INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'examen par le Parlement de la présente proposition de loi trouve son origine dans l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, des dispositions d'une circulaire du 29 décembre 1999 autorisant la distribution de la pilule contraceptive NorLevo par les infirmières scolaires.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'articule autour de trois dispositions bien distinctes :

- la suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la santé dans des conditions normales d'emploi : cette mesure donne une base législative à la mise en vente libre du NorLevo, seul médicament contraceptif aujourd'hui concerné par cette possibilité ;

- la possibilité, pour les médecins, de prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux " mineures désirant garder le secret ", c'est-à-dire sans autorisation parentale ;

- la possibilité, pour les infirmières scolaires, d'administrer ces contraceptifs d'urgence aux élèves mineures et majeures.

Votre rapporteur ne peut que regretter que le débat sur ce texte se soit engagé dans un climat de polémique peu propice au consensus.

Le Gouvernement a en effet fait un choix de calendrier particulièrement maladroit en décidant de présenter en Conseil des ministres le 4 octobre dernier, soit la veille de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi, le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui étend notamment de 10 à 12 semaines de grossesse le délai limite pour la pratique d'une IVG.

Il n'est dès lors pas surprenant qu'une certaine confusion ait pu voir le jour entre une simple adaptation de la législation sur la contraception -qui fait l'objet de la présente proposition de loi- et l'allongement du délai légal pour une IVG, qui soulève, à l'évidence, des questions infiniment plus délicates.

La confusion est encore accrue par l'intitulé et le contenu du projet de loi " relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception " qui mêle ainsi allègrement deux sujets que tout oppose pourtant : l'IVG n'est pas une forme de contraception !

Votre rapporteur regrette d'autant plus ce " mélange des genres " que le volet contraception de ce projet de loi, s'il a moins attiré l'attention de l'opinion publique, n'en est pas pour autant anodin.

Au regard des modifications du droit que comporte le projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception, l'objet de la présente proposition de loi apparaît en définitive bien modeste. Votre rapporteur s'étonne dans ces conditions du caractère très médiatique que l'actuelle majorité a souhaité donner à un texte de circonstance.

Il n'en reste pas moins que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui s'efforce d'apporter une réponse à un problème réel, qu'il nous appartient d'examiner avec attention.

I. LA CONTRACEPTION D'URGENCE : PRÉVENIR LES INTERRUPTIONS VOLONTAIRES DE GROSSESSE

A. LES SPÉCIFICITÉS DE LA CONTRACEPTION D'URGENCE

1. Un moyen de limiter le recours à l'avortement

La contraception d'urgence -dénomination reconnue par l'Organisation mondiale de la santé- est définie comme l'utilisation d'un médicament ou d'un dispositif permettant d'éviter une grossesse après un rapport sexuel non ou mal protégé. On distingue la méthode mécanique -le stérilet- des méthodes hormonales.

Depuis la fin des années 1980, il existe ainsi, à côté des contraceptifs hormonaux classiques, qui sont destinés à une utilisation régulière et préventive, d'autres formes de pilules contraceptives, uniquement réservées aux cas d'urgence.

Ces pilules contraceptives parfois dites " du lendemain " sont destinées à être absorbées après un rapport sexuel. Leur mode d'action est comparable, soit à celui d'un contraceptif hormonal classique, puisqu'elles empêchent l'ovulation si celle-ci n'a pas encore eu lieu, soit à celui d'un dispositif intra-utérin qui empêche la nidation de l'oeuf.

Or, le législateur a rangé les dispositifs intra-utérins au nombre des contraceptifs, considérant implicitement que, pour l'application des dispositions relatives à l'avortement, la grossesse ne commence qu'à la nidation de l'oeuf.

Les pilules contraceptives d'urgence interviennent donc avant le phénomène de nidation. Si l'oeuf est implanté dans l'utérus, elles sont inefficaces et la grossesse se poursuit.

Les pilules contraceptives d'urgence ne doivent donc pas être confondues avec la Mifégyne, plus connue sous le nom de RU 486, qui n'appartient pas à la catégorie des contraceptifs mais à celle des produits abortifs, puisqu'elle agit plusieurs jours après le début de la grossesse, une fois l'oeuf implanté dans l'utérus.

