III. LES CAUSES DE CE DÉCALAGE SONT MULTIPLES
La faiblesse des retombées industrielles de la recherche a plusieurs causes, à la fois culturelles, institutionnelles et fiscales.
A. LES CAUSES CULTURELLES
De
nombreux industriels soulignent l'inadaptation des mentalités
françaises à l'innovation et à l'esprit d'entreprise en
général.
Cette " exception française " a, en partie, des
origines
historiques
. Il est désormais courant de souligner la distinction
qui existait, à la fin de l'Ancien Régime, entre, d'une part, les
nobles français, refusant de travailler par crainte de déroger,
et, d'autre part, la noblesse anglaise, ayant un penchant naturel pour les
activités commerciales et industrielles et promotrice de la
Révolution industrielle.
La France aurait ainsi été marquée durablement par les
réglementations très rigides héritées du
système des corporations. Elle présente également un
certain nombre de comportements qui caractérisent l'ensemble de la
société, y compris les élites : méfiance
envers l'argent, surtout rapidement gagné, signe d'agissements
vraisemblablement malhonnêtes, sacralisation de la fonction publique et
de ses statuts, valorisation extrême de la réussite scolaire, avec
passage obligatoire par des grandes écoles, et,
a
contrario
, dramatisation de l'échec.
A cet égard, la comparaison avec la situation américaine est
instructive. Aux Etats-Unis, on célèbre les
" self-made-men " ; en France, on raille les
" parvenus ". Outre-Atlantique, l'échec est
considéré comme une étape enrichissante vers le
succès. Il permet de progresser et de tirer des leçons pour
l'avenir : il est formateur et s'inscrit normalement dans un parcours
d'apprentissage. Il peut même apparaître comme un
" pré-requis " pour créer une nouvelle entreprise.
Dans notre pays, l'échec est sévèrement jugé et
sanctionné.
L'absence de droit à l'échec fait de la
France une société de défiance et non de confiance.
Il
conviendrait, par exemple, de revoir la législation sur les faillites et
son application.
En outre,
le système éducatif français est conçu
pour former des salariés et non des entrepreneurs. Il est peu soucieux
de son impact sur les activités industrielles et commerciales.
Une
enquête réalisée en avril 1998 par la SOFRES à la
demande du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, et dont les résultats ont été publiés
dans
Les notes bleues de Bercy
, révèle que les jeunes
âgés de 18 à 30 ans jugent le système
éducatif responsable de la faiblesse de l'esprit d'entreprise en France.
Sa performance est jugée, par 62 % des jeunes interrogés,
plutôt mauvaise en matière de développement chez les jeunes
du goût de la recherche et de l'innovation. 73 % des 18-30 ans
expriment le même sentiment s'agissant de la formation aux
réalités du monde de l'entreprise et 79 % en matière
d'incitation à créer sa propre entreprise. Dans le même
temps, et l'étude le note, les jeunes interviewés sont assez
largement imprégnés d'une culture dont ils soulignent par
ailleurs les effets néfastes sur l'esprit d'entreprise. En effet,
52 % d'entre eux estiment que les innovations à venir seront le
fait des grandes entreprises plutôt que des petites
sociétés développant des hautes technologies. En outre,
seuls 18 % souhaiteraient intégrer une PME et 15 % créer une
entreprise.
Enfin, - et il s'agit d'une caractéristique profonde de la
société française -
le poids de la sphère
publique est considérable
. MM. Robert Boyer et Michel Didier, dans
leur rapport précité, notent :
" La recherche
fondamentale et une partie significative de la recherche appliquée sont
menées au sein d'établissements publics. En outre, les
entreprises nationalisées et les dépenses publiques ont longtemps
joué un rôle d'impulsion dans la genèse et la diffusion
technologiques, organisationnelles et sociales ".
Ces deux auteurs font allusion au
" modèle "
français du " grand programme "
qui s'est épanoui
notamment dans le domaine militaire. M. Henri Guillaume relève,
dans son rapport
La technologie et l'innovation
, que
" en 1994,
les grands groupes liés à la Défense et leurs filiales
percevaient 98 % des crédits militaires, mais aussi 86,3 % des
contrats des grands programmes civils et le quart des crédits
incitatifs. Ils étaient donc destinataires de 83 % des 23,2
milliards de francs de financement public ".
Cette illustration met également en exergue la
forte concentration
des financements publics sur un nombre restreint de grands groupes industriels.
