4. Garantir un droit minimal au logement
Il semble difficile d'admettre que le conjoint survivant bénéficie de moins de droits que ne peut en avoir dans certains cas un conjoint divorcé. Le conjoint survivant doit donc se voir reconnaître un droit minimal intangible au logement, assorti d'un droit à pension s'il se retrouve dans le besoin.
a) Rendre intangible le droit viager d'habitation et d'usage
Les deux assemblées se sont accordées sur le droit temporaire au logement dont bénéficie le conjoint pendant un an ( art. 3 ).
Le Sénat a en outre adhéré au principe posé par l'Assemblée nationale d'un droit viager d'habitation et d'usage conféré au conjoint sur le logement lui servant de résidence principale à l'époque du décès. Il a cependant aménagé ce droit sur plusieurs points ( art. 3, art. 764 à 766 )
L'Assemblée nationale a prévu en effet que le droit au logement n'était pas intangible, le conjoint pouvant en être privé par un testament en la forme authentique. ( art. 3, art. 767-4 ).
Le Sénat a au contraire estimé que le droit au logement devait être un droit minimal garanti dont le défunt ne pouvait priver son conjoint.
Le conjoint n'étant pas réservataire, la marge testamentaire du défunt s'exercera en effet le plus souvent, à son détriment. Ce sera généralement le cas en présence de trois enfants, puisque la réserve s'élève dans ce cas aux trois quarts de la succession. Il est donc important, sans pour autant en faire un héritier réservataire, d'accorder au conjoint une protection minimale à travers un droit viager intangible au logement.
Pour autant, le Sénat a prévu que ce droit ne porterait pas obligatoirement sur le logement où le conjoint avait sa résidence principale à l'époque du décès. Il a admis que le défunt puisse prévoir que le droit d'habitation s'exercerait dans un autre local, gardant ainsi la possibilité de disposer du logement qui servait de résidence principale à son conjoint ( art. 3, art. 765 du code civil ).
Le Sénat avait de plus introduit une clause d'ingratitude permettant au juge d'exonérer la succession de la charge du droit d'habitation ( art. 766 ). Après réflexion, votre commission a décidé de ne pas proposer le rétablissement de cette clause supprimée par l'Assemblée nationale, considérant qu'il pourrait être malsain de permettre aux héritiers de faire, après la mort de l'un des époux, le procès de la vie conjugale du couple.
En outre, le Sénat a prévu que le conjoint devrait récompenser la succession si le droit d'habitation excédait ses droits successoraux dans le cas où l'importance du logement dépasserait de manière manifestement excessive ses besoins effectifs ( art. 765-1 ). Les héritiers doivent certes garantir au conjoint le droit d'être logé mais ils ne doivent pas être tenus de le faire au delà des droits successoraux de ce dernier dans des conditions excédant manifestement ses besoins. Il n'apparaît pas souhaitable de conserver à tout prix dans son cadre d'existence un conjoint dont les moyens ne seraient pas adaptés à ce cadre .
Il convient cependant de noter que, dans le cas d'un conjoint survivant âgé, la valeur du droit d'habitation ne dépasserait que très rarement ses droits successoraux puisque la proposition de loi confère au droit d'habitation une valeur égale à 60% de celle de l'usufruit. Le droit d'habitation serait ainsi évalué à 6% de la valeur du bien pour un conjoint âgé de plus de soixante-dix ans contre 42% pour un conjoint âgé de moins de vingt ans.
Enfin, le Sénat a assoupli les conditions permettant au conjoint de donner à bail le logement. Plutôt que de viser le cas où il viendrait à être hébergé dans un établissement spécialisé, il a étendu cette possibilité à l'ensemble des situations où l'état du conjoint nécessite un changement de domicile de manière à ce qu'il puisse financer ses nouvelles conditions d'hébergement. Ce pourrait être le cas par exemple d'un conjoint ne pouvant plus monter les étages conduisant à son appartement ( art 764 ).
Votre commission vous proposera donc de reprendre la rédaction de l'article 3 adopté en première lecture relatif au droit au logement, sous réserve de ne pas rétablir la clause d'ingratitude supprimée par l'Assemblée nationale.