B. DES CONSÉQUENCES SÉRIEUSES POUR LES DROITS DU PARLEMENT FRANÇAIS

Pour la plupart des Etats membres, le choix d'une conclusion des accords d'entraide et d'extradition par la seule Union européenne n'empêchera pas une ratification par les parlements nationaux.

L'article 24 du traité sur l'Union européenne prévoit en effet que « aucun accord ne lie un Etat membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles ».

Il semble que la plupart des Etats membres envisagent de soumettre la conclusion de ces accords par l'Union à une approbation préalable de leur Parlement.

Ainsi, en Allemagne, le Parlement devrait être consulté avant la conclusion de ces accords et, postérieurement à la signature par l'Union, le Gouvernement envisage d'engager une procédure de ratification. Les autorités allemandes devraient donc faire usage des dispositions de l'article 24 § 5 du traité.

L'Espagne, l'Italie, l'Autriche et le Portugal envisagent également de procéder à une ratification formelle de ces deux accords, postérieurement à leur signature, et donc de faire usage de ces dispositions.

Au Royaume-Uni et en Suède, la question se pose de manière différente car, en raison du modèle dualiste, tout texte européen doit être introduit dans le droit interne par une loi, ce qui implique nécessairement une intervention du Parlement.

Seule la Belgique exclut a priori une ratification formelle de ces accords, mais son Gouvernement étudie actuellement les modalités juridiques permettant au Parlement de consentir à ces accords. Il est vrai que l'organisation constitutionnelle de ce pays rend extrêmement compliquée toute procédure de ratification.

En France, il semble qu'une procédure d'autorisation ou ratification par le Parlement ne puisse être envisagée, les représentants de l'Exécutif considérant que les dispositions de la Constitution relatives aux traités et accords internationaux ne s'appliquent qu'aux traités et accords auxquels la France est partie.

Dans ces conditions, la conclusion par la seule Union européenne des accords d'entraide judiciaire et d'extradition avec les Etats-Unis empêcherait qu'une procédure de ratification soit conduite .

Une telle situation serait particulièrement grave, puisqu'elle empêcherait la France d'utiliser la faculté que lui offre l'article 24 du traité de l'Union européenne. Or, il semble que la conformité à la Constitution de l'article 24 du traité sur l'Union européenne n'a été admise qu'à cause de la possibilité pour chaque Etat de recourir à ses propres règles constitutionnelles.

Dans ses commentaires sur la décision du Conseil constitutionnel relative au traité d'Amsterdam, M. Jean-Eric Schoettl, conseiller d'Etat, secrétaire général du Conseil constitutionnel, écrit à propos de l'article 24 :

« Cette habilitation demeure sans incidence sur l'exercice de la souveraineté nationale dès lors qu'il est précisé qu'aucun accord ne lie un Etat membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles. Autrement dit, la France pourra recourir à la procédure constitutionnelle de ratification parlementaire et le Conseil constitutionnel pourra ainsi, le cas échéant, être saisi » 2 ( * ) .

Manifestement, l'hypothèse d'une conclusion d'accords par la seule Union européenne n'avait pas été envisagée et fait obstacle à la possibilité pour la France de recourir à ses règles constitutionnelles.

Cette difficulté pourrait remettre en cause l'effectivité des accords. Une personne pourrait en effet invoquer l'irrégularité de la procédure de ratification à l'appui d'un recours dirigé contre un décret d'extradition. Le Conseil d'Etat accepte en effet, depuis 1998, de contrôler la régularité de la procédure de ratification ou d'approbation des traités et accords contentieux au regard de l'article 53 de la Constitution.

* 2 AJDA, 20 février 1998

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