Pourtant, M. Henri Guillaume se montre très critique sur le
financement public de la recherche :
" il n'existe pas, au niveau
de l'Etat, de vision de synthèse sur l'affectation et l'utilisation des
crédits publics, ni a fortiori de procédure systématique
d'évaluation de leur impact technologique et économique. [...]
Ces lacunes reflètent un phénomène plus profond et plus
inquiétant : l'absence de stratégie de l'Etat en
matière de coordination et de suivi du financement public de la
RD ".
La politique de recherche française est aujourd'hui contrainte de
se
réorienter.
La fin de la guerre froide entraîne de
moindres dépenses de recherche dans le domaine militaire, tandis que la
mondialisation des économies impose la mise en place d'un système
davantage concurrentiel, ce qui ne se fait pas sans douleur dans un pays sujet
à ce que d'aucuns ont appelé la " nostalgie fordiste ".
A cet égard, la position défavorable de la France dans les
nouvelles technologies de l'information et de la communication peut
s'expliquer, en partie, par le fait que ce secteur est largement piloté
par les mécanismes de marché, l'articulation de la recherche
publique et du marché posant précisément problème
dans notre pays.
B. LES FREINS ADMINISTRATIFS ET STATUTAIRES
D'une
manière générale, il convient d'éviter que l'esprit
d'entreprise ne soit étouffé par un excès de bureaucratie.
Les mesures favorisant la simplification administrative sont donc bienvenues et
doivent être encouragées, notamment lorsqu'elles visent les PME.
De l'enquête précitée de la SOFRES, il ressort que
38 % des jeunes de 18 à 30 ans interviewés estiment que les
tracasseries administratives constituent un frein à l'innovation, tandis
que 32 % d'entre eux les considèrent comme le principal obstacle
à la création d'une entreprise, même si ce facteur n'est
cité qu'en 5
ème
position.
Votre rapporteur pour avis souligne depuis plusieurs années, dans son
rapport consacré à l'examen du budget de la recherche, les
obstacles administratifs et statutaires à la création
d'entreprises innovantes.
En effet,
les règles posées par le statut
général de la fonction publique sont incompatibles avec la
création d'entreprise par les chercheurs à partir des
résultats de leurs travaux, ce qui ne facilite pas l'essaimage.
L'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires, dite loi " Le Pors ", dispose que
" les fonctionnaires ... ne peuvent exercer à titre
professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que
ce soit ".
Il poursuit :
" Les fonctionnaires ne peuvent
prendre, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une
entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils
appartiennent ou en relation avec cette dernière, des
intérêts de nature à compromettre leur
indépendance ".
En outre, les articles 432-12 et 432-13 du code pénal sanctionnent la
prise illégale d'intérêts.
L'article 432-12 dispose que
" le fait, par une personne ...
chargée d'une mission de service public ..., de prendre, recevoir ou
conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque
dans une entreprise ... dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la
charge d'assurer la surveillance, l'administration ..., est puni de cinq ans
d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende ".
L'article 432-13 précise qu'
" est puni de deux ans
d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende le fait, par une personne ayant
été chargée, en tant que fonctionnaire public ou agent ou
préposé d'une administration publique, à raison même
de sa fonction, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une
entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec
une entreprise privée ... de prendre ou de recevoir une participation
par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant
l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la cessation de cette
fonction ".
Ces dispositions tendent à prévenir un éventuel conflit
d'intérêt entre le service public et les fonctionnaires.
Dans un souci de valorisation de la recherche, qui constitue l'une des missions
des métiers de la recherche et du service public de l'enseignement
supérieur,
les personnels de la recherche publique
bénéficient de règles statutaires assouplies.
L'article 26 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et
de programmation pour la recherche et le développement technologique de
la France prévoit d'ailleurs
" des adaptations au régime
des dispositions prévues par le statut général des
fonctionnaires et des dérogations aux règles relatives aux
mutations afin de faciliter la libre circulation des hommes et des
équipes entre les métiers de la recherche et les institutions qui
y concourent ".
De telles dérogations sont fixées par le décret
n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions
statutaires communes aux corps de fonctionnaires des EPST. Son article 243
précise les règles relatives au
détachement
dans
des entreprises, des organismes privés ou des groupements
d'intérêt public, effectué pour exercer notamment des
fonctions de recherche ou de mise en valeur des résultats de la
recherche. L'article 244 concerne la
mise à disposition
de
fonctionnaires auprès d'entreprises afin d'y assurer le transfert des
connaissances et leur application. Enfin, l'article 245 prévoit la
mise en disponibilité
de fonctionnaires qui peuvent ainsi
créer une entreprise à des fins de valorisation de la recherche.
