III. LE PROJET DE LOI : UN PACTE DE CONFIANCE TOURNÉ VERS L'AVENIR
A. LE PROJET DE LOI VISAIT DÈS L'ORIGINE À MIEUX GARANTIR LA TRANSPARENCE ET LA SÉCURITÉ
Le projet de loi soumis à l'examen de votre Haute assemblée poursuit un objectif de consolidation de la transparence et de la sécurité en matière nucléaire.
Sur la forme, ce texte donne une consécration législative à la plupart des règles et bonnes pratiques actuelles, qu'il s'agisse du régime des installations nucléaires de base, du rôle des commissions locales d'information ou de l'existence d'un régime particulier pour les installations intéressant la défense.
Sur le fond, ce projet de loi améliore les garanties existantes. En matière de sécurité, il augmente le champ d'intervention des administrations de contrôle et leur confère des pouvoirs d'accès, de contrôle et de sanction supérieurs à ceux dont elles disposent pour les ICPE. En matière de transparence, il étend à tous les « documents nucléaires » le régime d'accès prévu par la loi du 17 juillet 1978 et il institue un Haut comité de la transparence nucléaire aux attributions très élargies par rapport à l'actuel CSSIN 49 ( * ) .
Ces apports du projet de loi initial ont été complétés par une réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire, au travers de la création d'une autorité administrative indépendante.
B. UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE
1. Au sein de l'Etat, une autorité nouvelle chargée de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
a) La sûreté nucléaire et la radioprotection confiées à une autorité administrative indépendante
Par lettre rectificative du 22 février 2006, le Gouvernement a ajouté au texte un nouveau titre créant une Haute autorité de sûreté nucléaire (HASN) . Conformément au souhait du Président de la République 50 ( * ) , la HASN est une autorité administrative indépendante chargée de participer au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi qu'à l'information du public.
La plus grande partie des décisions visant à assurer le respect des règles de sûreté et de radioprotection seraient prises par un collège composé de cinq personnes inamovibles nommées par le Président de la République et les présidents des deux Assemblées en raison de leurs compétences dans le domaine nucléaire.
Pour accomplir sa mission, en particulier pour exercer les contrôles des installations, la HASN se verrait transférer l'essentiel des services de l'actuelle Autorité de sûreté nucléaire.
b) La création d'une autorité indépendante ne remet pas en cause le rôle de l'Etat
Le projet de loi inscrit la création de la HASN dans le respect de trois principes fondamentaux :
- l'Etat reste l'unique garant de la sécurité nucléaire , puisque la HASN, non dotée de la personnalité morale, est entièrement intégrée à l'Etat. La seule réelle différence avec la situation actuelle sera son indépendance vis-à-vis des ministres, ces derniers disposant toutefois du pouvoir d'homologation de certaines décisions de la HASN ;
- le Gouvernement dispose toujours de l'ensemble des moyens pour faire face aux crises. Si la HASN participe au contrôle de la sûreté et de la radioprotection, elle n'a qu'un rôle d'appui pour l'une des autres composantes de la sécurité nucléaire qu'est la sécurité civile des populations en cas d'accident 51 ( * ) qui relève de la responsabilité du Gouvernement ;
- le cadre et les choix de la nation en matière nucléaire seront toujours fixés par les autorités politiques. En effet, le Gouvernement continuera de prendre la réglementation générale des activités nucléaires ainsi que les décisions les plus importantes, y compris en matière de sûreté et de radioprotection, comme les décisions de création, de mise à l'arrêt ou de démantèlement des installations.
2. Une Haute autorité tournée vers l'avenir
a) Les nouveaux développements du nucléaire français doivent reposer sur un pacte de confiance
Face à la crise énergétique actuelle et à venir, la France dispose d'un atout considérable au travers de sa filière électronucléaire.
Celle-ci est appelée à connaître de nouveaux développements au travers de l'utilisation de nouvelles technologies : les réacteurs EPR 52 ( * ) , puis de quatrième génération, ainsi que la fusion nucléaire étudiée au travers du grand projet ITER 53 ( * ) .
Ces évolutions ainsi que les décisions qui seront prises en matière de déchets nucléaires doivent se faire dans un cadre de confiance garantissant que l'ensemble des opérations menées bénéficie du niveau le plus élevé de sûreté et de transparence.
Ces garanties sont d'abord dues aux citoyens, qui s'inquiètent parfois de voir le Gouvernement être juge et partie en matière d'activités nucléaires, dont il est à la fois le promoteur et le contrôleur.
Elles s'adressent aussi aux exploitants qui exerceront désormais leur activité dans un cadre juridique clarifié et mis en oeuvre par une autorité indépendante des éventuelles inflexions gouvernementales dans la façon d'appliquer les textes, variant au gré des sensibilités politiques des ministres vis-à-vis de l'énergie nucléaire.
b) La Haute autorité participe d'une évolution internationale
Le projet de Haute autorité marque une nouvelle étape dans l'adaptation du cadre juridique français aux évolutions internationales en matière de bonne gouvernance et de transparence nucléaire.
En effet, si la création de l'ASN en 2002 rapprochait déjà la France des recommandations de l'AIEA, la création d'autorités nucléaires indépendantes semble aujourd'hui faire l'objet d'un certain consensus, inspiré des expériences menées aux Etats-Unis, au Canada ou en Espagne 54 ( * ) .
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En conclusion, vos rapporteurs tiennent à souligner que le projet de loi qui vous est proposé n'est pas un simple perfectionnement du système actuel. Son objectif premier est d'encadrer le nucléaire civil aussi rigoureusement au plan juridique qu'il est maîtrisé du point de vue technique.
* 49 Conseil supérieur de la Sûreté et de l'information nucléaire.
* 50 Lors de la cérémonie des voeux aux forces vives de la nation du 5 janvier 2006.
* 51 Le Gouvernement exerce ces attributions en s'appuyant en particulier sur le haut fonctionnaire de défense du ministère chargé de l'industrie et sur l'action des préfets.
* 52 EPR : European Pressurizer Reactor.
* 53 ITER : International Thermonuclear Experimental Reactor.
* 54 L'annexe II du présent rapport leur est consacrée.