N° 609

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mai 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de
programmation pour la refondation de Mayotte (procédure accélérée),

Par Mme Christine BONFANTI-DOSSAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère,
Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir le numéro :

Sénat :

544 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission des affaires sociales a reçu délégation au fond de la commission des lois pour l'examen des articles 15, 16, 17 et 18.

Elle a émis, sous réserve de quelques adaptations, un avis favorable à l'adoption des articles compris dans le projet de loi initial.

I. LES SINISTRES CAUSÉS PAR LES RÉCENTS ÉPISODES MÉTÉOROLOGIQUES APPELLENT LA RECONSTRUCTION D'UN ARCHIPEL DÉVASTÉ

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE PRÉCAIRE DOIT ÊTRE CONSOLIDÉE POUR AMÉLIORER LE NIVEAU ET LA QUALITÉ DE VIE DES MAHORAIS

Mayotte est le 101département français mais également le plus pauvre de France. Quelque 77 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % dans l'Hexagone. Le produit intérieur brut y représente un quart du PIB national et le taux de chômage s'y élevait en 2023 à 37 %. En 2023, le taux d'emploi y était de 23 %, ce qui représentait 50 000 personnes en activité1(*). Mayotte est également le département le plus jeune de France : 50 % de sa population a moins de 20 ans. L'archipel de Mayotte fait face à de nombreux défis qui fragilisent son développement. En 2023, il a été touché par une crise de pénurie d'eau potable, et sa proximité avec l'archipel des Comores entraîne un afflux très important d'immigrés en situation irrégulière.

B. LES MESURES SOCIALES CONTENUES DANS LA LOI D'URGENCE POUR MAYOTTE ONT PERMIS D'ACCOMPAGNER LES MAHORAIS DANS LE BESOIN

Les destructions matérielles importantes causées par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, ont été aggravées par celui de la tempête tropicale Dikeledi, qui s'est abattue sur l'île le 12 janvier 2025. Le tissu économique mahorais, qui repose principalement sur l'artisanat et l'entreprise, a été très durement touché. Le secteur du tourisme, dont 68 % du bâti est hors d'état de fonctionner et dont les pertes sont estimées à 45 millions d'euros, est actuellement à terre. Pour pallier les destructions d'ampleur et assurer les besoins essentiels des Mahorais, la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte a notamment suspendu le recouvrement des cotisations et contributions sociales des employeurs et travailleurs indépendants mahorais et prolongé automatiquement le versement des prestations sociales jusqu'au 30 juin 2025, avec possibilité de renouveler ces échéances par décret jusqu'au 31 décembre 2025. Les revenus de remplacement versés au bénéfice des demandeurs d'emploi ont également été automatiquement renouvelés jusqu'au 31 mars 2025 et les taux de l'indemnité partielle versée aux salariés et de l'allocation accordée aux employeurs ont également été majorés.

II. LE PROJET DE LOI DE REFONDATION AMBITIONNE UNE REPRISE ÉCONOMIQUE ET UNE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE VIE DURABLES

A. L'OBJECTIF DE CONVERGENCE SOCIALE EST ACCÉLÉRÉ À L'HORIZON 2031

La départementalisation de Mayotte en 2011 a soumis l'archipel au principe d'identité législative, en vertu duquel les lois et règlements adoptés en métropole postérieurement à la départementalisation sont directement applicables. En conséquence, le système de protection sociale spécifique à Mayotte doit converger progressivement vers celui du droit commun tant au regard des prestations versées que de leur financement par cotisations et contributions sociales. Cet objectif de convergence sociale a initialement été fixé à l'échéance d'une génération à compter de 2012, soit à l'horizon 2036.

Le Gouvernement sollicite à l'article 15 du présent projet de loi une habilitation à légiférer par ordonnances dans un délai de douze mois pour accélérer l'objectif de convergence sociale à l'horizon 2031, tout en tenant compte des spécificités mahoraises que sont la jeunesse de sa population, la fragilité de son économie et le fort afflux migratoire. Pour ce faire, suivant l'avis du Conseil d'État, il sollicite une habilitation au champ extrêmement vaste qui couvre l'ensemble des prestations sociales, des cotisations et contributions sociales, des dispositifs contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi, et des règles de remboursement des frais de santé. Il est également prévu d'étendre les règles du code de la sécurité sociale relatives à l'échange d'informations, au contrôle et à la lutte contre la fraude, ainsi qu'au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale.

Si la demande d'habilitation sollicitée par le Gouvernement emporte l'adhésion de la commission au regard de la technicité du chantier de la convergence des prestations sociales et de leur financement, la commission se montre toutefois sceptique quant à la possibilité pour le Gouvernement de tenir l'échéance de douze mois sollicitée, et ce alors même que plusieurs ordonnances sont d'ores et déjà annoncées.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales a exclu (amendement COM-46) du champ de l'habilitation conférée au Gouvernement l'extension à Mayotte de l'aide médicale d'État, qui n'apparaît pas opportune dans le contexte actuel de lutte contre l'immigration irrégulière, ainsi que les « dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi », qui ne relèvent pas de la convergence sociale mais du domaine fiscal (amendement COM-47).

L'article 16 prévoit d'appliquer à Mayotte le régime de retraite complémentaire de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), dans un délai maximal de deux ans après la promulgation du présent projet de loi. La commission propose de l'adopter sans modification.

B. LA SANTÉ PUBLIQUE MAHORAISE S'AMÉLIORE GRÂCE À UNE MEILLEURE COUVERTURE PHARMACEUTIQUE ET UNE REPRÉSENTATION SYNDICALE ENCOURAGÉE

Le cadre juridique actuel régissant l'installation des pharmacies d'officine à Mayotte, défini par l'article L. 5511-3 du code de la santé publique, établit un système de quotas démographiques qui freine significativement l'implantation de nouvelles structures. Dans les communes de 15 000 habitants ou plus, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans la commune. Pour les communes de moins de 15 000 habitants, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans le territoire de santé auquel appartient la commune. Ce dispositif est inadapté au contexte mahorais où les données démographiques sont obsolètes, le dernier recensement datant de l'automne 2017.

La situation actuelle est particulièrement critique : Mayotte ne comptait que 24 officines de pharmacies sur son territoire en 2021, soit une densité officinale d'une pharmacie pour 10 688 habitants, considérablement inférieure à la moyenne nationale d'une officine pour 4 240 habitants. À titre de comparaison, le département hexagonal le moins bien doté, l'Eure, comptait une officine pour 4 196 habitants.

Nombre de pharmacies d'officine à Mayotte

Source : Commission des affaires sociales, d'après des données de la direction générale de l'offre de soins

L'article 17 du projet de loi propose une réforme temporaire des critères d'implantation en modifiant l'article L. 5511-3 du code de la santé publique. Le dispositif supprime la distinction fondée sur la taille de la commune et prévoit qu'il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans la commune ou, à défaut, dans l'intercommunalité concernée. Le seuil de 15 000 habitants qui déterminait précédemment l'échelon territorial de référence est abandonné. Parallèlement, le directeur général de l'agence régionale de santé se voit confier un pouvoir d'appréciation concernant la localisation précise des officines lorsque la population intercommunale est prise en compte.

L'exemple de la commune de Tsingoni

La commune de Tsingoni illustre les limites du dispositif actuel. Avec une population de 13 934 habitants selon le recensement de 2017, elle ne peut aujourd'hui accueillir qu'une seule pharmacie. Or, en considérant la population de la communauté de communes Centre-Ouest à laquelle elle appartient (50 020 habitants), la nouvelle disposition permettrait l'ouverture d'une deuxième officine, améliorant l'accès aux médicaments pour la population locale.

La commission suggère un amendement COM-48 proposant deux évolutions : l'une imposant un avis conforme de l'Ordre national des pharmaciens pour les nouvelles créations d'officines, afin d'éviter une fragilisation du tissu officinal existant ; l'autre subordonnant l'octroi d'une licence, à la prise en compte de la population intercommunale que dans le seul cas où le dernier recensement de la population publié au Journal officiel précède de plus de cinq ans la demande.

Par ailleurs, le code de la santé publique prévoit actuellement que l'union régionale des professionnels de santé (URPS) de l'océan Indien exerce, pour chaque profession, ses compétences à La Réunion et à Mayotte. L'article L. 4031-7 dispose qu'« un représentant des professionnels exerçant à Mayotte siège dans chaque union régionale de professionnels de santé de l'océan Indien selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État ». Ce représentant est désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé en fonction des effectifs des organisations syndicales présentes sur le territoire mahorais.

Cette représentation unique s'avère insuffisante et ne permet pas une prise en compte adéquate des spécificités sanitaires mahoraises, distinctes de celles de La Réunion. Dans la pratique, la disposition n'est pas appliquée en raison du nombre restreint de professionnels de santé libéraux à Mayotte et de l'éloignement géographique entre les deux collectivités.

L'article 18 modifie le premier alinéa de l'article L. 4031-7 du code de la santé publique en prévoyant que les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les URPS de l'océan Indien. Cette formulation introduit deux évolutions majeures : elle permet la présence de plusieurs représentants des professionnels mahorais dans une même URPS et supprime l'obligation de représentation dans chaque union.

La commission a accueilli favorablement ces dispositions tout en adoptant à l'initiative du rapporteur, un amendement COM-49 assurant que les modalités de représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein des URPS de l'océan Indien seront déterminées après consultation des organisations syndicales représentatives.