Ces positions statutaires
sont favorables mais limitées dans le
temps, prévues en général pour une durée de trois
ou cinq ans maximum renouvelable. Du reste, elles
sont peu
utilisées.
M. Henri Guillaume, dans son rapport précité, note :
" Lorsqu'on examine les données des organismes de recherche, on
ne peut qu'être frappé par la faiblesse des mouvements de
mobilité et, plus grave, par leur tendance à la
décroissance ".
En effet, la mobilité statutaire
(mise à disposition, détachement, disponibilité) a
concerné, pour l'ensemble des EPST et des EPIC, 30 à 40 personnes
par an en 1995 et 1996, sur un total de plus de 25.000 chercheurs, soit entre
0,10 et 0,15 %.
Surtout, ces règles ne sont pas adaptées à la
création d'entreprises innovantes, dont le succès tient à
l'imbrication du monde de la recherche et du monde des entreprises
,
imbrication que les règles statutaires considérées rendent
précisément impossible, le chercheur étant contraint de
choisir entre son appartenance au service public et sa participation à
la création d'une entreprise.
Déplorant
la faible mobilité des chercheurs vers
l'enseignement supérieur
, votre rapporteur pour avis
écrivait, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour
1999 :
" Il apparaît que deux systèmes d'organisation
des ressources humaines sont possibles en matière de recherche. Le
modèle anglo-saxon comporte un nombre important de thésards et de
post-doctorants au sein des organismes de recherche, tandis que la part des
chercheurs statutaires est beaucoup plus élevée dans le
modèle français. Les organismes de recherche publics, dans les
pays anglo-saxons, n'accueillent de jeunes docteurs que pendant quelques
années. Ensuite, ces derniers rejoignent le secteur privé. Ainsi,
la moyenne d'âge dans les laboratoires publics est moins
élevée mais, surtout,
les fertilisations croisées entre
le secteur public et le secteur privé sont plus nombreuses, la recherche
fondamentale publique mieux valorisée et plus en adéquation avec
les besoins des entreprises ".
En outre, les chercheurs sont placés devant une alternative
douloureuse : soit ils ne remplissent pas la mission assignée au
service public de la recherche, à savoir la valorisation de la
recherche, soit ils la remplissent au risque de se trouver en infraction avec
la loi.
C. UN SYSTÈME DE FINANCEMENT INADAPTÉ
D'une
manière générale, le système fiscal et financier
français est marqué par des spécificités bien
connues : importance du déficit budgétaire, niveau excessif
- et bien supérieur à celui des grands pays industrialisés
- des prélèvements obligatoires et des charges sociales,
impôt sur le revenu décourageant, impôt de solidarité
sur la fortune (ISF) pénalisant, absence de fonds de pension qui
drainent l'épargne sur longue période permettant de financer
l'économie...
Assurément, ces spécificités
freinent la croissance et pénalisent la création d'entreprises,
notamment de PME innovantes.
La création d'entreprises innovantes requiert en effet une structure
de financement particulière.
Le manque de fonds propres et le
partage du risque de financement sont des problèmes fondamentaux lors de
la création ou du développement des PME, notamment pour les
entreprises innovantes. Le financement de l'innovation s'avère difficile
car les prêteurs n'ont pas de garanties aisément évaluables
et ne peuvent procéder à une analyse du risque selon des
critères habituellement retenus.
Dans une étude de cette année consacrée à la
politique de recherche et d'innovation technologiques, l'OCDE note :
" Le financement privé des jeunes entreprises innovantes en France
a traditionnellement fait dépendre les décisions d'investissement
plus du niveau et de la nature des garanties que des espérances de
profit. En faisant peser l'essentiel du risque sur le créateur ou sur
l'Etat, ce système aboutissait tout à la fois à un
découragement de l'esprit d'entreprise, une mauvaise sélection
des projets, et un sevrage des capitaux à des stades cruciaux de la vie
de l'entreprise (naissance et sauts de croissance) ".
Dans ces conditions, il s'agit avant tout d'améliorer l'environnement
des entreprises afin de favoriser l'accès des PME au marché du
crédit et à celui des capitaux.
