TITRE II
DISPOSITIONS
RELATIVES À L'ACTION PUBLIQUE,
AUX ENQUÊTES, À
L'INSTRUCTION,
AU JUGEMENT ET À L'APPLICATION DES PEINES
CHAPITRE
PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION PUBLIQUE
136. SECTION 1
Dispositions générales
137. Article 17
(art. 30 du code de procédure
pénale)
Attributions du ministre de la justice
en matière
de politique pénale
Le présent article tend à consacrer et à définir le rôle du ministre de la justice dans l'action publique. Le projet de loi initial tendait simplement à préciser, dans l'article 30 du code de procédure pénale, que le ministre de la justice veille à la cohérence de l'application de la loi pénale sur le territoire de la République.
En première lecture, le Sénat a apporté plusieurs modifications à ce dispositif :
- il a précisé que le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le gouvernement ;
- il a consacré dans le code de procédure pénale la possibilité pour le ministre de la justice d'adresser aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique ;
- il a enfin transféré de l'article 36 à l'article 30 du code de procédure pénale les dispositions permettant au ministre de la justice d'adresser aux procureurs généraux des instructions écrites et versées aux dossiers de la procédure.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté les propositions du Sénat. A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, elle a cependant substitué la notion de politique pénale à celle de politique d'action publique . Par un amendement , votre commission vous propose de rétablir la référence à la notion de politique d'action publique, qui apparaît plus précise que celle de politique pénale.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .
138. Article 18
(art. 35 du code de procédure
pénale)
Rôle des procureurs généraux en
matière de politique pénale
Le présent article tend à préciser les attributions du procureur général. Il tend notamment à prévoir dans l'article 35 du code de procédure pénale que le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort.
Le projet de loi initial prévoyait en outre que le procureur général animait et coordonnait l'action des procureurs de la République ainsi que la conduite des différentes politiques publiques par les parquets de son ressort.
Après avoir fait remarquer que les parquets ne conduisaient pas « différentes politiques publiques », le Sénat a prévu en première lecture que le procureur général animerait et coordonnerait l'action des procureurs de la République ainsi que la conduite de la politique d'action publique par les parquets de son ressort.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté les propositions du Sénat, mais a remplacé la référence à la politique d'action publique par une référence à la politique pénale.Par un amendement , votre commission vous propose de rétablir la référence à la politique d'action publique.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .
139. SECTION 2
Dispositions relative à la
composition pénale
et aux autres alternatives aux poursuites
140. Article 22 A
(art. 41-1 du code de
procédure pénale)
Possibilité d'utiliser la
procédure d'injonction de payer
en cas de médiation
pénale
Le présent article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en première lecture à l'initiative de votre rapporteur, tend à modifier l'article 41-1 du code de procédure pénale, relatif aux alternatives aux poursuites, pour permettre aux victimes, en cas de réussite d'une médiation pénale, de demander le recouvrement des dommages et intérêts suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois a complété cet article, pour prévoir que la mesure alternative aux poursuites consistant à orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle peut prendre la forme d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté.
Déjà, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a prévu qu'en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule à moteur, l'auteur des faits pourrait se voir proposer, comme alternative aux poursuites, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. La précision apportée par l'Assemblée nationale est donc tout à fait bienvenue et enrichit la liste des mesures alternatives aux poursuites.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 22 A sans modification .
141. Article 23
(art. 41-2 et 41-3 du code de
procédure pénale)
Extension du champ d'application de la
composition pénale
et de la liste des mesures susceptibles
d'être proposées
Le présent article a pour objet de modifier substantiellement les dispositions du code de procédure pénale relatives à la composition pénale.
Le paragraphe I tend à modifier l'article 41-2 du code de procédure pénale relatif à l'application de la composition pénale en matière délictuelle. Il prévoit la possibilité d'appliquer la procédure de composition pénale à l'ensemble des délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans.
Le texte proposé étend par ailleurs sensiblement la liste des mesures pouvant être proposées par le procureur de la République dans le cadre d'une composition pénale pour viser notamment l'interdiction d'émettre des chèques, l'interdiction de paraître dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes, l'interdiction de quitter le territoire national.
Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des Lois, a adopté trois modifications au présent article :
- elle a prévu la possibilité d'appliquer la procédure de composition pénale non seulement aux délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, mais également aux contraventions connexes à ces délits ;
- elle a supprimé toute limitation au montant de l'amende de composition pouvant être proposée par le procureur de la République. Actuellement, cette amende ne peut excéder ni la moitié de l'amende encourue ni 3.750 euros. Le projet de loi initial ne maintenait que le plafond de la moitié de l'amende encourue. L'Assemblée nationale a supprimé ce plafond en première lecture. Au contraire, le Sénat a prévu que l'amende de composition ne pourrait dépasser ni la moitié de l'amende encourue ni 7.500 euros. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a de nouveau supprimé tout plafond.
