N° 372
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 juin 2001 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ,
Par M. Bernard SEILLIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2983 , 3006 et T.A. 666
Sénat : 303 (2000-2001)
Risques professionnels. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui est désormais soumise à votre examen, est originale à plus d'un titre.
Son « histoire » parlementaire est déjà longue ; en effet, ce texte était présent dans l'avant-projet de loi de financement pour 2001, communiqué aux partenaires sociaux au mois de septembre 2000. Le Conseil d'Etat, a souhaité la disjonction de cette disposition au motif qu' « une telle réforme serait de nature à comporter, pour les exploitants agricoles et les entreprises d'assurance, des conséquences considérables qu'il ne sera guère possible d'apprécier dans le cadre enserré dans un temps étroitement limité [et qu'elle] ne présente, au surplus, aucun caractère d'urgence » . Le Conseil d'Etat, contrairement à ce que certains commentaires ont pu le laisser supposer, n'a pas considéré qu'il s'agissait d'un « cavalier » : un tel jugement aurait du reste été difficile à justifier, cette mesure d'organisation ayant une incidence financière directe sur les comptes de la sécurité sociale. Il a estimé que la réforme méritait un examen approfondi, peu compatible avec la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumise à des délais constitutionnels d'examen très resserrés. Les parlementaires n'étaient pas seuls concernés : le conseil national des assurances, par exemple, n'avait pas été saisi de ce texte.
L'inclusion de ce dispositif dans le projet de loi de modernisation sociale s'étant révélée une « fausse piste », une première proposition de loi 1 ( * ) a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Jacques Rebillard, député de Saône-et-Loire, et plusieurs de ses collègues membres du groupe radical, citoyen et vert (RCV). A la suite de l'intervention de M. Charles de Courson, député de la Marne et rapporteur spécial du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), invoquant l'article 40 de la Constitution, cette proposition de loi a été retirée, en raison de son irrecevabilité manifeste.
M. Jacques Rebillard et ses collègues ont déposé une seconde « mouture », respectant la figure imposée de l'article 40, tout en appelant explicitement le Gouvernement à l'amender en séance publique. Ce dernier -ô surprise !- s'est exécuté sans difficultés, le 3 mai dernier.
Certains députés ont pu dénoncer un détournement de l'article 48 alinéa 3. Votre rapporteur ne souhaite pas ouvrir ce débat, qui concerne une autre assemblée parlementaire.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, l'attitude de M. Jean Glavany, ministre de l'Agriculture et de la Pêche, n'a pas contribué à faire retomber l'émotion née de ces péripéties bien curieuses : après avoir accusé les députés de l'opposition de défendre « les intérêts financiers de groupes privés » 2 ( * ) , il a mis en cause « l'arrogance de la Cour des comptes » 3 ( * ) ... un député de la commission des Finances de l'Assemblée nationale -dont chacun s'accorde à reconnaître le dévouement et la compétence sur les sujets de protection sociale agricole- ayant visiblement le malheur ou la malchance d'être un conseiller référendaire de la haute juridiction financière !
Le Gouvernement a choisi de déclarer l'urgence sur cette proposition de loi, ce qui n'est malheureusement pas une « première » au cours de l'année parlementaire, les propositions de loi sur l'inversion du calendrier électoral et sur la contraception d'urgence ayant fait l'objet du même sort.
Votre commission regrette profondément l'utilisation de l'urgence sur ce texte, qui aurait mérité un examen particulièrement approfondi et argumenté. Compte tenu de l'accumulation de « textes sociaux » au cours de ce printemps, elle a été dans l'impossibilité de procéder à une audition de l'ensemble des acteurs de la protection complémentaire et des organisations professionnelles agricoles. De telles auditions 4 ( * ) constituent pourtant l'un des fondements d'un bon travail législatif.
Sur le fond, la proposition de loi transforme un régime d'assurance obsolète et peu satisfaisant en une nouvelle branche du régime de protection sociale des non-salariés agricoles.
Votre commission considère que l'objectif d'améliorer la protection sociale des exploitants agricoles, unanimement partagé, peut être atteint par d'autres moyens, respectant le cadre concurrentiel du régime actuel, sans hausse future des prélèvements obligatoires.
I. L'ASSURANCE ACCIDENTS DES EXPLOITANTS AGRICOLES : UN ÉTAT DES LIEUX PEU SATISFAISANT
Un consensus existe sur l'état des lieux : l'assurance obligatoire des exploitants agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles est aujourd'hui un système déficient.
A. UNE LÉGISLATION DÉJÀ ANCIENNE
1. Une confusion entre les accidents du travail et les accidents de la vie privée qui apparaît obsolète
La loi du 25 janvier 1961 créant l'assurance maladie des exploitants agricoles (AMEXA) a exclu du champ de la protection le risque d'accidents de la vie privée, à la différence des régimes « maladie » traditionnels. A cette époque, l'identité de lieu entre la vie familiale et la vie professionnelle des exploitants agricoles et des membres de la famille travaillant sur l'exploitation était la règle habituelle : la distinction technique entre les accidents de la vie privée et des accidents du travail apparaissait impossible.
La loi du 22 décembre 1966 a institué le principe de l'assurance obligatoire pour couvrir les accidents, quelle que soit leur nature (de la vie privée ou du travail), et les maladies professionnelles agricoles.
Au cours du débat parlementaire -qui a duré cinq ans !- deux thèses se sont affrontées : l'une visant à créer une branche nouvelle de l'assurance sociale des exploitants agricoles, l'autre inscrivant l'AAEXA dans le monde de l'assurance privée de personnes. C'est en définitive la deuxième thèse qui l'a emporté, essentiellement pour des raisons budgétaires, le gouvernement de l'époque ne souhaitant pas engager de concours publics.
Les exploitants agricoles, leurs conjoints, leurs aides familiaux, leurs enfants et leurs ascendants qui participent à la mise en valeur de l'exploitation, ainsi que les membres non salariés des sociétés sont tenus de souscrire un contrat d'assurance auprès de l'organisme de leur choix (sociétés d'assurances, mutuelles, caisses de MSA). En fait, trois caisses de MSA 5 ( * ) seulement assurent une telle prestation.
Moyennant le paiement de primes librement négociées, cette assurance obligatoire garantit le remboursement des soins sans ticket modérateur et le versement d'une pension d'invalidité lorsque l'assuré se voit reconnaître un taux d'inaptitude d'au moins 66 %, à l'exercice de la profession agricole.
La partie « obligatoire » est ainsi minimale.
* 1 N° 2953, XI ème législature.
* 2 JO Débats Assemblée nationale, séance du 3 mai 2001, p. 2619.
* 3 JO Débats Assemblée nationale, séance du 3 mai 2001, p. 2631.
* 4 Votre rapporteur a procédé naturellement à ces auditions.
* 5 Ariège, Hautes-Pyrénées et Puy-de-Dôme.