Les jeunes entreprises
manquent souvent de fonds propres, indispensables pour les aider à
surmonter des difficultés initiales. Dès lors, l'importance du
capital d'amorçage
(
seed money
) est considérable.
Aux Etats-Unis, une partie du capital d'amorçage provient des amis et de
la famille de l'entrepreneur, mais également de
investisseurs
providentiels
, entrepreneurs établis décidés à
aider des entreprises récemment créées en leur apportant
des ressources financières et un capital d'expérience. Or, dans
son rapport précité, l'OCDE note, s'agissant de la France,
" une concentration des aides financières à l'innovation
sur l'aval du processus, au détriment des phases critiques que sont les
études de faisabilité, l'incubation ou le
démarrage ".
Plusieurs mesures ont été prises en faveur du financement de
l'innovation, qui sont rappelées plus loin. Il faut toutefois insister,
dès à présent, sur le fait qu'elles restent insuffisantes
eu égard, d'une part, à leur caractère trop parcellaire,
et, d'autre part, aux capacités de financement qui seraient
dégagées par la mise en place de fonds de pension.
Mais le principal problème qui s'oppose à la création
d'entreprises innovantes en France est le faible développement du
capital risque, malgré une très nette progression depuis 1996.
Dans son rapport précité, M. Henri Guillaume a dressé
l'état des lieux du capital risque en France, et a souligné la
faiblesse des investissements des sociétés de capital risque.
Quelques chiffres sont éloquents. Dans notre pays, le capital-risque est
proportionnellement 40 fois moins élevé qu'aux Etats-Unis. En
1997, près de 60 milliards de francs ont été investis dans
le capital risque outre-Atlantique (hors amorçage, qui représente
plus de 350 milliards), contre moins de 1,5 milliard de francs en France.
Le développement du capital risque devrait être favorisé
par la création, en 1996, de marchés boursiers
spécialisés : le Nouveau marché (NM) français,
destiné à s'insérer dans un réseau européen
de bourses interconnectées (Euro NM), et l'EASDAQ, équivalent
européen du NASDAQ américain qui est le marché
spécialisé dans les entreprises de nouvelles technologies.
Toutefois, M. Henri Guillaume écrit :
" le capital risque
continue de souffrir d'une rentabilité insuffisante ".
Il
souligne également le nombre trop restreint de sociétés de
capital risque : il y a en France 200 sociétés de
capital-investissement, une dizaine seulement atteignant une taille nationale,
c'est-à-dire des fonds gérés supérieurs ou
égaux à 150 millions de francs. Ces fonds de capital risque
investissent chaque année plus d'un milliard de francs, mais cet effort,
pour être proportionné à celui accompli aux Etats-Unis
devrait être cinq fois plus important, soit 5 à 7 milliards de
francs.
Sociétés spécialisées sur les start-up
Intervenants |
Actifs gérés |
Sofinnova |
900 MF |
Innovacom |
500 MF |
CDC - Innovation |
400 MF |
Finovelec |
300 MF |
Thomson-CSF Ventures |
300 MF |
Partech International |
250 MF |
Atlas Venture |
200 MF |
Epicéa |
200 MF |
Banexi Ventures |
150 MF |
Galiléo |
150 MF |
Source : AFIC |
|
En
outre, les sociétés de capital risque sont peu présentes
au niveau de l'amorçage. Selon l'AFIC, 19 opérations
d'amorçage ont été conduites en France en 1993, mais
seulement 9 en 1995 et 4 l'année suivante.
L'ANVAR établit le même diagnostique. Ainsi, dans sa lettre
mensuelle de janvier 1999, après avoir rappelé que
l'activité du capital-investissement hexagonal avait progressé de
44 % entre 1996 et 1997 pour atteindre 8,3 milliards de francs, elle
s'inquiète du maillon faible que constitue le niveau
" foetal " des projets innovants. Elle constate qu'alors qu'aux
Etats-Unis, ce sont souvent des structures privées qui financent le
stade amont des projets (
seed money
), le capital d'amorçage n'en
est qu'à ses balbutiements en France.
Un fonds de capital risque axé sur l'amorçage et
géré par la Caisse des dépôts et consignations a
été mis en place en 1998 par l'Etat. 600 millions de francs
prélevés sur les recettes de l'ouverture du capital de France
Télécom lui ont été affectés. Il s'agit d'un
" fonds de fonds " destiné à prendre des participations
minoritaires dans des sociétés de capital risque privées
afin d'accroître l'effet de levier.
