EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 26 octobre 2005.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, a estimé que la discussion de cet accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, sur lequel ne pouvait se dégager qu'un très large assentiment, devait également fournir l'occasion d'exprimer de légitimes interrogations à l'égard du projet de traité d'amitié franco-algérien dont la négociation, engagée depuis plusieurs mois, semble actuellement rencontrer des difficultés. Rappelant les déclarations récentes du président Bouteflika à l'égard de la France, il s'est inquiété de voir réapparaître des controverses appartenant au passé alors qu'il convient, au contraire, de jeter les bases d'une coopération fructueuse pour l'avenir de nos deux pays. Il a souhaité l'aboutissement du traité d'amitié, estimant qu'il exigeait, de la part des deux pays, une contribution active et non pas critique.
M. André Dulait a demandé des précisions sur l'évolution des positions algériennes à l'égard du libre retour des harkis.
M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que les autorités algériennes avaient pris une position de principe favorable à la libre circulation des harkis en Algérie, mais que dans les faits, cette position ne s'était toujours pas réellement concrétisée. Par ailleurs, la question des harkis n'a pas été inscrite dans la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vient d'être approuvée par referendum le 29 septembre dernier.
Mme Josette Durrieu a souhaité savoir si les accords de coopération en matière de sécurité intérieure, conclus par la France, s'inscrivaient dans une perspective plus large à l'échelon européen et notamment, s'agissant de l'Algérie, si une articulation était prévue avec le processus de Barcelone.
M. Robert Del Picchia, rapporteur, a répondu que ce type d'accords portait exclusivement sur la coopération bilatérale, qu'elle soit opérationnelle ou technique. Il s'agit donc d'une démarche distincte des initiatives prises au niveau européen, ce qui n'exclut pas de traiter des questions de sécurité dans les enceintes du dialogue euro-méditerranéen.
M. Robert Bret a porté une appréciation positive sur l'accord franco-algérien de coopération en matière de sécurité intérieure, estimant que ce type de partenariat apporte des réponses certainement plus pragmatiques et efficaces que les mesures générales, dangereuses pour les libertés individuelles, envisagées dans le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme élaboré par le ministère de l'intérieur. Il s'est cependant inquiété de voir reporter sur des pays de transit, comme l'Algérie, la responsabilité de la lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France et de l'Europe. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les moyens humains et matériels réellement dégagés en faveur de la coopération sécuritaire bilatérale et, plus généralement, sur la difficulté d'évaluer l'application concrète des nombreux accords ou conventions approuvés par le Parlement.
M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que l'accord ne faisait pas peser de responsabilité particulière sur l'Algérie, en matière de lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France, mais qu'il permettait, en revanche, de mener des actions de coopération pour aider l'Algérie à mieux contrôler les entrées sur son territoire. S'agissant de l'application de l'accord bilatéral, il a rappelé que la coopération en matière de sécurité est d'ores et déjà une réalité, comme en témoigne l'arrestation, ces dernières semaines, en France, d'une cellule liée au GSPC. L'accord vise simplement à donner un cadre plus formel à cette coopération. Enfin, s'agissant du respect des libertés individuelles, les articles 9 et 10 de l'accord comportent des stipulations très précises sur la protection des données nominatives fournies dans le cadre de la coopération et sur le traitement confidentiel des informations qualifiées comme telles par chaque partenaire.
M. Philippe Nogrix a estimé, à ce propos, en sa qualité de représentant du Sénat auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), que l'accès élargi à certaines informations nécessaires à la lutte anti-terroriste ne semblait pas devoir soulever d'objection de principe au regard du respect des libertés individuelles. Il appartiendra cependant à la CNIL de vérifier si ces possibilités nouvelles sont bien proportionnées à l'objectif poursuivi et si leur accès est bien exclusivement réservé à des autorités qualifiées. De même, elle s'assurera du droit d'accès des citoyens aux informations les concernant et des conditions de conservation de ces données. S'agissant des relations franco-algériennes, il s'est interrogé sur la notion de traité d'amitié et sur sa portée. Il a estimé qu'une telle qualification ne pouvait être réservée qu'à des relations extrêmement confiantes, dépourvues d'ambiguïtés ou d'arrière-pensées. Il a émis des doutes sérieux sur la réalisation de cette condition, s'agissant de l'Algérie, en évoquant notamment la prise en compte insatisfaisante de la situation des harkis.