Réunie le mardi 13 mai 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des articles du présent projet de loi dont l'instruction lui a été déléguée sous réserve de l'adoption des amendements du rapporteur.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 15
Habilitation donnée au Gouvernement afin de rendre applicable
et adapter la législation sociale à Mayotte

Cet article demande au Parlement d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pendant un délai de douze mois afin de faire converger la législation sociale à Mayotte vers la législation en vigueur sur le territoire métropolitain.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par deux amendements tendant à en préciser le champ.

I - Le dispositif proposé

A. La départementalisation de Mayotte en 2011 s'est accompagnée d'un objectif de convergence progressive de son système de protection sociale sur le droit commun à l'horizon 2036

1. La convergence sociale s'entend de l'alignement des droits et prestations sociales en matière de santé, famille, retraite et emploi...

L'archipel de Mayotte dispose d'un système de sécurité sociale spécifique défini par plusieurs ordonnances successives, le code de la sécurité sociale n'y étant pas applicable2(*). Devenu par référendum le 101e département français le 31 mars 20113(*), Mayotte est désormais une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution exerçant des compétences dévolues au département et à la région (Drom), au même titre que La Réunion, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe.

Cette transformation a soumis le territoire de Mayotte au principe d'identité législative, en vertu duquel les lois et règlements adoptés postérieurement à la départementalisation y sont directement applicables.

En conséquence, ce principe impose la poursuite d'un objectif de convergence progressive des dispositions en matière de protection sociale et de sécurité sociale, qui a été fixée à échéance d'une génération (vingt-cinq ans) à compter de 20124(*), soit à l'horizon 2036.

Le versement des prestations sociales et le recouvrement des cotisations et contributions sociales est assuré depuis 1977 par un organisme de sécurité sociale unique, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Cet organisme de droit privé doté d'une mission de service public gère depuis le 1er janvier 2015 les cinq branches de la sécurité sociale5(*), sous la tutelle des quatre caisses du régime général6(*), et a reçu délégation de la MSA pour le versement des prestations familiales des travailleurs non-salariés agricoles.

Au 31 décembre 2024, la CSSM comptait :

- 6 840 bénéficiaires de prestations vieillesse soit 44 millions d'euros de prestations ;

- 93 578 bénéficiaires de prestations familiales d'un montant total de 89 millions d'euros ;

- 221 333 personnes affiliées au régime général d'assurance maladie pour des dépenses de prestations de 483 millions d'euros ;

- et 14 932 comptes actifs de cotisants soit 296 millions d'euros de cotisations recouvrées7(*).

Les prestations familiales sont versées pour partie à Mayotte depuis 2002. Leur montant diffère pour certaines sensiblement de celui perçu en Hexagone.

Les prestations de retraite contributive sont soumises à des règles dérogatoires qui sont plus favorables que le droit commun, compte tenu de la courte durée d'assurance et des faibles salaires cotisés.

Enfin, les prestations maladie et les prestations versées en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle sont alignées sur le droit commun, à l'exception de la protection médicale universelle (Puma), qui est remplacée par une affiliation sur le fondement de la résidence.

La convergence sociale en matière de prestations sociales ;
différences entre Mayotte et l'Hexagone

Prestations maladie

Prestations familiales

Prestations de solidarité

Le montant des indemnités journalières maladie, maternité et paternité et des prestations versées en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle est identique entre Mayotte et l'Hexagone.

Ne sont pas servies à Mayotte les prestations d'accueil du jeune enfant que sont les primes à la naissance et à l'adoption, la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) et l'allocation de soutien familial.

Le montant du revenu de solidarité active versé à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone et sa perception est soumise à une condition de résidence de 15 ans. Le revenu de solidarité (RSO) n'est pas versé à Mayotte.

Il existe une seule catégorie de pension d'invalidité à Mayotte contre 2 en Hexagone. Les montants minimum et maximum diffèrent également.

Le montant du complément de libre choix du mode de garde versé à Mayotte est inférieur de 13 % au montant versé en Hexagone.

Le montant de l'allocation adulte handicapé versée à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone.

Le capital décès est versé forfaitairement en Hexagone depuis 2015 et son niveau à Mayotte est fixé par un décret 2012-15 du 5 janvier 2012.

Le montant des allocations familiales versées à Mayotte est inférieur à partir du 3ème enfant au montant versé en Hexagone8(*).

Le montant de la prime d'activité versée à Mayotte est inférieur de 50 % au montant versé en Hexagone.

La complémentaire santé solidaire et la protection universelle maladie ne sont pas versées à Mayotte.

Le montant du complément familial versé à Mayotte équivaut à 57% de celui versé en Hexagone.

Les montants de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh) sont identiques.

Prestations d'autonomie

Prestations logement

Prestations de retraite

Les montants de l'allocation journalière du proche aidant sont identiques.

L'aide personnalisée au logement et la prime de déménagement ne sont pas servies à Mayotte.

Le niveau maximum de la pension de retraite du régime général versé à Mayotte équivaut à 68 % de celui versé en Hexagone

 

Les allocations de logement familial et de logement social sont versées à Mayotte et leur montant dépend de différents paramètres.

Le montant du minimum contributif et de l'allocation veuvage sont identiques.

   

Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées versée à Mayotte équivaut à environ 60 % de celui en Hexagone.

Source : Caisse de la sécurité sociale de Mayotte

2. ...ainsi que du montant des cotisations finançant le système de protection sociale.

La convergence des taux de cotisations et contributions applicables aux employeurs et aux salariés résidant sur le territoire de Mayotte est prévue jusqu'en 2036 à l'article 19 du décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012.

L'alignement des droits sociaux s'est fait par étapes, afin de ne pas déstabiliser l'économie mahoraise, marquée par un faible taux d'activité (37 % de chômage recensé en 2025), ainsi qu'une forte prévalence du travail dissimulé. Cela s'est matérialisé par un assujettissement progressif de la population aux cotisations et à une hausse échelonnée de leurs taux9(*).

Des réductions spécifiques de cotisations ont ainsi été créées pour les travailleurs indépendants depuis le 1er janvier 2012 et pour les micro-entrepreneurs depuis le 1er avril 2020, dans l'objectif de favoriser la création d'emplois. Le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants n'étant ni micro-entrepreneurs, ni travailleurs agricoles, est interrompu depuis 2015. La reprise du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants était prévue au 1er janvier 2025 mais est désormais ajournée, au plus tard au 31 décembre 2025, par l'article 25 de la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.

Le plafond de la sécurité sociale (PSS), utilisé pour le calcul de certaines prestations sociales, est revalorisé depuis 2012 dans les mêmes conditions que celui applicable dans l'Hexagone, majoré de 5,1 %10(*). En 2025, le plafond de la sécurité sociale à Mayotte s'élève à 2 821 euros, soit 71,9 % du PSS de droit commun.

La baisse du taux de cotisations patronales en matière d'allocations familiales appliquée dans l'Hexagone pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3,5 Smic depuis 2014 n'a pas été transposée à Mayotte. Le rattrapage du taux de cotisations patronales maladie-maternité, invalidité, décès sur celui de l'Hexagone est prévu en 2028.

Taux de cotisations en vigueur à Mayotte au 1er janvier 2025

Cotisations patronales

Cotisations salariales

Allocations familiales

Vieillesse

Maladie

Vieillesse

Maladie

5,40 %

Dans l'Hexagone, il est de 3,45 % pour les salaires < 3,5 Smic et de 5,25 % dans les autres cas

9,90 %

= + 1,35 point comparé au taux plafonné de droit commun

5,10 % contre 7 % dans l'Hexagone

5,43 %

= - 1,47 point comparé au taux de droit commun

4,87 %

Les salariés mahorais cotisent pour l'assurance maladie-maternité invalidité décès depuis 2018

Source : Caisse de sécurité sociale de Mayotte

La convergence sociale en matière de cotisations

Le code de la sécurité sociale n'étant pas directement applicable sur le territoire mahorais, la protection sociale des travailleurs indépendants non agricoles relevant du régime local est régie par l'ordonnance n° 96-6122 du 20 décembre 1996.

Les travailleurs indépendants non agricoles cotisent sur une assiette définie au II de l'article 28-8 de l'ordonnance précitée, qui sera réformée au 1er janvier 202611(*). Ils cotisent au titre des seules cotisations pour financer le régime de retraite de base obligatoire, le régime d'assurance maladie-maternité et le régime des prestations familiales, ainsi qu'à une contribution sociale spécifique visant à remplacer la CSG et la CRDS à Mayotte.

Seuls les professionnels libéraux, principalement des médecins et avocats, cotisent à un régime de retraite complémentaire et à un régime invalidité.

Les cotisations des travailleurs indépendants agricoles mahorais sont calculées en fonction de la surface agricole de l'exploitation pondérée et du domaine de production, comme pour l'ensemble des travailleurs indépendants agricoles ultramarins. Leur montant est fixé annuellement par arrêté, selon la surface pondérée de l'activité exercée et l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Ils ne sont pas redevables de la CSG ni de la CRDS. L'article 26 de la loi n° 2023-3250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, l'assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins, afin qu'elle prenne en compte leurs revenus professionnels, comme c'est le cas en métropole.

Les exploitations agricoles ultramarines dont la surface est inférieure à 40 hectares pondérés bénéficient d'une exonération de cotisations d'assurance maladie, maternité, d'invalidité, de prestations familiales et vieillesse de base. Cette exonération bénéficie à 98 % des exploitations ultramarines, et est compensée annuellement par le budget du ministère chargé des outre-mer. En 2022, elle s'élevait à 13 millions d'euros.