Une telle solution n'apparaît guère acceptable. D'une part, la composition pénale repose sur le principe selon lequel les mesures proposées sont moins sévères que les peines encourues pour l'infraction que la personne reconnaît avoir commise. D'autre part, en l'absence de tout plafond, il deviendrait théoriquement possible de proposer une amende supérieure à celle encourue pour l'infraction concernée .
Par un amendement , votre commission vous propose, dans un souci de conciliation, de prévoir que le montant de l'amende de composition ne peut excéder la moitié du montant de l'amende encourue ;
- l'Assemblée nationale a ajouté l'accomplissement d'un stage de citoyenneté parmi les mesures qui pourraient être proposées dans le cadre d'une composition pénale. Ainsi, le stage de citoyenneté pourrait être une peine (article 15 bis du projet de loi) ou une alternative aux poursuites ;
- enfin, l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions prévoyant une couverture sociale spécifique pour les personnes effectuant un stage dans le cadre d'une composition pénale. De fait, ces stages ne peuvent être comparés au travail pénal des détenus ou au travail non rémunéré effectué dans le cadre d'une composition pénale.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 23 ainsi modifié .
142. SECTION 3
Dispositions diverses et de
coordination
143. Article 24 A
(art. 706-53-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Prescription des infractions sexuelles
Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Gérard Léonard, a été supprimé par le Sénat en première lecture puis rétabli, dans une rédaction légèrement différente par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Il tend à augmenter la durée de la prescription de l'action publique et de la peine pour certaines infractions.
Le texte proposé prévoit que l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du code de procédure pénale se prescrit par trente ans et que la peine prononcée en cas de condamnation pour l'un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
Les crimes concernés sont :
- le meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ;
- le viol.
Le texte proposé tend également à porter à vingt ans le délai de prescription de l'action publique et des peines pour les délits suivants :
- les agressions sexuelles autres que le viol ;
- le proxénétisme aggravé ;
- les atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans.
Votre rapporteur, qui a entendu, dans le cadre de la préparation du présent rapport, des associations de victimes d'inceste, persiste à penser que le présent article soulève des difficultés importantes.
En 1998, le législateur a reporté le point de départ de la prescription en matière d'infractions sexuelles commises sur les mineurs au jour de la majorité. Il s'agissait de tenir compte de la difficulté pour les mineurs de dénoncer les infractions dont ils sont victimes et qui sont souvent commises par leurs proches. Le texte proposé par le présent article concerne quant à lui aussi bien les infractions commises contre les majeurs que celles commises contre les mineurs.
Par ailleurs, il ne paraît pas souhaitable de multiplier les règles dérogatoires au régime de la prescription. Il serait préférable de procéder à une réforme d'ensemble prenant en considération les progrès scientifiques, qui permettent de faire la preuve de certaines infractions longtemps après leur commission, l'allongement de l'espérance de vie et la transformation de la société, qui admet moins qu'auparavant l'oubli des infractions passées.
Dans ces conditions, votre commission vous propose de nouveau la suppression de l'article 24 A.
144. Article 24
(art. L. 2211-2 et L. 2211-3
nouveaux du code général des collectivités
territoriales)
Echanges d'informations relatifs à des crimes ou
délits
entre les maires et les parquets
Le présent article tend à insérer deux articles L. 2211-2 et L. 2211-3 dans le code général des collectivités territoriales pour préciser les règles relatives aux échanges d'informations entre le maire et le procureur.
Le texte proposé pour l' article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire est tenu de signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou les délits dont il acquiert la connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le maire serait avisé par le parquet des suites données à ses avis.
Le projet de loi initial prévoyait en outre que le procureur de la République pouvait communiquer au maire les éléments d'information sur les procédures relatives à des infractions commises sur le territoire de la commune qu'il rendait publics.
Le Sénat, en première lecture, a proposé que le procureur puisse communiquer des informations au maire, que celles-ci soient ou non rendues publiques.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Gérard Hamel, a modifié ces dispositions pour prévoir que le procureur de la République peut porter à la connaissance du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale. Les maires et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale seraient tenus au secret professionnel.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, a ainsi commenté cet amendement : « Comme je l'avais indiqué en première lecture, un groupe de travail réunissant magistrats et élus locaux a été institué à la suite des préoccupations qui ont été manifestées, en particulier à l'Assemblée nationale. L'amendement déposé par M. Hamel, qui faisait partie de ce groupe de travail, reprend les conclusions de son rapport. Je pense que c'est un élément très important qui clarifie -j'allais dire « enfin »- les relations entre les parquets et les maires. Il le fait dans des conditions qui sont acceptables en tous points et qui, je crois, vont à la rencontre de ce que souhaitaient les élus locaux dans le souci d'assumer effectivement leurs responsabilités vis-à-vis de leurs concitoyens, tout en respectant les contraintes en matière de secret » 67 ( * ) .