M. André Rouvière a réitéré ses observations, maintes fois exprimées, à propos du suivi des nombreux accords ou traités bilatéraux et multilatéraux approuvés par le Parlement. Il a rappelé que tous les ministres successifs s'étaient déclarés favorables à la conduite d'un tel travail, mais qu'aucun d'entre eux n'avait, par la suite, transmis d'information relatives à la mise en oeuvre de ces instruments internationaux. Il s'est demandé si la commission ne devrait pas effectuer un bilan annuel de l'application des conventions qu'elle examine.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les accords multilatéraux comportaient généralement un mécanisme de suivi de leur application et que, dans le cadre d'accords bilatéraux, il incombait à chaque partie de veiller au respect, par l'autre partie, de ses engagements. Il a souligné que l'exécutif était, de ce fait, responsable de l'application des accords internationaux, ce qui n'empêchait en rien les rapporteurs des textes en question d'effectuer un travail de suivi. Il a ajouté que, sur des sujets précis et particulièrement sensibles, la commission pouvait également décider de faire le point de l'application des engagements internationaux.
M. Jacques Peyrat a évoqué les négociations en cours entre la France et l'Algérie, au sujet d'un futur traité, et a récusé la qualification envisagée de traité d' « amitié », estimant qu'elle ne correspondait pas à la situation actuelle des relations entre la France et l'Algérie. Il a cité, entre autres exemples, les contentieux persistants sur le sort des harkis et la prise en compte de certaines préoccupations des rapatriés d'Algérie, ainsi que les déclarations du président algérien. Il lui a paru que les termes « accord de coopération » ou « d'entraide » seraient plus appropriés et a indiqué qu'en l'état actuel des choses, il se prononcerait contre un projet de loi portant ratification d'un traité d'amitié franco-algérien.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les négociations engagées n'avaient toujours pas abouti, qu'elles suscitaient un débat nourri, notamment en Algérie, et qu'il appartiendrait, bien évidemment, aux parlementaires de prendre position sur un tel traité le jour où sa ratification serait soumise au Parlement.
M. Robert Bret a estimé que les peuples français et algérien partageaient une histoire commune, et qu'il était de l'intérêt des deux pays de savoir aborder le passé pour fonder une relation nouvelle. Il a regretté que, pour satisfaire certaines catégories particulières, le Parlement ait cru devoir insérer, dans la loi du 23 février 2005, une mention relative au rôle positif de la présence française en Afrique du Nord, au risque de contredire la réalité historique et d'entraîner d'inutiles difficultés pour nos relations avec les pays concernés.
M. Jean-Pierre Plancade a mis en garde contre la tendance à l'auto-dénigrement et a appelé à une vision objective des réalisations effectuées en Algérie, jusqu'à l'indépendance, au regard de la situation du pays quatre décennies plus tard.
M. Jacques Peyrat a précisé qu'il reconnaissait tout l'intérêt d'une coopération accrue entre la France et les pays du Maghreb, en particulier l'Algérie, et que ses objections ne portaient pas sur le principe d'une telle coopération, mais sur la notion de traité d'amitié, inappropriée à ses yeux s'agissant de l'Algérie.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé que l'accord examiné par la commission concernait spécifiquement la sécurité intérieure et qu'il importait de le dissocier des débats, par ailleurs légitimes, sur un futur traité d'amitié.
La commission a alors adopté le projet de loi.