Les travailleurs indépendants maritimes relèvent soit du régime local, soit de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim), selon que le navire sur lequel ils embarquent bat pavillon mahorais ou métropolitain.

B. Le dispositif proposé : une accélération de la convergence sociale à l'horizon 2031

1. Les ambitions du Gouvernement pour accélérer la convergence des prestations sociales demeurent floues

Dans le cadre de la reconstruction de Mayotte suite aux dégâts matériels importants causés par le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024 et de la tempête Dikeledi le 13 janvier 2025, le Gouvernement souhaite améliorer durablement les conditions de vie des Mahorais en renforçant l'objectif de convergence social fixé à 2036, avec une première étape à l'horizon 2031.

Selon l'étude d'impact il s'agit d'aboutir à une convergence du niveau des prestations sociales et des cotisations versées à Mayotte vers la législation applicable dans les autres Drom. La hausse des cotisations annoncée ne diffère a priori pas de l'objectif de convergence déjà fixé, détaillé notamment à l'article 19 du décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012 précité. Le calendrier de reprise du recouvrement des cotisations, suspendu au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025, n'est toutefois pas explicité.

L'alignement des prestations sociales est accéléré à l'horizon 2031, sans que le détail des prestations visées et de leur montant ne soit explicité de façon exhaustive.

L'alignement annoncé du montant du RSA et de la prime d'activité sur celui en vigueur dans l'Hexagone s'accompagnerait d'une convergence du Smic net versé à Mayotte sur le Smic net national d'ici à 2031. Cette convergence débuterait par un alignement du Smic brut par voie réglementaire dès 2026, ce qui ne relève pas du cadre du présent article12(*).

Afin de compenser la hausse du coût du travail résultant de ces mesures concomitantes d'augmentation des cotisations et du Smic, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en faveur des entreprises à Mayotte (CICE)13(*), d'un taux de 9 % applicable aux rémunérations inférieures à 2,5 Smic, continuerait à s'appliquer dans l'attente de l'introduction du dispositif d'exonération de cotisations dit Lodéom, applicable dans les autres Drom.

Les annonces du Gouvernement en matière de convergence sociale à Mayotte

Selon l'étude d'impact et le rapport annexé au texte du projet de loi de refondation, il est envisagé d'aligner les prestations sociales d'ici à 2031 comme suit :

• En matière de prestations maladie, il est envisagé d'étendre dès le 1er janvier 2026 la complémentaire santé solidaire aux personnes bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) et de l'allocation spéciale pour les personnes âgées (Aspa), ainsi que la protection médicale universelle. Il est également prévu d'aligner les prestations d'invalidité sur le montant en vigueur en Hexagone à l'horizon 2030.

• S'agissant des prestations de solidarité, le montant du RSA14(*), de la prime d'activité et de l'allocation adulte handicapé serait aligné sur le montant versé en Hexagone d'ici à 2031.

• La convergence des prestations familiales se traduirait par l'extension en 2026 du complément familial différentiel. Il est précisé dans le rapport annexé que « le niveau de naissance à Mayotte n'appelle pas d'alignement rapide des prestations familiales, y compris la prestation d'accueil du jeune enfant. »

• S'agissant du recouvrement, il est prévu d'aligner le montant des cotisations et contributions sociales d'ici à 2036, et ce alors même que Mayotte dispose de cotisations patronales et salariales spécifiques et que la collecte des cotisations des travailleurs indépendants n'étant ni micro-entrepreneurs, ni travailleurs agricoles, est interrompue depuis 2015. La reprise du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants était prévue au 1er janvier 2025 mais est désormais ajournée, au plus tard au 31 décembre 2025, par l'article 25 de la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.

2. Le dispositif de l'habilitation sollicitée est extrêmement large

Le Conseil d'État, dans son avis du 17 avril 2025, a proposé au Gouvernement de supprimer la référence explicite à une convergence de la législation applicable à Mayotte vers la législation applicable dans les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, au motif qu'une telle rédaction de la loi était contraire à la lettre du texte de l'article 73, lequel autorisait seulement une adaptation de la législation applicable de plein droit aux caractéristiques et contraintes particulières d'une seule collectivité.

À la suite de cet avis, le Gouvernement a réécrit le dispositif de l'article 15 afin de prévoir une convergence de la législation applicable à Mayotte vers celle applicable de plein droit. Le champ de l'habilitation sollicité est désormais très large, en ce qu'il comprend l'ensemble des prestations de sécurité sociale visées à l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale et l'ensemble des règles de remboursement des frais de santé.

Sont également visées les cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale, ainsi que les dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi. Interrogée par le rapporteur, la direction de la sécurité sociale a indiqué vouloir modifier la totalité des règles d'assiette, de taux, d'exonérations et de recouvrement afin d'aboutir à une convergence complète vers le droit commun.

Le visa des règles applicables à l'offre de soins permettra, selon la direction de la sécurité sociale, de modifier les règles de financement du centre hospitalier de Mayotte ainsi que les règles applicables aux professionnels de santé libéraux, dans le cadre d'une restructuration de l'offre de soins. Il est enfin prévu d'étendre les règles du code de la sécurité sociale relatives à l'échange d'informations, au contrôle et à la lutte contre la fraude, ainsi qu'au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale.

III - La position de la commission

La commission se félicite de l'accélération de la convergence sociale à Mayotte dans le cadre d'une vaste entreprise de refondation qu'elle appelle de ses voeux, à la suite des sinistres importants qui ont touché l'archipel mahorais au cours des derniers mois.

La demande d'habilitation sollicitée par le Gouvernement emporte sa conviction au regard de la technicité du chantier de la convergence des prestations sociales et de leur financement, qui nécessite une réflexion d'ampleur afin de s'ajuster au mieux aux spécificités mahoraises que sont une démographie atypique (50 % de la population est âgée de moins de 20 ans), une forte immigration irrégulière ainsi qu'une économie fragile.

Si la méthode ne pose ainsi pas difficulté dans son principe, la commission se montre toutefois sceptique quant à la possibilité pour le Gouvernement de tenir l'échéance de douze mois sollicitée, et ce alors même que plusieurs ordonnances sont d'ores et déjà annoncées.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales a toutefois voulu apporter deux restrictions quant à l'habilitation conférée au Gouvernement. La première vise à exclure de la convergence sociale l'extension à Mayotte de l'aide médicale d'État, dans un contexte où la lutte contre l'immigration irrégulière apparaît une priorité, comme en attestent les premiers articles du présent projet de loi. À cette fin, elle a adopté l'amendement COM-46 à l'initiative du rapporteur. La seconde vise à exclure du champ de l'habilitation les « dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi », qui ne relèvent pas de la convergence sociale mais du domaine fiscal. Tel est l'objet de l'amendement COM-47 adopté par la commission.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 16
Extension à Mayotte du régime de retraite complémentaire
de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires
de l'État et des collectivités publiques (Ircantec)

Cet article rend applicable aux agents contractuels de droit public le régime de retraite complémentaire de l'Icantec en le dissociant de l'extension du régime de retraite complémentaire de l'Agirc-Arrco aux salariés de droit privé, tel que cela était prévu par la loi du 27 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Les salariés contractuels de droit public et les salariés de droit privé mahorais ne sont pas affiliés à un régime de retraite complémentaire

Les agents contractuels de droit public en poste à Mayotte sont affiliés au régime de base local, qui existe depuis 1987 et est géré par la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, mais ne cotisent pas au titre de la retraite complémentaire.

Conformément à l'article 1er du décret n° 2003-589 du 1er juillet 2003, les assurés relevant du régime général ou des régimes agricoles de l'assurance vieillesse avant de résider à Mayotte bénéficient d'un droit d'option leur permettant de maintenir leur affiliation à ces régimes pendant une durée de trois ans renouvelable une fois, à leur demande et sous réserve de l'accord de leur employeur. Ils peuvent donc à ce titre bénéficier d'une retraite complémentaire.

Le législateur avait initialement souhaité, dans un souci d'égalité entre les salariés contractuels de droit public et les salariés de droit privé, prévoir l'extension concomitante des régimes de retraite complémentaire de l'Ircantec et de l'Agirc-Arcco à Mayotte. L'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte conditionnait ainsi l'application du régime de l'Ircantec à Mayotte, dans des conditions définies par décret, à la date d'entrée en vigueur d'un accord relatif à l'application de celui de l'Agirc-Arcco qui devait être conclu entre les partenaires sociaux gestionnaires desdits régimes et les partenaires sociaux représentatifs au niveau du département, conformément au texte de l'article 23-7 de l'ordonnance précitée.

Si les partenaires sociaux se sont effectivement accordés le 22 juin 2017 sur l'application de l'Agirc-Arcco à Mayotte avec un effet rétroactif à compter de 2014, cet accord prévoyait toutefois qu'une telle rétroactivité serait intégralement financée par l'État à hauteur de 500 milliards d'euros. Or, il ne relevait pas de la compétence des partenaires sociaux d'entériner le principe d'un financement par la solidarité nationale, de sorte que cet accord a finalement été suspendu.

B. Le dispositif proposé : l'application du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec à Mayotte

Le présent article réécrit intégralement le dispositif de l'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2022 en dissociant l'application à Mayotte du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec de celui de l'Agirc-Arcco, et en prévoyant qu'il est rendu applicable à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi.

