la population des cotisants relevant du champ de chaque fonds. Cela me semble important pour sécuriser le dispositif. Toutefois, la rédaction de l'amendement doit être améliorée : j'émets donc un avis défavorable en l'état et je travaillerai avec l'auteur de l'amendement pour trouver une meilleure rédaction en vue de l'examen en séance publique.

La commission proposera à la commission des lois de ne pas adopter l'amendement COM-21.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-6 vise à opérer une coordination des dispositions concernant les ponctions destinées au financement du conseil en évolution professionnelle (CEP) et du compte personnel de formation (CPF), avec le transfert à France compétences de la répartition de l'ensemble de la collecte des contributions à la formation professionnelle des travailleurs indépendants.

L'amendement de coordination COM-6 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-6.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-7 vise à associer le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du futur fonds fusionné d'assurance-formation.

L'amendement COM-7 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-7.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 10 ainsi modifié.

Article 14

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Considérant qu'il convient de ne pas précipiter une nouvelle modification du circuit financier de la formation des travailleurs indépendants avant que les dysfonctionnements actuels aient été résolus, mon amendement COM-29 vise à reporter l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions de l'article 10 au 1 er janvier 2023.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-29.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 9
Sécuriser les parcours et les transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-4

Limitation dans le temps et concertation sur les perspectives de l'ATI

Favorable

Article additionnel après l'article 9

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-5

Information sur les assurances complémentaires contre la perte d'emploi subie

Favorable

Article 10
Accroître la performance du système de la formation continue des travailleurs indépendants

M. MOUILLER

COM-21

Répartition des contributions collectées entre les fonds d'assurance-formation

Défavorable

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-6

Coordination des dispositions concernant les fonds répartis par France compétences

Favorable

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-7

Association du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du fonds d'assurance-formation

Favorable

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