Le texte proposé pour l' article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales a été inséré dans le projet de loi par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur. Dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, le texte proposé prévoyait que le maire était informé sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, a précisé que cette information serait donnée « dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale », qui définit le secret de l'enquête et de l'instruction. Elle a en outre prévu que les maires ne seraient informés que des infractions causant un trouble « grave » à l'ordre public. Elle a enfin souhaité que le maire soit informé « dans les meilleurs délais » et non « sans délai ». Par un amendement , votre commission vous propose de prévoir de nouveau une information « sans délai » du maire. En effet, le présent article impose au maire de dénoncer « sans délai » au procureur les infractions dont il a connaissance. Il est donc logique que les services de police et de gendarmerie informent « sans délai » le maire des infractions causant un trouble grave à l'ordre public.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 24 ainsi modifié .
145. Article 25 bis
(art. 48-1 et 11-1 nouveaux
du code de procédure pénale)
Création d'un bureau
d'ordre national automatisé
des procédures judiciaires
Le présent article, inséré dans le projet de loi par le Sénat à l'initiative du gouvernement, a pour objet de consacrer dans la loi l'existence d' un bureau d'ordre national automatisé des procédures . Il s'agit de permettre à l'institution judiciaire d'avoir connaissance des procédures judiciaires d'un tribunal à l'autre.
Le paragraphe I tend à insérer une nouvelle section au sein des dispositions du code de procédure pénale consacrées au ministère public, composée d'un unique article 48-1.
Le texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale dispose que le bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires est placé sous le contrôle d'un magistrat et contient les informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les procureurs de la République ou les juges d'instruction et aux suites qui leur ont été réservées.
La finalité de ce fichier serait de « faciliter la gestion et le suivi des procédures judiciaires par les juridictions compétentes, l'information des victimes et la connaissance réciproque entre les juridictions des procédures concernant les mêmes faits ou mettant en cause les mêmes personnes, afin notamment d'éviter les doubles poursuites ». Le fichier aurait également pour objet l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques.
Le texte proposé prévoit que les données enregistrées dans le bureau d'ordre national portent notamment sur :
- les dates, lieux et qualification juridique des faits ;
- lorsqu'ils sont connus, les noms, prénoms, date et lieu de naissance ou la raison sociale s'il s'agit d'une personne morale, des personnes mises en cause par les victimes ;
- les informations relatives aux décisions sur l'action publique, au déroulement de l'instruction, à la procédure de jugement et aux modalités d'exécution des peines ;
- les informations relatives à la situation judiciaire de la personne mise en cause, poursuivie ou condamnée.
Les informations contenues dans le bureau d'ordre seraient conservées pendant une durée de dix ans à compter de leur dernière mise à jour enregistrée. Toutefois, le texte proposé précise que, dans l'hypothèse où la durée de prescription de l'action publique ou de la peine est supérieure à dix ans, les données sont insérées pendant une durée égale à ces délais de prescription.
Les données seraient enregistrées sous la responsabilité, selon les cas, du procureur de la République, du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge de l'application des peines de la juridiction territorialement compétente, par les greffiers ou les personnes habilitées qui assistent ces magistrats.
Le texte proposé prévoit que les informations sont directement accessibles, pour les nécessités liées au seul traitement des infractions ou des procédures dont ils sont saisis, par les procureurs de la République, les juges d'instruction, les juges des enfants et les juges de l'application des peines de l'ensemble des juridictions ainsi que les greffiers ou les personnes habilitées qui assistent ces magistrats.
De même, les informations seraient accessibles aux procureurs de la République et aux juges d'instruction des juridictions pénales spécialisées ainsi qu'aux procureurs généraux pour le traitement des procédures dont sont saisies les cours d'appel. Le texte adopté par le Sénat ne précisait pas, dans ces deux derniers cas, que les informations seraient accessibles « directement ». A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, l'Assemblée nationale a prévu en deuxième lecture que tel serait bien le cas.
En principe, les informations figurant dans le bureau d'ordre national automatisé ne seraient accessibles qu'aux autorités judiciaires, les dispositions du code de procédure pénale relatives au secret de l'enquête et de l'instruction étant applicables. Toutefois, le paragraphe II du présent article prévoit des exceptions à cette règle.
Enfin, le texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale dispose qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités d'application de cet article et précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès.
Le paragraphe II tend à insérer un article 11-1 dans le code de procédure pénale pour prévoir que, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, des éléments concernant des « procédures judiciaires en cours » peuvent être communiqués à des autorités ou organismes habilités à cette fin par arrêté du ministre de la justice, afin de « réaliser des recherches ou des enquêtes scientifiques ou techniques destinées notamment à prévenir la commission d'accidents, ou de faciliter l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice . »
Dans de tels cas, les agents de ces autorités ou organismes seraient tenus au secret professionnel et encourraient une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende en cas de violation de ce secret.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 25 bis sans modification .
* 67 JOAN, 2 ème séance du 27 novembre 2003.