Le Conseil d'État précise également aux termes de son avis du 17 avril 2025, que le pouvoir réglementaire pourra prévoir des règles contributives pour les salariés de droit public qui soient dérogatoires de celles applicables aux contractuels de droit public relevant du régime général d'assurance vieillesse, sans qu'il soit nécessaire de le mentionner expressément dans la loi. Ces paramètres devront toutefois s'inscrire dans le cadre d'une convergence avec le droit commun.

Les prestations d'assurance vieillesse versées à Mayotte

Au 31 décembre 2024, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte comptait 6 840 bénéficiaires de prestations vieillesse, dont 3 525 retraités parmi lesquels 3 232 percevaient une retraite personnelle et 268 une pension de réversion.

Le montant mensuel maximum versé à Mayotte était en 2024 de 1 932 euros par mois, soit 68,4 % du maximum versé en Hexagone. En revanche, les minimum contributif (MiCo), et le MiCo majoré, qui garantissent un montant minimal de pension pour les faibles salaires, sont alignés sur l'Hexagone, et sont respectivement de 733 euros et de 876 euros. Ces minima de pension ne sont toutefois accessibles qu'aux personnes ayant atteint l'âge légal de la retraite, ce qui représente une faible proportion des retraités mahorais. Aussi, selon l'étude d'impact, en 2019, la pension moyenne de retraite versée par le régime mahorais s'élevait à 280 euros par mois.

L'ordonnance n° 2021-1553 du 1er décembre 2021 a amélioré les droits à la retraite des futurs pensionnés en permettant la validation rétroactive de trimestres pour les personnes affiliées au régime local de retraite de Mayotte et ayant été salariées entre 1987 et 2002, en raison de la disparition des archives de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte.

Enfin, l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a adapté la réforme des retraites d'avril 2023 au territoire de Mayotte en décalant dans le temps le report de l'âge légal de départ à la retraite. À la suite de la réforme des retraites de 2010, l'âge légal de départ à la retraite était fixé à 62 ans pour la génération née en 1961 (atteints en 2023), contre 1955 pour les assurés du régime général (atteints en 2014). Le décret n° 2024-766 du 8 juillet 2024 a adapté la montée en charge de la réforme au territoire de l'archipel comme suit :

Calendrier de montée en charge du report de l'âge d'ouverture des droits à Mayotte

Sources : Article D. 161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale et article 3 du décret n° 2024-766 du 8 juillet 2024

III - La position de la commission

La commission approuve le principe de l'extension du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec à Mayotte, qui participe de l'amélioration du niveau de ressources des retraités mahorais et de la convergence sociale, ainsi que de l'attractivité des postes de contractuels de droit public dans la fonction publique d'État et territoriale.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 17
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine

Cet article permet l'octroi d'une licence de pharmacie d'officine pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans le territoire de santé auquel appartient la commune ou pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans l'intercommunalité.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par l'amendement qu'elle a adopté.

I - Le dispositif proposé vise à réformer temporairement les critères d'implantation des officines pharmaceutiques à Mayotte pour surmonter les contraintes du cadre légal existant

A. Le cadre légal existant établit des quotas démographiques qui freinent l'implantation des officines

1. Les critères d'ouverture des pharmacies d'officine

Le cadre juridique actuel régissant l'installation des pharmacies d'officine à Mayotte est défini par l'article L. 5511-3 du code de la santé publique, qui établit des conditions strictes pour la délivrance des licences d'exploitation. Ce dispositif s'articule selon une logique démographique à deux niveaux, en fonction de la taille de la commune concernée.

Pour les communes de 15 000 habitants ou plus, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans la commune. Pour les communes de moins de 15 000 habitants, une licence peut être délivrée pour chaque tranche de 7 000 habitants recensés dans le territoire de santé auquel appartient la commune. Le décompte s'effectue exclusivement sur la base de la population communale officiellement recensée.

Ces règles se distinguent de celles en vigueur dans l'Hexagone, où une licence ne peut être délivrée que dans les communes dépourvues de pharmacie et recensant au moins 2 500 habitants ou dans les communes de plus de 2 500 habitants et disposant d'au moins une pharmacie, lorsque la population atteint une tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés15(*).

L'article L. 5511-2-1 du code de la santé publique dispose que le directeur général de l'agence régionale de santé de Mayotte est l'autorité compétente pour délivrer les licences d'exploitation d'officine. L'instruction des demandes de licence comprend l'analyse de la conformité aux critères démographiques précités et implique la consultation des instances représentatives de la profession.

Comme dans l'Hexagone, la demande d'autorisation doit faire apparaître que la création sollicitée permet une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente du lieu d'implantation.

2. Des spécificités importantes dans le parcours de soins des patients

Ce cadre présente des limites spécifiques dans le contexte mahorais.

En premier lieu, les données démographiques sont obsolètes car le dernier recensement de la population de l'île remonte à l'automne 2017.

En deuxième lieu, la densité officinale à Mayotte est nettement inférieure à la moyenne nationale, créant des situations d'inégalité d'accès aux médicaments et aux services pharmaceutiques.

Ainsi, Mayotte ne comptait que 24 officines de pharmacies sur son territoire, en 2021, soit une densité moyenne d'une officine pour 10 688 habitants, sur la base du recensement de 2017. En comparaison, le département hexagonal avec la densité d'officines la plus faible d'alors, l'Eure, comptait une officine pour 4 196 habitants pour une moyenne nationale d'une officine pour 4 240 habitants16(*).

La déclaration d'activité des pharmacies d'officine à l'agence régionale de santé de Mayotte permet d'apprécier un chiffre d'affaires annuel moyen de 1 861 626 euros pour l'année 2023. Selon une étude de la direction générale des entreprises, sur le territoire national, 76 % des pharmacies ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 2,6 millions d'euros, dont 47 % entre 1,3 millions d'euros et 2,6 millions d'euros. Les officines de pharmacie à Mayotte ont donc une activité, reflétée par leur chiffre d'affaires annuel, semblable à l'activité moyenne des pharmacies d'officine nationales.

Répartition des pharmacies d'officine à Mayotte au 17 janvier 2025

Source : Direction générale de l'offre de soins

La croissance démographique de Mayotte, estimée à plus de 3,8 % par an, accentue continuellement le déséquilibre entre l'offre pharmaceutique disponible et les besoins de la population. Cette situation peut compromettre la qualité du conseil pharmaceutique en raison d'une surcharge chronique de travail et affecter la disponibilité des produits pharmaceutiques.

L'impossibilité de considérer l'échelon intercommunal limite les possibilités d'installation dans certains territoires qui, bien que faiblement peuplés au niveau communal, s'inscrivent pourtant dans des bassins de population plus importants. La dichotomie retenue entre les communes de plus et de moins de 15 000 habitants ne correspond pas à la réalité de certains bassins de vie mahorais.

Le cas de la commune de Tsingoni

La commune de Tsingoni est située dans la communauté de communes Centre-Ouest, regroupant cinq communes. La population résidente de Tsingoni est de 13 934 habitants selon le recensement de 2017. La commune dispose d'une pharmacie mais la réglementation ne permet actuellement pas l'ouverture d'une deuxième officine car la population communale est inférieure au seuil de 14 000 habitants. La population de la communauté de communes est de 50 020 habitants. Si l'on considère la population à la maille intercommunale pour la création de nouvelles officines, l'adoption de disposition permettrait la création d'une deuxième pharmacie à Tsingoni.

L'insularité du territoire aggrave les difficultés d'accès aux produits pharmaceutiques, notamment dans les zones éloignées des principaux centres. La chaîne d'approvisionnement pharmaceutique souffre de fragilités structurelles liées à l'éloignement géographique des fournisseurs et aux contraintes logistiques spécifiques à l'île. Les contraintes topographiques d'accès, qui ne sont pas spécifiquement intégrées dans le droit actuel, peuvent théoriquement rendre une officine accessible selon les critères démographiques, bien que, dans la réalité, l'accès en soit plus difficile.

B. L'article 17 réforme les critères d'implantation pour faciliter l'installation de nouvelles officines

L'article 17 du projet de loi vise à assouplir temporairement les critères d'implantation des officines pharmaceutiques à Mayotte, permettant ainsi leur installation progressive et maîtrisée sur le territoire.

Pour ce faire, il modifie l'article L. 5511-3 du code de la santé publique régissant l'implantation des pharmacies à Mayotte.

Le supprime le deuxième alinéa de cet article, prévoyant aujourd'hui que, dans les communes d'une population égale ou supérieure à 15 000 habitants, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés.

Le réécrit le troisième alinéa de l'article, en supprimant la distinction jusque-là fondée sur la taille de la commune. Il prévoit, ainsi, qu'il ne peut, à Mayotte, être délivré qu'une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans la commune ou, à défaut, et en vue d'assurer une desserte satisfaisante de la population, dans l'intercommunalité concernée. Le seuil de 15 000 habitants qui déterminait précédemment l'échelon territorial de référence est abandonné : toutes les communes sont désormais soumises aux mêmes règles d'installation.

Le réécrit le quatrième alinéa de l'article, pour confier au directeur général de l'agence régionale de santé un pouvoir d'appréciation concernant la localisation précise des officines s'il est pris en compte la population de l'intercommunalité.

Enfin, le modifie le cinquième alinéa de l'article pour préciser que la population intercommunale dont il est tenu compte pour l'application de ces critères est, comme pour la population communale, celle établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel.