Il convient de se féliciter d'une telle initiative. Toutefois, comme le
note l'OCDE dans son rapport précité, on peut s'interroger
" sur son opportunité à un moment où les fonds de
capital risque privés éprouvent plus de difficultés
à trouver de bons projets qu'à réunir des
capitaux ".
Les nombreuses auditions effectuées par votre rapporteur pour avis lui
ont permis de constater que la France ne manquait ni d'argent à
investir, ni de projets d'entreprises. Une enquête récente de
l'Association pour la création d'entreprises (APCE) indique ainsi que
2,5 millions de nos compatriotes nourriraient l'idée d'entreprendre
et qu'1,2 million auraient un projet précis.
Il convient
dès lors d'aider les créateurs à transformer ces
idées en entreprises, c'est-à-dire à viabiliser des
projets qui ne sauraient perdurer sans conseils et financements
adéquats. Car sans étude approfondie sur la faisabilité,
sans
business plan
, un créateur n'a aucune chance de
séduire d'éventuels investisseurs.
Or,
il ressort des différentes auditions menées par votre
rapporteur pour avis que seules les entreprises qui recèlent un
potentiel de croissance important et qui justifient de lourds investissements
trouvent des lignes de financements auprès des organismes de collecte de
l'épargne à risque. A l'inverse, les projets plus modestes et
potentiellement moins prometteurs en termes de rentabilité ou de chiffre
d'affaires, ne sont pas retenus par les professionnels de la gestion
collective, même s'ils sont susceptibles de créer des emplois.
Ainsi, le coût de gestion d'un Fonds communs de placement dans
l'innovation (FCPI) oblige ses gestionnaires à privilégier un
nombre de lignes de financement limité, quitte à sacrifier de
plus petits projets dont la viabilité et la rentabilité seraient
pourtant avérés.
Votre rapporteur pour avis considère que ces petits projets pourraient
trouver les financements et les conseils qu'ils requièrent auprès
d'anciens entrepreneurs plus avertis si ces derniers pouvaient, par des mesures
fiscales adéquates, limiter le risque qu'ils prennent. Il s'agit de
mieux reconnaître le rôle des investisseurs providentiels ou
Business Angels
à travers des mesures fiscales incitatives. Il
convient également de desserrer les contraintes qui enserrent les
gestionnaires de FCPI dans le choix des entreprises cibles afin de faciliter
les placements.
Au total, la priorité consiste aujourd'hui, d'une part à
encourager le capital d'amorçage, et, d'autre part, à
mieux
faire coïncider les projets et les sources de
financement.
Enfin, le développement du capital risque ne saurait être
apprécié en dehors d'un contexte plus général que
l'on peut qualifier de défavorable à l'initiative privée.
Dans son rapport de 1997 consacré à la fiscalité de
l'épargne, M. Alain Lambert, alors Rapporteur
général, écrivait :
" la volonté de
favoriser une sorte de microclimat fiscal en faveur du capital risque a peu de
chances d'aboutir tant elle s'insère dans un environnement
défavorable à la création de richesses ".
Il est désormais établi que l'environnement fiscal et social
français est, en partie, à l'origine d'une " fuite des
cerveaux " vers les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Le départ de
jeunes Français hautement qualifiés devient d'autant plus
préoccupant qu'il revêt depuis quelques années une
dimension croissante. Selon les données du ministère des Affaires
étrangères, 131.109 Français s'étaient
expatriés aux Etats-Unis en 1990 ; ils étaient 233.277 en
1997, dont 51.961 étaient enregistrés au consulat de Los Angeles,
soit une progression de près de 78 % en sept ans. Tout laisse supposer
que la majorité d'entre eux sont des actifs salariés ou des
entrepreneurs.
Les raisons de ces départs ne sont pas toujours
précisément identifiables, en ce sens qu'elles tiennent davantage
à un environnement général marqué par une
accumulation d'obstacles à la création d'entreprises plutôt
qu'à un motif particulier. Des chefs d'entreprise ou des cadres
supérieurs peuvent choisir de s'expatrier en raison du niveau trop
élevé des charges sociales, d'une fiscalité excessive, de
tracasseries administratives ou d'un contrôle fiscal tatillon... Il est
donc essentiel d'introduire plus de souplesse dans cet environnement à
une époque où la mondialisation touche également la
" matière grise ".
CHAPITRE II
UN PROJET DE LOI CONSACRÉ ESSENTIELLEMENT À
L'AMÉLIORATION DU STATUT DES CHERCHEURS