L'utilisation de la RU 486 est donc soumise, non aux règles de la loi Neuwirth de 1967, mais à celles beaucoup plus contraignantes, fixées par la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse. Par ailleurs, l'absorption de la RU 486 peut entraîner des effets secondaires relativement importants et elle n'est pas sans danger pour l'enfant à naître en cas de poursuite de la grossesse.

La France dispose aujourd'hui de deux médicaments hormonaux ayant pour but la contraception d'urgence.

L'un est une association d'oestrogènes (éthinyl-estradiol à la dose de 100 microgrammes) et d'un progestatif (levonorgestrel à la dose de 0,5mg), administrés deux fois à 12 heures d'intervalle -il est commercialisé sous le nom de Tétragynon et a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France le 20 mars 1998.

L'autre n'est composé que de lévonogestrel à la dose de 2 comprimés de 0,75mg à 12 heures d'intervalle -il s'agit du NorLevo qui a obtenu une AMM en France dans l'indication en contraception d'urgence le 16 avril 1999.

L'efficacité de ces deux médicaments dans des conditions normales d'administration est jugée comparable selon des données internationales de niveau de preuve satisfaisant. Ces produits sont largement utilisés depuis de nombreuses années.

En terme de tolérance, le lévonorgestrel est globalement mieux toléré que l'association oestro-progestative. En raison de la présence d'oestrogènes, le Tetragymon présente en effet certaines contre-indications médicales et est déconseillé aux femmes ayant des antécédents ou des risques de thrombose vasculaire. C'est pourquoi l'administration de cette association oestro-progestative nécessite une consultation médicale préalable.

En raison de l'absence d'oestrogènes et d'une durée d'administration courte, le NorLevo n'a, quant à lui, aucune contre-indications médicales.

Ses effets secondaires sont très limités -des nausées sont rapportées dans 20 % des cas, les vomissements étant exceptionnels- et il ne présente pas de danger s'il est utilisé ponctuellement. En effet, en prise continue, le lévonorgestrel, même utilisé seul, reste soumis à prescription médicale.

Le NorLevo est une pilule contraceptive qui empêche l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus et doit être absorbée le plus rapidement possible, dans les 72 heures, après un rapport sexuel non protégé : il a en effet été démontré une efficacité significativement supérieure des méthodes hormonales de contraception d'urgence lorsque l'administration du médicament est précoce. Dans le cas du NorLevo, l'efficacité lorsque la prise se situe dans les 24 heures est de 95 % ; elle diminue à 85 % lorsque la prise a lieu entre 24 et 48 heures et à 58 % entre 48 et 72 heures.

Compte tenu de l'absence de contre-indications médicales du NorLevo, un arrêté en date du 27 mai 1999, pris par le secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action sociale, M. Bernard Kouchner, supprimait l'obligation de prescription médicale auxquelles, comme tous les contraceptifs hormonaux, ce médicament était soumis jusque-là. Cette décision, prise sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), autorisait la vente libre en pharmacie du NorLevo.

La mise à disposition du NorLevo sans prescription médicale obligatoire permet aux femmes d'avoir la possibilité de recourir à la contraception d'urgence le plus tôt possible après un rapport sexuel non protégé. La prescription obligatoire supposait en effet la prise d'un rendez-vous chez le médecin et retardait inévitablement l'absorption de ce contraceptif.

Depuis son lancement en mai 1999, le ventes de NorLevo ont augmenté régulièrement, passant 18.000 unités en juin 1999 à 50.200 en juillet 2000. Elles semblent s'être stabilisées autour 45.000-50.000 unités depuis janvier 2000. A l'évidence, ce contraceptif d'urgence répond à un réel besoin des femmes.

Evolution des ventes mensuelles de NorLevo
(en nombre d'unités)

La contraception d'urgence est en effet un progrès considérable dans la mesure où elle permet de prévenir le recours à l'avortement. On peut espérer que sa diffusion contribue à diminuer le nombre de grossesses non désirées et d'interruptions volontaires de grossesse.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page