Le dispositif est présenté par le Gouvernement dans l'étude d'impact comme une mesure transitoire car la prise en compte de la population intercommunale ne serait possible que jusqu'à la parution du prochain recensement des populations municipales de Mayotte. Après ce dernier, seule la population municipale pourrait être prise en compte pour l'application des quotas démographiques. Le retour aux critères standards vise à garantir la cohérence du dispositif avec l'évolution réelle de la population.

II - La position de la commission

La commission a accueilli favorablement le dispositif proposé, qui devrait encourager l'augmentation quantitative de l'offre pharmaceutique grâce à l'assouplissement des conditions d'installation. En effet, la prise en compte de l'échelon intercommunal permet d'atteindre plus facilement les seuils requis. De ce fait, la couverture territoriale en pharmacie d'officine du territoire mahorais serait améliorée grâce au pouvoir d'appréciation de l'agence régionale de santé qui orienterait les installations d'officine vers les territoires les moins bien dotés. Les populations actuellement éloignées des officines existantes devraient bénéficier d'un accès facilité aux médicaments et aux conseils pharmaceutiques.

Il s'agit donc d'adapter temporairement le cadre législatif national dans l'attente d'une mise à jour des données démographiques qui permettrait un retour au droit commun mahorais dans des conditions conformes aux réalités démographiques locales.

La commission considère que l'approche anticipative retenue par le Gouvernement se justifie par la perspective du prochain recensement de 2026, lequel, en application du droit commun actuel, entraînerait mécaniquement l'ouverture simultanée d'un nombre important de nouvelles pharmacies. Une telle situation pourrait provoquer un déséquilibre économique préjudiciable pour les officines déjà établies. L'installation échelonnée préalable au recensement constitue donc une mesure préventive visant à éviter une déstabilisation brutale du maillage pharmaceutique existant, tout en garantissant progressivement une meilleure couverture territoriale des besoins de santé de la population mahoraise.

Le rapporteur estime que le passage du critère de la commune au critère de l'intercommunalité, en favorisant l'installation de nouvelles officines de pharmacie, pourrait toutefois fragiliser le tissu officinal existant par une mise en concurrence trop rapide. En conséquence, le rapporteur estime que ces ouvertures dérogatoires doivent s'effectuer en accord avec l'ordre national des pharmaciens. À son initiative, la commission a adopté un amendement COM-48 qui prévoit l'avis conforme de l'ordre national des pharmaciens pour la création de nouvelles officines lorsque celles-ci sont décidées sur le fondement du critère intercommunal.

De plus, aucun élément juridique dans la disposition du texte déposé au Sénat ne vient matérialiser le caractère transitoire du critère intercommunal, jusqu'au prochain recensement de la population. En l'état actuel, la disposition serait permanente, alors que le Gouvernement souligne, pour l'essentiel, que l'intérêt de la mesure réside dans la possibilité de permettre l'ouverture de nouvelles officines avant la publication du prochain recensement.

En conséquence, l'amendement COM-48 adopté par la commission permet également de limiter dans le temps la validité du critère intercommunal, en prévoyant que l'ARS ne peut y recourir que lorsque la publication du dernier recensement au Journal officiel précède de plus de cinq ans une demande. Il n'est, en effet, pas à exclure qu'une telle situation d'inadéquation entre la prise en compte du critère communal et l'évolution de la démographie mahoraise se produise à nouveau à l'avenir.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 18
Participations des professionnels de Mayotte à l'URPS de l'océan Indien

Cet article propose d'assouplir le cadre légal applicable à la représentation des professionnels exerçant à Mayotte dans les unions régionales de professionnels de santé de l'océan Indien.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par l'amendement qu'elle a adopté.

I - Le cadre juridique actuel des unions régionales de professionnels de santé ne permet pas une représentation suffisante des professionnels exerçant à Mayotte

A. Le dispositif existant prévoit une représentation limitée des professionnels de santé mahorais au sein des URPS

Les unions régionales des professionnels de santé (URPS) ont été instituées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ces instances représentatives regroupent les praticiens exerçant en libéral pour dix professions de santé conventionnées au niveau de chaque région administrative.

Le code de la santé publique prévoit aujourd'hui que l'URPS de l'océan Indien exerce pour chaque profession, à La Réunion et à Mayotte, les compétences dévolues aux URPS17(*).

L'article L. 4031-7 du code de la santé publique précise les conditions de représentation des professionnels exerçant à Mayotte au sein de cet URPS. Il dispose qu'« un représentant des professionnels exerçant à Mayotte siège dans chaque union régionale de professionnels de santé de l'océan Indien selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État ». Le représentant est désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé suivant les effectifs des organisations syndicales présentes sur le territoire mahorais18(*).

Cette représentation n'est pas proportionnelle à l'importance démographique et aux besoins spécifiques de Mayotte qui rencontre des problématiques sanitaires distinctes de celles de La Réunion. Elle soulève des difficultés spécifiques quant à la représentation équitable des professionnels exerçant dans chacun de ces territoires.

B. Les limites de la représentation actuelle n'encouragent pas l'élaboration de politiques de santé adaptées aux réalités mahoraises

L'URPS de l'océan Indien est principalement composée de professionnels exerçant sur l'île de La Réunion. La surreprésentation réunionnaise crée un déséquilibre manifeste dans la prise en compte des spécificités mahoraises.

L'agence régionale de santé mahoraise peut rencontrer des difficultés pour le développement de politiques de santé en partenariat avec l'URPS, par exemple dans l'évaluation de l'offre de soins existante et son adaptation aux réalités locales ou le développement de nouveaux modes d'exercice répondant aux défis sanitaires mahorais.

La sous-représentation peut ainsi compromettre l'efficacité des politiques de santé publique à Mayotte, territoire qui présente des indicateurs sanitaires dégradés et des défis spécifiques en matière d'accès aux soins. La valeur ajoutée d'une représentation optimale au sein des URPS pourrait dès lors constituer une valeur ajoutée significative pour l'amélioration des politiques de santé.

Bien que le cadre légal prévoie la présence d'un représentant mahorais au sein des URPS de l'océan Indien, la disposition n'est pas appliquée de manière effective. Cette situation paradoxale peut s'expliquer par le nombre restreint de professionnels de santé libéraux à Mayotte et par l'éloignement géographique entre les deux collectivités, l'URPS de l'océan Indien ne se réunissant qu'à La Réunion.

C. L'article 18 témoigne d'une volonté d'inclusion territoriale dans une logique de représentation plurielle

L'article 18 vise à renforcer la représentation des professionnels exerçant à Mayotte dans l'URPS de l'océan Indien.

Pour ce faire, il modifie le premier alinéa de l'article L. 4031-7 du code de la santé publique pour prévoir, désormais, que les représentants des professionnels exerçant à Mayotte siègent dans les URPS de l'océan Indien, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État.

Ce faisant, l'article introduit deux modifications dans le régime applicable :

- il permet, d'une part, la présence de plusieurs représentants des professionnels mahorais dans une même URPS de l'océan Indien ;

- il assouplit, d'autre part, les contraintes de représentation des professionnels exerçant à Mayotte en ne précisant plus que cette représentation doit être effective « dans chaque union ».

Selon l'étude d'impact jointe au projet de loi, cette mesure permet « d'assouplir le cadre légal existant, en ouvrant la voie à la désignation potentielle de plusieurs représentants des professionnels de santé exerçant à Mayotte au sein d'une URPS, de représentants issus d'une profession différente de celle de l'URPS concernée ou encore d'un collège de représentants à même d'assurer une représentation tournante au sein des URPS. » D'après le Gouvernement, « ces modalités seront définies par décret en Conseil d'État, après concertation avec les représentants des professionnels de santé, des URPS et de l'agence régionale de santé de Mayotte »19(*).

II - La position de la commission

L'instauration d'une représentation multiple permettrait de refléter plus fidèlement la diversité des modes d'exercice et des problématiques rencontrées par les professionnels mahorais.

Une telle disposition pourrait favoriser l'émergence de projets de santé adaptés aux réalités locales, grâce à une meilleure prise en compte des besoins spécifiques identifiés par les professionnels exerçant sur le territoire. Elle contribuerait au renforcement de l'attractivité du territoire pour les professionnels de santé en valorisant leur rôle dans la gouvernance sanitaire de l'océan Indien. Elle serait susceptible d'améliorer la coordination au sein du territoire mahorais entre les professionnels libéraux et les établissements de santé, permettant une meilleure continuité des soins et une réduction des inégalités d'accès.

Si l'article 18 pose le principe d'une représentation multiple des professionnels mahorais au sein des URPS, les modalités précises de désignation de ces représentants devront être définies par voie réglementaire. L'option la plus naturelle serait de maintenir le principe d'une désignation par le directeur général de l'agence régionale de santé des représentants en fonction du poids des organisations syndicales mahoraises.

La voie réglementaire devra également déterminer dans quelle mesure les représentants mahorais disposeront d'une compétence renforcée sur les questions spécifiques au territoire mahorais au sein des délibérations des URPS.

Au regard des difficultés constatées dans l'application des dispositions relatives à la représentation des professionnels de santé mahorais au sein des URPS, il convient d'aborder la mise en oeuvre de cette nouvelle disposition législative avec une vigilance particulière.

Le succès de cette disposition repose fondamentalement sur l'identification et la mobilisation de professionnels de santé mahorais volontaires pour assumer ces fonctions représentatives. L'expérience démontre que l'absence de candidats constitue fréquemment un obstacle majeur à l'application des dispositifs de représentation dans le Département de Mayotte. Il sera nécessaire de mettre en oeuvre des dispositifs qui facilitent la valorisation de cette mission représentative dans les parcours professionnels et d'organiser des sessions d'information préalables sur les enjeux et prérogatives des URPS.

