N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 février 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) :

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l' immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris ;

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l' immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris ;

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l' indemnisation de la République d'Estonie pour l' immeuble de son ancienne légation à Paris.

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 150, 151, 152, 372 et T.A . 54, 55, 56 .

Sénat : 109 , 110 et 111 (2002-2003)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, le 19 décembre dernier, les trois projets de loi autorisant l'approbation des accords conclus le 13 décembre 2001 entre la France d'une part, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie d'autre part, au sujet du statut des immeubles de leur légation respective à Paris.

Le dossier dit des « légations baltes » est redevenu d'actualité lors du retour de ces trois pays à l'indépendance, au début de la précédente décennie. Les immeubles qu'ils avaient acquis à Paris, durant l'entre-deux guerres, pour y installer leur ambassade, avaient été occupés dès 1940 par les services diplomatiques soviétiques. Pour autant, aucun transfert de propriété n'a été opéré, la France n'ayant jamais reconnu l'annexion de ces Etats par l'URSS.

C'est donc à bon droit que l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont revendiqué auprès de la Russie la restitution de ces immeubles.

Les accords aujourd'hui soumis à l'approbation parlementaire découlent directement du rôle qu'a voulu jouer la France pour faciliter le règlement de ce contentieux auquel elle n'est officiellement pas partie et qui ne concernait que la Russie et les trois pays baltes.

Ces accords apportent une réponse définitive à la demande des Etats baltes, sous la forme d'une indemnité représentative de la valeur des immeubles concernés qui leur sera versée par la France.

Parallèlement, la France a négocié avec la Russie un autre accord intergouvernemental, afin d'obtenir de cette dernière une compensation financière en contrepartie de son engagement sur ce dossier. La conclusion de cet accord est actuellement en bonne voie.

Le règlement du contentieux russo-balte sur la situation des immeubles parisiens aura également des répercussions positives sur nos relations avec les trois Etats baltes, compte tenu de la contribution qu'y a apporté la France.

Votre rapporteur effectuera un bref rappel historique de ce dossier, avant de présenter les trois accords, ainsi que le schéma global du règlement proposé incluant un prochain accord franco-russe.

I. LES DONNÉES HISTORIQUES ET JURIDIQUES DU DOSSIER DES « LÉGATIONS BALTES »

La question des légations baltes à Paris renvoie aux principaux épisodes de l'histoire européenne du XX ème siècle, qui ont entraîné le passage des immeubles concernés sous le contrôle de l'Union soviétique puis de la Russie.

A. UN HÉRITAGE DE LA PREMIÈRE INDÉPENDANCE DES PAYS BALTES LORS DE L'ENTRE-DEUX GUERRES

Situés aux confins des mondes slave, scandinave et germanique, les territoire des actuels États baltes ont tour à tour été occupés, tout au long de leur histoire, par leurs principaux voisins.

Associée à la Pologne à partir du XIV ème siècle dans le cadre d'une union dynastique, la Lituanie a totalement perdu son indépendance en 1795 lors de son annexion par l'Empire russe.

L'ancienne Livonie, qui couvrait au Moyen-Age les territoires actuels de l'Estonie et de la Lettonie, fut annexée au XIII ème siècle par l'ordre des Chevaliers teutoniques, avant de connaître, au début du XVII ème siècle, l'occupation suédoise, puis, un siècle plus tard, l'absorption par l'Empire russe.

L'effondrement de l'Empire russe et la défaite allemande de 1918 ont favorisé l' accession des trois pays baltes à l'indépendance .

Conquise par l'armée allemande en 1915, la Lituanie devint le 16 février 1918 un État théoriquement indépendant, mais soumis à l'Allemagne. Toutefois, le 2 novembre 1918, les Lituaniens constituèrent un gouvernement d'indépendance nationale favorable aux Alliés. Après une tentative de reconquête par l'Armée rouge en 1919, et un différend avec la Pologne sur le sort de la ville de Vilnius, l' indépendance de la Lituanie fut confirmée, avec sa reconnaissance le 20 août 1919 par les Alliés occidentaux, dont la France, puis par la Société des Nations (SDN), et enfin par l'URSS, dans le cadre du traité russo-lituanien de Moscou du 12 juillet 1920.

A la suite du traité de Brest-Litovsk de mars 1918, l'Estonie et la Lettonie furent également soustraites à la souveraineté russe mais restèrent occupées par l'armée allemande. Un gouvernement estonien s'installa à Tallin le 11 novembre 1918. En Lettonie, l'indépendance fut proclamée le 18 novembre 1918 mais fut contestée dans un premier temps par les soviétiques, qui tentèrent en vain de reconquérir le pays.

Après sa reconnaissance par les Alliés le 20 août 1919 puis par la SDN, l' indépendance de l'Estonie et de la Lettonie fut acceptée en 1920 par Moscou (traité de Tartu du 2 février 1920 pour l'Estonie, traité de Riga du 11 août 1920 pour la Lettonie).

C'est dans les années qui suivirent la confirmation de leur indépendance que les pays baltes se dotèrent d' ambassades à Paris.

La Lituanie a acheté en juillet 1925 l'Hôtel Fournier, sis 14, place Malesherbes, devenu depuis lors place du Général Catroux, dans le 17 ème arrondissement. Le contrat d'acquisition, pour un montant de 1,5 million de francs de l'époque, avait été dûment inscrit à la conservation des hypothèques de Paris. La Lituanie avait payé l'intégralité du prix en quatre versements, le dernier ayant été effectué en 1928.

La Lettonie fit pour sa part l'acquisition en 1927 d'un immeuble situé 8, rue de Prony, dans le 17 ème arrondissement.

Quant à l' Estonie , elle acheta en janvier 1936 pour 1 million de francs intégralement payés lors de la signature du contrat, un immeuble situé 4, rue du Général Appert, dans le 16 ème arrondissement, immeuble sur lequel elle engagea en 1937 d'importants travaux de reconstruction et de rénovation.

La Première indépendance des États baltes fut de courte durée puisque les trois pays furent envahis en juin 1940 par les troupes soviétiques. En effet, les protocoles secrets du traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique du 23 août 1939 (pacte Molotov-Ribbentrop) et du traité germano-soviétique de délimitation et d'amitié du 28 septembre 1939 prévoyaient le partage des territoires situés entre les deux pays et attribuèrent les pays baltes à la zone d'influence soviétique. Les trois pays baltes, érigés en républiques soviétiques, furent incorporés à l'URSS dès l'été 1940.

Bien que la France n'ait pas reconnu cette annexion, les clefs des trois ambassades baltes à Paris furent remises en août 1940, sur demande du gouvernement de Vichy, à la préfecture de police qui les transmit à l'ambassade d'URSS.

En juin 1941, lors du déclenchement de l'offensive allemande contre l'Union soviétique, les trois immeubles furent réquisitionnés par l'Ambassade d'Allemagne.

A la Libération, en septembre 1944, l'ambassade d'URSS obtint des autorités françaises de pouvoir réintégrer les trois immeubles qu'elle avait temporairement occupés en 1940-1941. L'année suivante, après la défaite allemande, les trois pays baltes furent réintégrés de force à l'URSS.

Depuis lors, les trois immeubles parisiens n'ont cessé d'être utilisés par les services diplomatiques soviétiques puis russes .

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