La nouvelle mesure, plus ambitieuse que le dispositif actuellement en vigueur ne pourra atteindre pleinement ses objectifs sans un accompagnement structuré. À cet égard, l'instauration d'un programme de formation dédié aux futurs représentants mahorais sera indispensable pour leur permettre d'appréhender efficacement les mécanismes décisionnels et les attributions des URPS, renforçant ainsi leur capacité d'influence au sein de ces instances.

En parallèle, il apparaît essentiel de mobiliser des ressources spécifiques destinées à faciliter l'implication effective de ces représentants dans les travaux des unions régionales. Ces moyens devront notamment prendre en considération les contraintes géographiques inhérentes à l'éloignement entre les territoires concernés.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-49 précisant que le décret pris en Conseil d'État doit prévoir la consultation des syndicats afin de s'assurer que la disposition s'applique en concertation avec les organisations représentatives.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen de l'avis de notre commission sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, déposé sur le Bureau du Sénat après engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement.

Je précise que la commission des lois, saisie au fond, nous a délégué l'examen des articles 15 à 18. Cela signifie qu'au moment d'établir son texte, demain matin, elle s'en remettra à notre avis et à nos éventuels amendements pour les articles en question, sans les instruire au fond.

Ce projet de loi serait examiné en séance à partir du lundi 19 mai. Dans la même logique, nous nous réunirons pour examiner les amendements relatifs aux articles délégués à notre commission, le mardi 20 mai.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Sur les 34 articles du projet de loi, la commission des lois a délégué à notre commission l'examen au fond des articles 15 à 18, qui concernent l'accélération de la convergence sociale, l'extension du régime de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), l'augmentation du nombre de pharmacies d'officine et le renforcement de la représentation des professionnels libéraux exerçant à Mayotte au sein des unions régionales des professionnels de santé (URPS) de l'océan Indien.

Avant de vous présenter en détail les dispositions, je dirai quelques mots pour vous exposer la situation à Mayotte telle qu'elle ressort des auditions que nous avons menées.

Comme vous le savez, l'archipel de Mayotte a été très durement touché par le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier, qui a causé de nombreux dégâts matériels, suivi de la tempête Dikeledi, qui s'est ensuite abattue sur l'île le 13 janvier dernier. Le ruissellement des inondations qu'elle a provoquées a encore aggravé les destructions engendrées par le cyclone Chido.

Dans ce contexte, nous avons adopté la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte, dont j'étais déjà rapporteur au titre de la commission des affaires sociales, et qui a octroyé un sursis aux habitants sinistrés : cette loi prévoit la suspension du recouvrement des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 décembre 2025 au plus tard, la prolongation automatique des revenus de remplacement au bénéfice des demandeurs d'emploi jusqu'au 31 mars 2025, ainsi que celle des prestations sociales jusqu'au 30 juin 2025.

La situation mahoraise n'en demeure pas moins fragile. En 2021, 77 % des habitants de Mayotte vivaient sous le seuil de pauvreté nationale. Le taux de chômage s'élève à 37 % de la population active, et le travail illégal est généralisé. Les dégâts matériels subis par le secteur du tourisme, dont 68 % du bâti est hors d'état de fonctionner, sont estimés à 45 millions d'euros. Ce secteur, qui a rapporté 86 millions d'euros de retombées économiques en 2023, représente pour le Gouvernement l'un des vecteurs du développement économique que nous appelons tous de nos voeux et que ce projet de refondation vise à favoriser.

J'en viens à la présentation des quatre articles dont l'examen nous est délégué.

L'article 15 consiste en une demande d'habilitation à légiférer par ordonnance sollicitée par le Gouvernement auprès du Parlement, dans l'objectif d'accélérer le projet de convergence sociale, entendue comme l'alignement des droits sociaux et des prestations sociales, mais également du montant des cotisations finançant le système de protection sociale.

Comme vous le savez, le code de la sécurité sociale ne s'applique pas à Mayotte et l'archipel dispose de son propre système de sécurité sociale, fondé sur de multiples ordonnances. Depuis la départementalisation de l'archipel en 2011, l'objectif politique affiché est de faire converger le niveau des prestations et des cotisations versées à Mayotte sur celui de la métropole d'ici à 2036. Le Gouvernement souhaite accélérer cette échéance à 2031, tout en tenant compte de certaines spécificités mahoraises, notamment une démographie très jeune - 50 % de la population a moins de 20 ans -, un fort afflux migratoire, et une situation économique dégradée. Ce chantier, à la fois colossal et très technique, justifie qu'il soit réalisé par ordonnances, avec l'appui du Conseil d'État.

Aussi, je vous propose d'adopter cet article, sous réserve de deux amendements que je vous soumets. Il me semble en effet que la situation migratoire particulièrement critique à Mayotte justifierait que l'aide médicale d'État (AME) soit exclue de cette convergence, afin de ne pas créer de nouvelles incitations à l'immigration irrégulière. Tel est le sens du premier amendement, qui s'inscrit également en cohérence avec les premiers articles du texte visant à renforcer la lutte contre l'immigration illégale.

Le second amendement tend à exclure du champ de l'habilitation la mention des « dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi » : ceux-ci n'étant pas directement en lien avec la convergence sociale, il ne me paraît pas opportun que le législateur se dessaisisse de son pouvoir sur ces sujets. Le Gouvernement aura tout le loisir de réintroduire de tels dispositifs dans le prochain projet de loi de finances.

L'article 16 rend applicable à Mayotte le régime de retraite complémentaire de l'Ircantec pour les agents contractuels de l'État et des collectivités publiques. J'y suis bien évidemment favorable.

L'article 17 vise à réformer les critères d'implantation des officines pharmaceutiques à Mayotte. Il convient de rappeler que la situation actuelle est caractérisée par une densité officinale nettement inférieure à celle qui est constatée dans le reste du territoire, avec une pharmacie pour 10 688 habitants à Mayotte, contre une pour 4 240 habitants au niveau national.

Le cadre juridique actuel permet au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'autoriser l'ouverture d'une pharmacie d'officine à Mayotte pour chaque tranche de 7 000 habitants recensée au niveau communal ou, lorsque la commune compte moins de 15 000 habitants, au niveau du territoire de vie-santé (TVS).

Fondé pour l'essentiel sur des seuils démographiques communaux, ce cadre présente trois limitations majeures. Il s'appuie, d'abord, sur des données démographiques obsolètes datant du recensement de 2017. Il ne permet pas, ensuite, de tenir compte de la réalité démographique des bassins de vie : la population aux abords d'une commune justifie parfois l'ouverture d'une nouvelle officine. Il ne tient pas compte, enfin, de certaines contraintes d'insularité et d'accessibilité spécifiques à Mayotte.

Les dispositions proposées permettraient désormais l'octroi d'une licence par tranche entière de 7 000 habitants, au niveau soit communal, soit intercommunal. Cette modification structurelle supprime la distinction entre les communes de plus de 15 000 habitants et celles de moins de 15 000 habitants.

En ma qualité de rapporteur, j'estime nécessaire de nuancer cette approche. Si l'augmentation du nombre d'officines répond à un besoin réel, un passage durable du critère communal au critère intercommunal risque de fragiliser le tissu officinal existant. L'ensemble des syndicats de pharmaciens et l'Ordre, que j'ai auditionnés, ont exprimé leur opposition à cet article et leurs craintes d'une déstabilisation durable du réseau.

C'est pourquoi je vous proposerai un amendement nous permettant de trouver une voie de compromis. Il apporte deux modifications substantielles au dispositif proposé.

D'une part, l'amendement limite l'application du critère intercommunal aux situations dans lesquelles le recensement est ancien et dépassé : le directeur général de l'ARS ne pourra y avoir recours que lorsque le dernier recensement est antérieur de plus de cinq ans à la demande de licence. De cette manière, ce critère pourra être utilisé jusqu'au prochain recensement, en 2026, afin d'anticiper partiellement l'augmentation de population que celui-ci révélera et de lisser l'effet de seuil. En revanche, à la suite de la publication de ce recensement, l'ARS devra de nouveau avoir recours au critère communal, qui constitue le critère de droit commun.

D'autre part, et en vue de calmer les tensions, l'amendement vise à soumettre la délivrance d'une licence fondée sur le critère intercommunal à un avis conforme de l'Ordre. L'ARS et l'Ordre devront donc s'entendre localement sur la nécessité de l'ouverture d'une nouvelle officine pour répondre aux besoins des patients. Cet avis conforme ne sera pas applicable aux ouvertures autorisées par l'ARS sur le fondement du critère communal.

Cet amendement permettra une augmentation progressive et maîtrisée du nombre d'officines présentes sur place, garantissant l'accessibilité pharmaceutique sans déstabiliser brutalement le tissu existant.

L'article 18 concerne la représentation des professionnels de santé mahorais au sein des URPS de l'océan Indien.

La situation actuelle est insatisfaisante à deux égards. D'une part, un seul représentant mahorais peut siéger dans chaque URPS, ce qui crée un déséquilibre manifeste par rapport à la représentation réunionnaise. D'autre part, la disposition n'est pas appliquée effectivement en raison du faible nombre de professionnels mahorais et de l'éloignement géographique.

Cette sous-représentation peut diminuer l'efficacité des politiques de santé publique à Mayotte et la capacité des professionnels libéraux à s'organiser, alors que le territoire présente des indicateurs sanitaires dégradés et des défis spécifiques.

L'article 18 modifie l'article L. 4031-7 du code de la santé publique pour permettre la présence de plusieurs représentants des personnels mahorais dans une même URPS. Il assouplit également les contraintes de représentation, en ne faisant plus obligation aux professionnels mahorais d'être présents dans chaque union.

Ces dispositions ne semblent pas convaincre les principales parties prenantes. Les syndicats de professionnels comme l'ARS, que nous avons interrogés, nous ont indiqué souhaiter la mise en place d'une représentation des professionnels mahorais au sein d'une structure propre à Mayotte, et susceptible de prendre en compte ses spécificités. Le Gouvernement, au contraire, juge le nombre de professionnels mahorais insuffisant pour l'envisager.

Je vous soumettrai, en conséquence, un amendement visant à garantir la consultation des syndicats dans l'élaboration du décret d'application. Cette précision est essentielle pour s'assurer que les nouvelles modalités de représentation seront mises en place en concertation avec les organisations représentatives.

Le succès de cette disposition reposera fondamentalement sur l'identification et la mobilisation de professionnels de santé mahorais volontaires, ainsi que sur un accompagnement structuré incluant formations et ressources spécifiques.

Ces articles participent de ce projet ambitieux, mais nécessaire, de refondation de l'archipel de Mayotte. Après le temps de l'urgence, voici venu le temps de la reconstruction pour accompagner au mieux les Mahorais dans le redressement et le développement de leur économie, la restauration de l'ordre public, et le renforcement de l'accès aux soins. Mayotte est le 101e département français et ne doit pas devenir un territoire en déshérence. Nous nous devons d'accompagner ses résidents au mieux.

Il me revient enfin de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Pour les dispositions dont l'examen a été délégué à notre commission, je considère qu'il comprend des dispositions relatives à la poursuite de la convergence sociale, à la mise en place du régime de retraite complémentaire de l'Ircantec, à l'adaptation des critères d'ouverture de pharmacies d'officine, à la représentation des professionnels de santé libéraux mahorais au sein des unions régionales de santé de l'océan Indien.

Il en est ainsi décidé.

Mme Annie Le Houérou. - Merci pour les auditions organisées, lesquelles ont permis de mesurer le profond désarroi des habitants de Mayotte. Ce projet de loi de refondation apparaît, de ce fait, absolument nécessaire.

L'article 15 prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d'appliquer le droit commun à Mayotte en matière de droits sociaux et de prestations sociales. Ce processus de convergence est engagé depuis plusieurs années, avec des dates butoirs fixées par le Gouvernement à 2036 et 2031. Les amendements proposés par Mme le rapporteur pour avis, notamment l'exclusion de l'AME et de certains dispositifs fiscaux liés à la compétitivité et à l'emploi, s'inscrivent dans ce cadre. Toutefois, il convient d'avancer beaucoup plus rapidement. Une consultation pilotée par le préfet avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales est prévue pour définir le périmètre de cette convergence. Faisons confiance à ces acteurs et évitons d'écarter certains champs a priori.

S'agissant de l'extension du régime de l'Ircantec à Mayotte, nous y sommes favorables, sachant que la pension moyenne mensuelle versée par le régime de base à Mayotte s'élevait à 280 euros en 2020. En attendant l'arrivée de l'Agirc-Arrco, cette mesure représenterait une avancée vers la convergence sociale et économique de Mayotte avec le reste du territoire national, d'autant que de nombreux Mahorais sont encore exclus de certains dispositifs existants.

Sur la question des pharmacies d'officine, je n'ai pas d'avis arrêté à ce stade. Il paraît cependant pertinent de réévaluer le nombre d'officines au regard de la population, la pharmacie étant souvent le premier point d'accès aux soins. Une intervention accrue des ARS dans la définition des installations, notamment sur le périmètre intercommunal, semblerait souhaitable.

Enfin, concernant l'article 18 relatif aux URPS, il faudrait réfléchir à la possibilité d'élargir ou de spécifier leur périmètre pour mieux adapter le projet de santé au contexte particulier de Mayotte. Comme vous l'avez proposé - si je vous ai bien comprise -, la création d'une structure propre à l'archipel permettrait de répondre aux besoins des Mahorais et des professionnels de santé. Je suis donc plutôt favorable à cette proposition.

M. Khalifé Khalifé. - Merci beaucoup pour cette présentation très claire.

Je souhaite insister sur l'importance de fédérer les professionnels de santé à Mayotte.

Pour ce qui est des pharmacies, il faut trouver un juste équilibre pour ce département composé de plusieurs îles aux réalités très différentes. L'accès à une officine doit être garanti pour tous les habitants, mais il ne s'agit pas non plus de multiplier les implantations, au risque de créer d'autres difficultés, notamment en matière de rentabilité. Il convient de procéder à ce zonage avec prudence.

Mme Frédérique Puissat. - Bien que nos travaux ne portent pas sur l'intégralité du texte de loi, puisqu'ils s'articulent avec ceux de la commission des lois, je tiens à souligner quelques points importants.

Tout d'abord, je remercie notre rapporteur pour avis pour la position qu'elle a adoptée.

Sa posture est mesurée s'agissant des domaines d'intervention du Parlement et du Gouvernement. Il est parfois nécessaire de définir des périmètres d'action, même si cela peut entraîner des tensions avec l'exécutif. Nous disposons d'un certain nombre de prérogatives et nous devons veiller à les conserver.

Par ailleurs, sa position sur l'Ircantec est pragmatique. L'extension de ce régime à Mayotte a d'ailleurs été réclamée par l'ensemble de nos collègues.

Sur le maillage des pharmacies, les amendements proposés témoignent d'une analyse très fine, conciliant les logiques intercommunale et communale, afin de mailler le territoire sans remettre en cause les équilibres existants. Cette vigilance est essentielle, car certains territoires, comme la Nouvelle-Calédonie, ont été confrontés, non seulement à des catastrophes naturelles, mais aussi à des épisodes d'instabilité. Toutes les mesures législatives que nous pouvons adopter en amont sont importantes pour pacifier ces territoires.

En conséquence, nous soutiendrons les amendements proposés.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Madame Le Houérou, l'objectif de convergence sociale vers le droit commun a toujours été fixé à l'horizon de 2036. Vous estimez que ce délai est un peu long, et je vous comprends. Mais, ce qui importe, c'est de poursuivre le rythme d'extension des droits sociaux et des prestations sociales. À ce propos, le Gouvernement prévoit un alignement du Smic brut dès 2026, ainsi que du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en 2031. Il faudra également anticiper le financement de cette extension.

S'agissant des pharmacies, l'amendement proposé permettra l'ouverture de nouvelles officines selon le critère intercommunal, sous réserve de l'avis conforme de l'Ordre des pharmaciens, vérifié ensuite par l'ARS.

Les syndicats et l'Ordre des pharmaciens sont opposés à l'article 17. Le dernier recensement étant obsolète, n'aurait-il pas été plus judicieux d'attendre le nouveau recensement de 2026 avant de prendre des décisions ?

Par ailleurs, à Mayotte, l'hôpital et les dispensaires fournissent des médicaments non seulement aux non-assurés, mais aussi à des assurés refusant de payer le reste à charge, ce qui crée une concurrence déloyale pour les pharmacies. Il faut veiller à réorienter ces publics vers les officines.

Monsieur Khalifé, je rappelle qu'à Mayotte, chacun peut accéder à une pharmacie à un quart d'heure de voiture en moyenne.

Nous avons pris en compte les observations recueillies lors des auditions, et nos amendements visent à trouver des compromis.

Concernant les URPS, nous n'avons pas exprimé de position définitive. Toutefois, la création d'une unité propre à Mayotte semble justifiée, en raison tant de l'éloignement de La Réunion que du manque de professionnels de santé. Mais nous nous heurtons au refus du Gouvernement.

M. Philippe Mouiller, président. - Lorsque j'ai rencontré les représentants de l'URPS de Mayotte il y a un mois, il n'y avait personne de l'archipel autour de la table... Cela pose question, surtout lorsque l'on connaît les tensions qui existent entre Mayotte et La Réunion.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Je souhaite apporter une dernière précision : si les syndicats de pharmaciens et l'Ordre s'opposent à l'ouverture de nouvelles officines avant de connaître les résultats du recensement, les élus y sont, pour leur part, favorables.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 15 (délégué)

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-46 vise à exclure l'aide médicale d'État des prestations sociales pouvant être étendues à Mayotte par le biais de l'habilitation à légiférer par ordonnance sollicitée par le Gouvernement aux termes de l'article 15 du présent projet de loi.

Cette exclusion se justifie au regard de la difficulté à maîtriser l'immigration irrégulière à Mayotte - les personnes que nous avons auditionnées ont particulièrement insisté sur ce point - et de la nécessité de préserver l'ordre public pour mener au mieux la refondation et la relance économique au sein de l'archipel. Le Gouvernement ayant par ailleurs annoncé, à la suite du rapport rédigé par MM. Stefanini et Évin sur l'aide médicale d'État, une réflexion sur l'évolution du panier de soins ouvrant droit à cette prestation, il est d'autant plus opportun d'anticiper une telle réforme avant d'étendre cette prestation à Mayotte.

Si le Gouvernement souhaite la réintroduire ultérieurement dans le cadre de la convergence sociale, notamment à l'horizon 2031, il disposera de multiples vecteurs législatifs pour ce faire, dont les projets de loi de finances.

L'amendement COM-46 est adopté.

M. Philippe Mouiller, président. - L'amendement COM-23, qui a pour objet d'étendre le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance sollicitée par le Gouvernement à toutes les prestations de sécurité sociale, est irrecevable au titre de l'article 38 de la Constitution, car il aurait pour effet de déposséder le législateur de son pouvoir au profit du Gouvernement.

La commission propose à la commission des lois de déclarer l'amendement COM-23 irrecevable au regard de l'article 38 de la Constitution.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-47 vise à exclure la mention des dispositifs fiscaux contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi de l'habilitation à légiférer par ordonnance sollicitée par le Gouvernement au titre de l'article 15 du présent projet de loi.

Ces dispositifs fiscaux ne relevant pas du domaine de la convergence sociale, le Parlement n'a pas à se dessaisir de son pouvoir législatif au profit du Gouvernement sur ces sujets. De nouveaux mécanismes fiscaux applicables à Mayotte pourront être introduits lors du prochain projet de loi de finances, alors que l'habilitation à légiférer par ordonnance est sollicitée pour une période de douze mois.

L'amendement COM-47 est adopté.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-25 vise à préciser explicitement que la convergence des prestations sociales versées à Mayotte vers celles qui sont en vigueur dans l'Hexagone s'étendra aux conditions de durée de séjour pour l'obtention desdites prestations.

Actuellement, certaines prestations sociales sont soumises à des conditions de durée de séjour spécifiques à Mayotte : on ne peut ainsi toucher le RSA que si l'on y réside depuis quinze ans. J'émets un avis défavorable à cet amendement. Alors que Mayotte connaît un afflux migratoire massif des Comores, il ne me paraît pas opportun d'aligner automatiquement ces conditions d'octroi de prestations. Cela pourrait créer un effet incitatif supplémentaire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-25.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-22 a pour objet de préciser que les ordonnances prévoyant la convergence sociale seront publiées au plus tard au 1er janvier 2028.

L'habilitation à légiférer par ordonnance étant sollicitée dans un délai de douze mois à compter de la date de promulgation de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, la loi de ratification de ces ordonnances devra intervenir nécessairement avant le 1er janvier 2028.

En conséquence, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-22.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-24, qui a pour objet d'inclure la convergence du Smic dans le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance sollicitée par le Gouvernement à la convergence du Smic, nous semble de nature réglementaire dans la mesure où la modification du montant du Smic relève du pouvoir réglementaire et non du pouvoir législatif. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement COM-24.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 15 ainsi modifié.

Après l'article 15 (délégué)

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Conformément à la position constante de la commission des affaires sociales, j'émets un avis défavorable à l'amendement COM-37, qui formule une demande de rapport sur les conséquences du rattrapage social et des mesures portant sur le Smic sur la compétitivité des entreprises mahoraises.

La commission rejette l'amendement COM-37.

Article 16 (délégué)

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 16 sans modification.

Article 17 (délégué)

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-48 vise à réserver le critère dérogatoire de la population intercommunale aux cas où le dernier recensement précède de plus de cinq ans la demande de licence et, dans ce cas, à soumettre la délivrance de la licence à l'avis conforme de l'Ordre national des pharmaciens.

L'amendement COM-48 est adopté.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Je partage la nécessité de consolider les cursus de formation en santé sur le territoire mahorais, mais je suis défavorable à l'amendement COM-28, qui concerne une demande de rapport.

La commission rejette l'amendement COM-28.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 17 ainsi modifié.

Article 18 (délégué)

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-49 vise à rendre obligatoire la consultation des syndicats pour le changement des modalités de représentation des professionnels exerçant à Mayotte.

L'amendement COM-49 est adopté.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 18 ainsi modifié.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 15 :
Habilitation donnée au Gouvernement afin de rendre applicable et adapter la législation sociale à Mayotte

Mme BONFANTI-DOSSAT, rapporteur pour avis

COM-46

Exclusion de l'aide médicale d'État de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour accélérer la convergence sociale à Mayotte

Adopté

Mme PONCET MONGE

COM-23

Élargissement de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour étendre la convergence sociale à toutes les prestations de sécurité sociale

Irrecevable au titre de l'article 38 de la Constitution

Mme BONFANTI-DOSSAT, rapporteur pour avis

COM-47

Exclusion des dispositifs fiscales contribuant à l'amélioration de la compétitivité et de l'emploi de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour accélérer la convergence sociale. 

Adopté

Mme PONCET MONGE

COM-25

Précision du fait que l'habilitation à légiférer par ordonnance pour accélérer la convergence sociale portera sur les conditions de durée de séjour pour l'obtention des prestations sociales

Rejeté

Mme LE HOUÉROU

COM-22

Précision du fait que les ordonnances prévoyant la convergence sociale seront publiées au plus tard au 1er janvier 2028. 

Rejeté

Mme PONCET MONGE

COM-24

Élargissement de l'habilitation à légiférer par ordonnances à la convergence intégrale du Smic applicable à Mayotte par rapport au Smic de droit commun. 

Rejeté

Article additionnel après l'article 15

Mme RAMIA

COM-37

Demande de rapport sur les conséquences du rattrapage social et des mesures portant sur le Smic sur la compétitivité des entreprises mahoraises

Rejeté

Article 17 :
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine

Mme BONFANTI-DOSSAT, rapporteur pour avis

COM-48

Prise en compte du critère intercommunal lorsque le dernier recensement précède de plus de cinq ans la demande et soumission de la délivrance d'une licence à l'avis conforme de l'ordre national des pharmaciens

Adopté

Article additionnel après l'article 17

Mme PONCET MONGE

COM-28

Demande de rapport relatif à l'instauration d'une première année d'études médicales à Mayotte

Rejeté

Article 18 :
Participations des professionnels de Mayotte à l'URPS de l'océan Indien

Mme BONFANTI-DOSSAT, rapporteur pour avis

COM-49

Consultation des syndicats obligatoire pour le changement des modalités de représentation des professionnels exerçant à Mayotte

Adopté

La réunion est close à 14 h 10.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Auditions

· Direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Deets) de Mayotte

Michel-Henri Mattera, directeur

· Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Pierre-Olivier Variot, président

Marie-Josée Augé-Caumon, conseillère politique du président

Lucie-Hélène Pagnat, juriste

· Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

Philippe Besset, président

Pierre Fernandez, directeur général

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

Morgan Delaye, adjoint du directeur et chef de service

· Direction de la cohésion sociale (DGCS)

Denis Darnand, sous-directeur du service Inclusion sociale, insertion et lutte contre la pauvreté

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Arnauld Gauthier, sous-directeur en charge de l'appui au pilotage et des ressources

Gaëlle Papin, cheffe du bureau des territoires, de l'Europe et de l'international

Bastien Morvan, adjoint à la cheffe du bureau des territoires, de l'Europe et de l'international

· Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop)

Brigitte Berthelot-Leblanc, présidente du Conseil Central E représentant les pharmaciens exerçant outre-mer

Contributions écrites

· Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

· Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl24-544.html


* 1 Florian Rageot, À Mayotte, la situation sur le marché de l'emploi se dégrade depuis 2019. Enquête emploi à Mayotte en 2023, Insee, 6 septembre 2024.

* 2 Ordonnance n° 96-6122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte et ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011.

* 3 Loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

* 4 Ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation.

* 5 La CSSM gère ainsi le régime d'assurance maladie, maternité, invalidité et autonomie, le régime des prestations familiales, le régime d'assurance d'accidents du travail et de maladies professionnelles, le régime d'assurance vieillesse, la branche recouvrement des cotisations et contributions sociales, ainsi que l'action sociale en faveur des ressortissants des différentes branches de la sécurité sociale.

* 6 Il s'agit de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), de la caisse d'allocations familiales (Cnaf), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Urssaf Caisse nationale.

* 7 Selon les informations transmises par la CSSM en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 8 Soit - 33,9 % à partir du 3ème enfant à charge, - 62,9 % à partir du 5ème enfant à charge et - 88,6 % par enfant supplémentaire après le 5ème enfant par rapport au montant versé en Hexagone.

* 9 Le décret n° 2019-632 du 24 juin 2019 fixe l'évolution de ces taux jusqu'en 2036.

* 10 Conformément au décret n° 2010-1326 du 5 novembre 2010.

* 11 Article 18 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 12 Au 1er janvier 2025, le Smic horaire brut à Mayotte était de 8,98 euros contre 11,88 euros en Hexagone et dans les Drom.

* 13 Le CICE a été supprimé dans l'Hexagone au 1er janvier 2019 mais maintenu à Mayotte afin de compenser le fait que les réductions de cotisations employeur maladie applicables en métropole n'ont pas été étendues à l'archipel.

* 14 Il est prévu que cette augmentation des prestations sociales s'accompagnera d'une hausse du Smic par voie réglementaire afin de ne pas créer d'effet de désincitation au travail. Il pourrait être envisagé d'étendre le dispositif d'exonération Lodéom applicable dans les Drom pour alléger le coût du travail.

* 15 Article L. 5125-4 du code de la santé publique.

* 16 Réponses écrites de la direction générale de l'offre de soins au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 17 Article L. 4031-1 du code de la santé publique.

* 18 Article R. 4031-53 du code de la santé publique.

* 19 Étude d'impact jointe par le Gouvernement au présent projet de loi, p. 239.

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